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De Barkhane à Tacouba

L'attaque meurtrière du camp malien d'Indelimane le 1er novembre dernier fut d'abord mise au compte de la surprise. Mais quarante-huit morts, des disparus et neuf véhicules capturés par l’État islamique dans le Grand Sahara (katiba Abdel Hakim al-Sahraoui), après d'autres attaques de postes avancés, remettent en cause les capacités et le dispositif des Forces armées maliennes. Et ce défi perdu laisse douter de la pertinence de cette chimère française du G5-Sahel, inventée pour préparer le retrait français, en ne laissant que quelques conseillers au niveau des bataillons et bien sûr la surveillance aérienne.


Radio France internationale fait à sa manière un débriefing de toutes ces attaques en présentant l'opération riposte de l'état-major français sous le nom de Tacouba. Il ne s'agit pas moins que de distribuer des forces spéciales de plusieurs pays européennes dans les unités sahéliennes. Voici l'article proposé avec droit de publication :



Sans faire de la stratégie de caisse à sable, il revient à l'esprit de tout vieil officier d'infanterie que la meilleure réponse à la guérilla n'était pas dans les fortins qui fatalement s'assoupissent près du bac à glaçons, mais dans la chasse aux malfaisants. Les commandos de chasse furent employés en Indochine avec succès jusqu'à ce que le général Navarre gèle le corps expéditionnaire où l'on sait. Pendant la guerre d'Algérie, quand le théâtre d'opérations fut bouclé par les lignes Challe et Morice, les katibas de l'ALN éclatèrent en groupes autonomes (surtout pour leur ravitaillement). Les points d'appui plus ou moins fortifiés de l'armée française s'avérèrent vite inutiles, comme des casernes de carabiniers voués à arriver bien après chaque drame. D'où l'idée de mettre tout le territoire en insécurité en lançant des unités légères très mobiles traquant les fellaghas de jour comme de nuit par des embuscades en rase campagne aux points de passage obligés, gués, cols, ponts, chaos rocheux de repli etc...

La limite du dispositif sous un climat désertique est la tendance naturelle de chacun à l'assoupissement et à profiter du confort du point d'appui duquel on prévoit de ne jaillir que sur alerte confirmée. Les dotations des commandos de chasse ne sont pas dispendieuses ; le gros des effectifs peut être puisé dans les populations naturellement aguerries. Par contre tout est une question de mental. Il faut une résilience exceptionnelle pour mener la traque sur de longs mois. C'était l'esprit des compagnies sahariennes de jadis. Loin du fokonyaka et n'ayant pas l'oreille des stratèges payés au mois, le Piéton du roi prend date et suggère que les compagnies sahéliennes des pays du G5S soient commandées par des cadres des forces spéciales, spécialement formés à cavaler à la recherche des freux du califat. Les méthodes de mise en insécurité sont spécifiques et vont de la contre-embuscade, à la déception, à la désinformation des populations résidentes, à l'acquisition d'objectifs pour l'artillerie à longue portée et pour les escadrons d'hélicoptères de combat. Est-il nécessaire d'insister sur l'homogénéité tribale des troupes indigènes afin de fluidifier la chaîne de commandement et retour ?

Laissés à eux-mêmes, les gouvernements et autorités militaires régionales, mis à part le Tchad, sont dépassés. L'embellie ne viendra pas avant que les katibas soient détruites. La pacification sera vaine comme on le sait depuis longtemps chez les Français. Nous y sommes pour quinze ans, disait ce tantôt un officier d'état-major. Sauf si les Sahéliens décident que nous leur créons trop de "problèmes" et qu'ils préfèrent l'entre-soi de la palabre et du tribut ; auquel cas nous sortirons du jeu en attendant que l'Etat islamique nettoie toute la zone à son avantage. Sera-t-il plus vulnérable une fois installé ? c'est la question à vingt dollars que se poseront alors le Maroc et l'Algérie, aux premières loges de l'infestation. Apparemment, il ne leur est pas venu l'idée de s'engager dans la traque à nos côtés. Ils le paieront cher.

Commentaires

  1. Lu dans L'Opinion de ce jour, la confirmation d'un entre-soi préférable comme nous le pressentions en fin de billet :
    quote [ Le président] du Burkina Faso, Roch Kaboré, a exclu de reconduire les accords tacites que son prédécesseur entretenait avec ces groupes jihadistes, acceptant de leur livrer des équipements militaires. Face à l’impasse actuelle, ces deux dirigeants ont néanmoins commencé à réfléchir à une autre approche même si leur partenaire français exclut toute négociation avec les groupes terroristes. « ​L’Etat malien a envoyé des émissaires de différents ministères auprès d’Amadou Koufa il y a un mois et demi, explique un officiel malien. La rencontre s’est passée non loin de la forêt de Wagadou. Elle s’est traduite par un échange de prisonniers et des premiers échanges sur les revendications des jihadistes. D’autres rencontres sont prévus dans les prochains mois. ​» En 2018, le gouvernement malien avait déjà chargé des chefs religieux comme l’imam Mahmoud Dicko, ancien président du Haut conseil islamique, d’explorer la possibilité de trouver des compromis avec les jihadistes. En mars 2017, les participants à la conférence d’entente nationale avaient recommandé de prendre langue avec Amadou Koufa et son inspirateur, Iyad Ag Ghali, chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, AQMI) unquote.

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