samedi 24 novembre 2018

Le Piège

Paris samedi midi. L'insurrection, bon enfant pour le moment, des classes défavorisées n'entre pas dans les schémas de gestion de crise des gnomes de l'Elysée. Et plus curieusement, n'entre pas non plus dans les schémas descriptifs des chaînes d'infox en continu. Elles dénigrent, désinforment, puis au seuil du ridicule allégrement franchi, elles donnent la vraie info du jour, pour reprendre ensuite la démolition sur le canevas de l'Intérieur comme l'a fait Julien Arnaud sur LCI ou Laurent Neumann sur BFMTV quand ce n'est pas Olivier de Lagarde qui s'y colle sur France-info.

C'est Jean Lassalle, qui hier soir dans le TalkShow de RMC/story (où il a failli mettre une baffe au minuscule Barbier en cache-nez rouge) a saisi les tenants et aboutissants du piège Gilets Jaunes. Il est en effet inutile de demander aux "meneurs" leurs revendications puisque les insurgés expriment un mal-être profond, des fins de mois impossibles, l'humiliation d'un mépris de la classe aux affaires qui les domine de toute sa superbe et une colère que les barrages auto-alimentent.
Si vous allez chez le médecin, ce n'est pas pour rédiger son ordonnance mais pour lui donner vos symptômes et en recevoir le remède. C'est aux pouvoirs publics d'établir l'ordonnance, mais cette innovation ne cadre pas avec les logiciels de la technocratie, surtout celui mis en œuvre pour réformer notre société.

Ce logiciel qui aurait convoqué beaucoup d'intelligence artificielle, dit-on, est construit pour forcer l'obstacle, user les revendications dans des consultations fréquentes des parties adverses leur laissant peu de temps de réflexion, quand de son côté la presse accoquinée les met en pièces comme on l'a vu très explicitement dans les négociations ferroviaires. En fait la fracture existe vraiment puisque l'interlocuteur est assimilé à un adversaire contre lequel toutes les techniques dialectiques sont permises, y compris la désinformation (hausse du litre de gasoil due au baril quand il baisse de 20%). Dans le cas des Gilets Jaunes, ça ne fonctionne pas puisqu'il ne revendiquent pas pied à pied des mesures précises et que la dispersion des barrages autonomes ne produit pas un bureau national avec qui parler et qui serait obéi ensuite.

A l'heure où nous mettons sous presse, la manifestation parisienne dégénère en émeute au double effet de l'infiltration d'anarchistes violents et d'une doctrine d'emploi de la force indifférenciée. D'accord, c'est beaucoup demander au préfet Delpuech qui fut incapable de tenir la rue le Premier Mai contre les Black Block, que de gérer intelligemment l'infiltration. Et ne parlons pas du demi-ministre Nuñez qui nous a montré son savoir-faire à Marseille en spectateur impassible de la guerre des narco-trafiquants. Son dispositif visant à canaliser la manifestation vers le Champs-de-Mars, a été facilement percé sur les Champs-Elysées.


Il m'étonnerait fort que l'exercice de communication du président Macron mardi prochain sorte des rails technocratiques évoqués ci-avant même si la dialectique employée est en cours de peaufinement à l'Elysée pour coller aux réalités et aux auditoires. C'est mépriser les gens que d'évoquer un déficit d'explication. Si les pouvoirs publics sont restés sourds au mal-être de la base (sic), ils vont se retrouver cette fois devant un public sourd à son tour, qui ne veut pas "raisonner, comprendre, se lasser". C'est inédit mais le jeune président n'a qu'à s'en prendre à lui-même et à son style arrogant pour ne pas dire provocant. Le portefaix du monde nouveau s'est transformé en tête-à-claques. C'est mortel en politique.

Reste le cautère diabolique sur la jambe de bois. Compenser les taxes et l'insuffisance de pouvoir d'achat des classes populaires par des mesures fiscales d'accompagnement accroît mécaniquement le périmètre de l'Etat obèse, et sans impôts nouveaux qui déclencheraient une révolution sanglante, oblige à emprunter ces libéralités aux pétro-monarchies, augmentant d'autant une dette insoutenable. L'an prochain nous irons chercher pour vivre 225 milliards d'euros sur les marchés de bons (l'Italie à peine plus, 240 milliards). Nous continuons à manger le capital des générations montantes. Elles laboureront nos cimetières pour nous transformer en engrais.

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