mardi 18 août 2020

Le Proche-Orient vu d'un drone

L'Orient compliqué, qu'ils disaient dans les chancelleries du XXè siècle ! La cause nationale arabe, création d'une Palestine moderne, a épuisé la patience et les subsides des tuteurs des organisations palestiniennes. A voir les réactions européennes favorables à l'accord diplomatique entre Israël et les Emirats, la patience de la Commission européenne est pareillement usée. Seuls les Etats qui instrumentalisent les réfugiés palestiniens contre l'existence même d'Israël comme l'Iran, ou ceux qui redoutent des représailles orchestrées par les clans intégristes comme le Koweït et le sultanat d'Oman, refusent l'accord. Et pourtant le Soudan ouvertement, Bahrein très bientôt vont monter dans le band-wagon. Les relations normalisées feront dès lors une large tache d'encre sur la géographie arabe, ce qui influencera inévitablement l'existence même de la Ligue arabe, dont le destin semble plus proche du club de colonels anglais en retraite que d'une union stratégique qui impose un agenda.

Prince héritier d'Abou Dhabi
Shaykh Mohammed bin Zayed Al-Nahyan
On ne va pas s'enfoncer dans le dédale de la "Rue arabe" et partager l'émotion des uns et des autres, d'autant que je doute de la pleine sincérité des Palestiniens accrochés par un micro-trottoir. Mais lançons le drone au-dessus du Proche et Moyen-Orient pour voir les choses en gros. Il y a trois acteurs majeurs aujourd'hui sur la région, la Turquie islamique d'Erdogan (80 millions hab.), la République islamique d'Iran (82 millions d'hab.) et la République arabe d'Egypte (100 millions d'hab.) dont l'islam est religion d'Etat et la Charia source du droit. On pourrait dessiner trois concentricités en amalgamant à chacun ses clients pour avoir un effet de masse. Quand on aura fini, on comprendra tout de suite pourquoi l'Etat hébreu de seulement 9 millions d'habitants cherche à composer en permanence en offrant à ses interlocuteurs ce qu'il sait faire le mieux, la guerre et les technologies de pointe en tous domaines. Israël est un peu dans le rôle de Sparte. Deux acteurs majeurs sur trois se sont déclarés contre l'accord historique et le troisième, l'Egypte, a explosé de joie ! Venons-en maintenant à la question palestinienne d'aujourd'hui.

La revendication palestinienne, qui à l'origine prônait la destruction pure et simple de l'Etat d'Israël, se limite à demander aux instances internationales la reconnaissance d'un Etat arabe indépendant dans les frontières de 1967 ayant Jérusalem pour capitale et capable d'accueillir les familles des réfugiés de 1948 exerçant leur droit de retour. C'est clair, moral et toussa sauf que la proposition coupe à angle droit l'autre revendication, celle d'Eretz Israël qui doit manger tout l'espace disponible entre la mer et l'Euphrate. Manque de pot, le second a gagné la guerre (plusieurs fois), le premier l'a perdue par procuration. La théorie communiste d'une guérilla perpétuelle comme suite à donner à une défaite a fait long feu puisque Israël en a accepté le défi et a pris des mesures drastiques pour l'éteindre, quoiqu'il en coûte aux autres ! Les proxys arabes qui entendent les imprécations stériles des dirigeants palestiniens depuis cinquante ans sont fatigués. Certains doutent même que les chefs palestiniens soient suivis par les populations qui semblent souhaiter avant tout une vie normale avec du travail, un logement et une perspective d'éducation des enfants. Il ne faut pas avoir fait Saint-Cyr pour comprendre qu'Israël agite l'hologramme d'une normalisation pacificatrice en récompense de l'abandon de la revendication identitaire. Ceux qui poussent inlassablement les Palestiniens à la résistance éternelle se gardent bien de vivre parmi eux, aux conditions de leur quotidien.

Au-delà, les gouvernements arabes ont depuis longtemps compris que l'ostracisation des Juifs bridait un développement corrélé à leur démographie positive, au motif fumeux de l'impossible concrétisation du rêve d'un peuple sans Etat depuis toujours. Pour rehausser leur propre sécurité, deux ennemis d'Israël, l'Egypte et la Jordanie, ont passé l'éponge afin de s'attaquer plutôt à d'immenses défis domestiques. Cette reconnaissance enfreignant la doxa victimaire ne leur a pas porté tort. Au tour des "riches" arabes de reconsidérer maintenant le blocage palestinien de la Ligue arabe qui bride leur transition post-pétrole par un développement accéléré des industries de pointe en tous domaines, le luxe et le trade ne suffisant pas à assurer la pérennité de leurs économies et la richesse de leurs familles. Quatre cas particuliers :

Le Koweït est à l'origine une enclave découpée dans l'Irak où commandent aujourd'hui les Arabes des marais sous domination iranienne. L'émir qui craint une réaction explosive sur sa frontière, a déclaré en rester au statu quo.
Bahrein (ancienne possession persane) a été fortement déstabilisé par la communauté chiite et abrite une base navale américaine. Pour se garantir contre l'Iran, Bahrein va sans doute rejoindre le "club des traitres".
Le Qatar a été expulsé des organes de coordination du Golfe à plusieurs motifs dont celui de financement d'organisations terroristes et de propagande impie (Al-Jezira). Il est soutenu activement par la Turquie, l'Iran et le PSG.
Le sultanat d'Oman est la puissance historique qui a donné son nom au bassin inférieur du Golfe persique, la mer d'Oman, et qui a longtemps possédé sur la rive nord l'enclave de Gwadar aujourd'hui pakistanaise. Le nouveau sultan a les difficultés propres à la région mais en plus, son pays est adossé à l'Hadramaout yéménite, un foyer terroriste actif que personne ne sait éteindre à cause d'une géographie trop favorable aux nids de freux. Oman, trop près des côtes iraniennes, ne bougera qu'en dernier.

carte du Moyen-Orien

Reste la complication séoudienne ! Le dauphin MBS, qui a fait le pari d'une transition rapide du royaume vers une économie occidentalisée diversifiée, se heurte au wahhabisme conquérant, soutien indéfectible de la famille des Séoud aussi longtemps qu'elle les autorise à régenter les mœurs et à exporter le salafisme. Sans objectiver ni nier les relations techniques entre les services israéliens et les siens, l'Arabie heureuse fait le mort dans la question présente en attendant sans doute de voir où serait le gras d'un ralliement ? Elle affronte l'Iran au Yémen et se prépare à une guerre ouverte avec la théocratie perse par dessus ses voisins. Peut-être veut-elle mesurer d'abord la sincérité et l'efficacité de l'engagement des Israéliens dans son perpétuel combat contre le chiisme. Nous ne dirons rien des pays spectateurs empêtrés dans des problèmes internes quasi-insurmontables qui les raient de la carte : Syrie, Liban et Irak.

Voilà donc la photographie d'altitude de la région au moment. On ne peut clore l'article sans féliciter Jared Kushner et l'Administration de son beau-père pour avoir mis au jour l'Accord dit d'Abraham ; ni évoquer le destin promis à Gaza par les riches arabes après le retrait de Tsahal et des colonies juives, pas moins qu'un petit Dubaï sur Méditerranée ! avant que le Hamas ne capture le pouvoir pour en faire un ghetto intégriste et un foyer terroriste poursuivant la chimère d'une destruction d'Israël avec des bombes humaines et des cerfs-volants ! « La Palestine n'est pas à vendre » déclarent l'OLP et le Hamas qui ne vivent que de la charité fraternelle et de l'aide onusienne. Faudrait-il encore qu'elle ait quelque valeur ! Finalement les peuples sont toujours les cocus de l'histoire et de ses démagogues.

2 commentaires:

  1. La communauté médiatique recentre l'accord israélo-émirien autour du *problème* palestinien qui n'est même plus une question. Que les factions palestiniennes fassent bloc, comme l'annonce RFi, n'y changera pas grand chose ; même la Ligue arabe ne veut pas se saisir de la demande de Ramallah.
    Cet accord complexe est une étape dans le processus d'affrontement des théocraties arabes et perse.

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  2. "....Il est soutenu activement par la Turquie, l'Iran et le PSG." Trait d'humour impayable, qui va égayer ma fin de journée. Merci.
    Fred

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