mercredi 28 mars 2018

Une comédie burlesque interminable

Le renard et le chat de Pinocchio
L'expulsion massive de diplomates russes par la plupart des grandes démocraties occidentales signale au Kremlin, puisqu'il en est encore besoin, que les actions disruptives de ses services extérieurs sur la zone OCDE ont atteint les limites de la patience diplomatique.
La liste est longue des opérations étrangères de déstabilisation à la seule gloire du petit Csar, la Russie n'en retirant aucun bénéfice, si elle n'est pas en train de décrocher sérieusement par suite des blocus et sanctions mis en place par l'Occident fatigué des mensonges qui ne cachent évidemment rien.

Le faisceau d'expulsions est assez bien réalisé. Tous les pays de l'Union européenne ne sont pas dans le coup, et même le pays hôte des institutions, la Belgique, n'a décidé qu'une expulsion de pure forme. La moitié seulement procède pour le moment. Certains pays au contact comme les pays baltes et la Finlande expulsent symboliquement un seul diplomate, annihilant une réponse musclée. La dispersion des réactions ne permet pas de globaliser les contre-mesures, il faut que Lavrov traite les 28 un par un ! Enorme travail en perspective auprès de gens qui n'en pensent pas moins et sont tous las des pitreries et dénis qui fleurent bon l'ancien temps.

Outre-atlantique, les Etats-Unis réduisent à néant les importants moyens russes du consulat de Seattle (Wa) et purgent la délégation onusienne ; le Canada, partenaire obligé des Russes sur l'Arctique, expulse aussi et refuse trois accréditations. Sur l'Arctique encore, la Norvège qui a une ZEE importante dans l'océan polaire et une frontière terrestre avec la Russie marque le coup, ainsi que le Danemark, autre partenaire incontournable par le Groenland et verrou de la Baltique. Tout ceci fait beaucoup sur la zone très sensible du pôle nord.

A remonter le temps, on voit que la décrédibilisation du triumvirat Poutine-Lavrov-Medvedev remonte à la déstabilisation de la Géorgie après que celle-ci ait envoyé des troupes en Irak combattre Saddam Hussein, se rangeant donc dans le Camp du bien. Appuyé sur les enclaves rebelles abkhaze et ossète,le Kremlin a mis le souk en Mer Noire orientale, comme il y est parvenu en Mer Noire occidentale avec la Transnistrie. Evidemment la poudre répandue n'attendait que l'allumette ! On la gratta en 2008 et tout était prêt dans le tunnel de Roki. Puis ce fut l'invasion de la Crimée par des troupes anonymes en véhicules désimmatriculés, et l'infiltration du Donbass ukrainien par des soldats russes partis en permission au soleil avec leur canons de campagne ! La Russie n'y est jamais pour rien et toute action est sanctionnée d'un référendum en sa faveur.

Pour faire bon poids, l'armée et la marine russes manœuvrent en permanence sur la Baltique orientale et en Mer blanche, obligeant les riverains à une surveillance de tous les instants dès fois qu'il prendrait aux Russes l'idée de découdre leurs écussons dans la nuit. La chasse russe vole en permanence sans transpondeurs dans les couloirs internationaux, obligeant les pays riverains à monter voir. Les bombardiers stratégiques russes descendent sur l'Atlantique-Est au large des côtes de Norvège, Ecosse, Irlande, Bretagne, Galice et Portugal pour tester régulièrement les réactions des chasses OTAN*. Personne ne comprend le but de tout ce bruit, sauf à imaginer une sorte d'enfantillage à usage personnel. L'argent public serait mieux placé dans l'industrialisation d'un immense pays, riche en ressources minières, qui est obligé d'importer la plupart des biens manufacturés de consommation courante.
(*) Le Secrétaire général vient d'expulser sept membres de la mission permanente russe auprès de l'Alliance atlantique en Belgique et refuse trois nouvelles accréditations. Il en reste tout de même vingt à poste.

Le bombardier Tu-160 teste l'OTAN régulièrement

Passons sur l'expédition de Syrie après quand même avoir signalé que la tactique russe n'a pas changé depuis Grosny. Dans son livre de conversations avec Poutine, Oliver Stone fait répéter deux fois le nombre de frappes aériennes de l'aviation russe en zone rebelle : entre 70 et 120 par jour, sept jours sur sept (cote 123), ce qui est ingérable en actions ciblées mais possible en tapis de bombes aveugle comme en Tchétchénie. Ajouté aux barils de poudre de l'aviation alaouite, les civils syriens n'ont qu'à bien se tenir. Au résultat, les zones rebelles ont été les plus visées, les zones du "califat" beaucoup moins, n'en déplaise aux poutinolâtres.

S'ajoute à cela l'immixtion dans les élections démocratiques aux Etats-Unis et sans doute ailleurs (Macron l'a reproché publiquement à Poutine lors de sa visite au château de Versailles), en plus des tentatives répétées d'effraction dans les systèmes informatiques d'occident, même s'ils ne sont pas les seuls dans ce dernier cas. Déstabilisation globale de toute la sphère d'influence russe, espionnage à tous les étages, il faut être bien prétentieux pour croire que ces comportements puissent durer longtemps ! La riposte diplomatique occidentale est aussi une humiliation puisque le Kremlin ne peut dépasser une réciprocité de façade, car de l'Occident et de la City de Londres la Russie a bien besoin, qui savent faire la part entre le pouvoir central et les peuples de la Fédération.

Le pouvoir russe, embaumé à la méthode Coué, va un jour se réveiller surpris de constater que le monde ne l'attend pas et ne montre aucune frayeur au défilé des missiles de la revanche. La guerre économique, la vraie, se joue ailleurs que dans le complexe militaro-industriel.
Or la Russie ne fabrique rien par elle-même sauf des armes ; le reste, elle le fait faire sur son sol plus qu'elle ne le fait ou l'importe et son indépendance en souffre. Il n'existe aucun produit russe dans les supermarchés d'Europe occidentale ; elle ne vend rien de notable sauf des hydrocarbures, des métaux, du charbon et du poisson. Mais comme ses exportations sont valorisées par les bourses étrangères de matières et denrées et qu'elle compte sur elles pour nourrir sa population, elle est otage des cours mondiaux comme un pays d'Afrique et donc de sa propre facturation, plus qu'elle n'est en position de menacer ses clients. Malgré les sanctions, son premier partenaire commercial est encore l'Europe même si la Chine monte en gamme. Si le pipe vers l'Ouest se tarissait, ce ne sont pas les pays d'Asie centrale, la Chine, l'Iran (ou le Venezuela) qui prendraient la suite, ils sont déjà pourvus.

Le Kremlin n'a de réel pouvoir que de nuisance, et c'est cela que l'Occident lui renvoie publiquement à la figure aujourd'hui dans ce vaste mouvement de ras-le-bol, sans crainte de représailles coûteuses ! La communication occidentale commence à dissocier ostensiblement le pouvoir politique de la société civile, c'est un mauvais présage qui ne peut qu'inquiéter les kagébistes d'autant que des intérêts économiques puissants sont en jeu en Russie même, intérêts que le Kremlin contrarie. On a déjà vu ailleurs des dictateurs balayés par l'oligarchie, l'argent achète tout, même la Tcheka. Aussi le Kremlin va-t-il faire monter les œufs en neige dans l'opinion russe pour faire applaudir sa partition théâtrale d'une résistance à l'encerclement fasciste comme en 41. Mais il y aura bien quelques citoyens soupçonneux pour se demander à quel motif le monde entier ou presque leur en veut tellement, alors que chaque voyage à l'étranger leur prouve le contraire ! Les civils russes sont bien accueillis partout ; les oligarques aussi.




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