lundi 4 mars 2019

En regardant passer les opportunités

Louis de Bourbon, duc d'Anjou
Leurs excellences Don Luis Alfonso et Doña Margarita sont rentrés à Madrid en famille, revenant de New York où la cigogne leur a livré leur quatrième enfant. La fratrie est donc américaine, en plus des nationalités parentales. Souhaitons-leur d'en profiter quand ils seront en âge de poursuivre des études dans le grand monde des universités. Mais pour le temps présent, les soucis du duc d'Anjou semble cerner la menace d'exhumation de son arrière-grand-père Francisco Franco de la basilique souterraine en Valle de Los Caïdos, exhumation que le gouvernement Sánchez voudrait voir achevée avant les élections législatives provoquées par le refus de son budget aux Cortès de Madrid et prévues le 28 avril prochain.
Un des derniers messages laissés par son excellence sur sa page Facebook signale contre qui il entend rompre des lances :
Señores del #gobierno, @Sanchezcastejon, @carmencalvo_, @PSOE, #comunistas, #separatistas y medios afines: en la #vida se pueden comprar o vender muchas cosas pero nunca la #dignidad
#ElValleNoSeToca
#ElValleSeDefiende

Tant le procès des sécessionnistes catalans que la dispute sur le lieu de ré-inhumation des cendres du Caudillo - les Franco ont une concession au cœur de Madrid - vont occuper le nouveau chef de famille qui ne pourra pas se priver du plaisir de pousser ses champions dans les élections générales où quelques nostalgiques de la Phalange viennent de se souvenir que le fils de l'aîné et descendant du regretté dictateur c'était finalement lui. Connaissant ses sympathies actives pour le parti de droite carrée VOX, on doit s'attendre à voir Louis de Bourbon en campagne d'ordre et pour compte, ce qui risque de froisser les susceptibilités du mouvement légitimiste français de stricte obédience qui a pris l'habitude de le convoquer aux jeux du cirque royaliste, dans des églises ou pèlerinages le plus souvent. Entre ses engagements politiques et ses activités professionnelles, où trouvera-t-il le temps ?

A la sortie de la Chapelle expiatoire à Paris où il était venu le 20 janvier dernier présider une messe pour le roi Louis XVI, le duc d'Anjou avait donné une interview à Boulevard Voltaire par laquelle il montrait un intérêt intact pour sa mission et sa position. Concernant la situation quasi-insurrectionnelles de notre pays voici ce qu'il confiait à Marc Eynaud.

[BV] On vous a vu et entendu soutenir les gilets jaunes. Pourquoi ce soutien et en quoi vous semble-t-il légitime ?
J’ai voulu montrer une certaine solidarité avec tout le pays dont je voyais qu’il était en souffrance. Il y a un ressenti d’une grande injustice en train de se développer : d’un côté une fiscalité toujours plus forte, et de l’autre des services publics et un niveau de vie en baisse, et cela, tant dans la France rurale que dans les banlieues qui sont devenues, en certains endroits, des territoires de non-droit. Est-ce sain ? Je ne le pense pas. L’intérêt du mouvement actuel est qu’il est spontané, né de la distorsion entre une France légale et celle qui vit dans la réalité du quotidien. Ainsi, des personnes de tous les horizons s’y associent ou l’approuvent. La durée du mouvement montre sa légitimité. Certains politiques, comme Benoît Hamon, parlent de « vacillement de la République ».
[BV] En effet, la crise des gilets jaunes semble avoir fragilisé la confiance des Français vis-à-vis des institutions. Parallèlement, on sent un regain d’intérêt pour votre parole, qui est reprise par les grands médias. Y voyez-vous un signe quelconque ?
Les huit siècles de royauté ont montré qu’il fallait savoir évoluer. Celle du XIIIe siècle n’était pas celle de François Ier ou de Louis XIV. La royauté n’était pas conservatrice. La République est une forme de gouvernement comme une autre. Rien ne sert de s’attacher à un mot s’il perd de son sens.

L'héritier des quarante rois - ce qui n'en fait pas le légataire universel - veut donc faire évoluer le modèle, au grand dam des intégristes de l'Union des Cercles légitimistes de France, en allant bille en tête vers la monarchie constitutionnelle honnie. Ce n'est pas un coming out pour qui le connaît et l'écoute. Son modèle, à plus ample informé, est la constitution espagnole de 1978 qui a pour objectif principal d'organiser une monarchie hautement symbolique où le titulaire promulgue les lois votées au parlement et retient la capacité de sanction ; et en même temps une monarchie fédérative puisque la décentralisation effective du pays est génétique à l'Espagne, le royaume actuel ayant été constitué à partir de royaumes préexistants (d'où le titre ancien de roi de toutes les Espagnes que portaient les souverains jusqu'à Ferdinand VII). La couronne règne donc mais ne gouverne pas ses peuples ; les Cortes Generales de Madrid en sont la cour constitutionnelle et expriment la souveraineté nationale, en quoi leur session est continue. Même si nous sommes au stade de la conversation de salon, cette vision d'un futur possible pour une France à régénérer coupe à angle droit la monarchie de droit divin des légitimistes de stricte obédience, confinés aux grimoires et parchemins enluminés de la vieille tradition davidique (j'exagère à peine). En fait, et c'est leur droit le plus strict, ils s'en remettent à l'intercession de la Providence sur la ligne de pente transcendantale pour le lieu et l'heure d'une restauration, à condition de rétablir le modèle qu'ils privilégient à l'exclusion de tout autre. Le Ciel dira ce que nous voulons qu'il dise ! Il fut un temps où leur meilleur tribun, un converti récent à l'haleine de moutarde qui sévissait sous le pseudonyme de Lulo, se faisait fort de dresser le prétendant espagnol à ses vues radicales, et accessoirement faire des remontrances au nouveau pape argentin dont le magistère semblait dévier. On ne l'entend plus ; peut-être qu'à la fin, il s'est fait étrangler au fin fond de la crypte pour libérer des propos plus aimables pouvant attirer des adeptes non sectaires. Juste l'histoire des mouches et du vinaigre.

En avant donc vers la monarchie constitutionnelle ? D'aucuns se consoleront en se souvenant que la constitution de la Vème République française est d'essence monarchique et remet des pouvoirs considérables au président élu. Si l'on substituait aujourd'hui un roi au président dans le texte, il obtiendrait des pouvoirs dont aucun de ses prédécesseurs dans l'histoire n'a jamais disposé. Je ne m'aventurerai pas à penser que c'est peut-être beaucoup pour le niveau atteint par les divers prétendants mais faisons confiance au Saint-Esprit qui descendit sur Clovis au jour de son baptême. Et j'en viens au point qui fâche : pourquoi aucun de nos prétendants au trône n'a-t-il fait d'études politiques sérieuses ? Qu'ils aient le sens de l'Etat donné par leur éducation au sein de familles responsables, n'induit pas qu'ils aient naturellement la connaissance des rouages, le fonctionnement du réacteur, les effets à attendre ou à redouter des causes et arbitrages nécessaires. Ces choses s'apprennent dans des cursus élitaires auxquels ils semblent tous avoir échappé. Celui qui a fait les études les plus poussées et les a converties en un vrai métier est Jean-Christophe Napoléon. Aux dernières nouvelles, il travaillait chez la succursale londonienne de Blackstone New York, une banque d'affaires sophistiquées montée par un ancien patron de Lehman Brothers avec son directeur d'alors des fusions-acquisitions. Souhaitons-lui de percer dans la jungle des banques américaines qui sont un défi permanent et féroce, formateur du caractère.


Jean d'Orléans, comte de Paris

Une vraie question demeure (il y en a deux) : Louis de Bourbon veut-il s'impliquer en France plus loin que les commémorations d'usage, comme d'ailleurs son père avait voulu l'organiser avant son accident de ski fatal ? Son engagement franquiste peut-il être dépassé et contrôlé par son engagement français ? Si personnellement je n'aurais rien à lui reprocher de ses engagements personnels actuels, on peut douter que tous les royalistes français soient en résonance sur des positions tranchées quant à la guerre cruelle toujours en mémoire, sans parler bien sûr des Français non-royalistes à convertir pour atteindre la masse critique indispensable à un changement de régime. Si les réponses sont "non", s'ouvrent deux possibilités, attendre la majorité du jeune prince Louis de Bourbon (duc de Bourgogne); sinon placer nos espoirs dans la famille d'Orléans, toujours sur le qui-vive pour prendre la lumière des espérances. Le décès du duc de France Henri ouvre la voie à son fils Jean. Léger problème, à cinquante-trois ans, le prétendant n'a exercé sérieusement aucun métier. On peut croire que les Français ne feront pas confiance à un rentier. Le leurre d'exploitant forestier ne tiendra pas longtemps sous la curiosité d'une presse d'investigation, et on peut douter de la pugnacité d'un héritier, qui ne s'est toujours pas réalisé lui-même, à performer dans la mission de réhabiliter le pays. A moins que la disparition d'un père compliqué ne le libère vraiment et qu'il prenne le taureau par les cornes en organisant largement la promotion de ses intentions. La déstabilisation de la République que signale Benoît Hamon, appelle des réponses de fond. Est venu le moment de pousser les pions du roi, si tant est que le mouvement soit capable d'exposer un projet crédible qui intéresse les gens. Mais toute irruption dans le champ médiatique nécessite des moyens financiers conséquents dont nous ne disposons pas. Nous disparaissons lentement du champ de la presse imprimée et n'apparaissons pas dans celui de la presse virtuelle ou sur les plateaux médiatiques. Le site dérivé du Million du roi en a fait des tonnes sur cette conversion absolument nécessaire. Alors ? nous attendrons la prochaine fois, com'd'hab ! D'ailleurs aucun "prétendant" (sauf feu Alphonse de Bourbon, duc de Cadix) n'a ouvert ses coffres pour faire de la politique en France. Ce qui nous amène à la question qui tue de cet article décousu :

Si tout concourt à nous persuader que les ailes de la victoire sont d'expérience portées par celles de la fortune, et si la banque anglaise n'y pourvoira plus comme aux temps de l'usurpation coûteuse, quid de l'argent ? On sait que les quatre mille royalistes français n'y pourvoiront pas non plus, à divers motifs dont le plus fréquent est leur impécuniosité chronique, due peut-être à ce qu'ils sont dans la vie plus contemplatifs que réactifs. Rares sont les royalistes à avoir fait fortune dans leur profession et par après montré leur bourse ; mis à part certains militants de l'Alliance royale qui jetèrent tous leurs deniers dans le prix de sondages afin de mesurer la popularité de leur cause avant de faire campagne à leur frais. Chapeau ! On dirait que le péché capital le plus commun au Roycoland soit l'avarice. Et que dire des princes ? Quelle chapelle, parti, publication, journal, a vu la couleur de leur bon argent ? De vous à moi... ils n'y croient pas. Leur popularité même réduite à une poignée de fidèles les flatte, et les courtisans qui n'en tireront que des titres de fantaisie, se pâment à leur contact et augmentent la transe. Il suffit de si peu à l'armée des nostalgiques laissés pour compte dans la société quotidienne pour enjoliver leur vie bien ordinaire d'un sourire ou d'une poignée de main un peu prolongée. L'héritage dynastique est une sorte de rente de complaisances diverses qui suffit aux princes en vue, leur laissant tout loisir de jouer au chef de maison et parfois au "parrain" comme on le vit sous le règne virtuel d'Henri l'Ancien. Pas d'argent pas de suisses ! Quelle propagande pourrait faire pleuvoir les sous, ouvrir les porte-monnaie après les cœurs ?

Langue au chat ! Le système apparaît auto-destructeur si les militants sont privés de construire un programme convaincant de gouvernement en substituant à l'Etat bureaucratique actuel un Etat décentralisé et recomposé sur ses fonctions régaliennes. Le mouvement aurait gagné à dessiner les contours de l'épure monarchique dans un grand débat où tous auraient été conviés, et qui aurait abouti à la construction d'un projet de régime. Il y a longtemps, des assises royalistes furent impulsées par la Conférence monarchiste et la cellule SYLM, pour mettre tout à plat. L'impulsion fut rapidement éteinte par les chapelains menacés dans leur position sans éclat ni écus et peut-être freinés par la camarilla d'Orléans soucieuse du pouvoir d'initiative intact du prince en charge. Comme les Pujo chez l'Action française 2000, l'important n'était que de continuer, même sans mandat, de durer... ! Nul ne sait ce que pensent au fond d'eux-mêmes les princes de la meilleure physique sociale pour sauver un pays qui s'effiloche chaque jour un peu plus. Tout cela manque de concret, pieds au sol ! Les conférences, du domaine historique ou sociétal le plus souvent, restent prudemment dans les bons sentiments, les incantations au bien commun qu'on ne définit pas, les généralités de bon sens qui ne fâchent personne, toutes choses rabâchées qui meublent des arrières-salles de café mais qui ne lèveront pas les foules.
Cessez, roycos, de cotiser et demandez Le Programme.





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