vendredi 9 octobre 2020

Double-Dix à Taïwan

La fête nationale de la grande île tombe ce samedi 10 octobre. On commémore l'insurrection armée de Huguang qui le 10 octobre 1911 captura le vice-roi mandchou de Wuhan et tua cinq cents soldats impériaux. La république était en marche contre l'empire des Grands Tsings. Elle sera proclamée à Pékin le 1er janvier 1912 sous le nom de République de Chine (ROC en anglais). A cette époque l'île de Formose (Taïwan) n'était plus sous domination chinoise depuis que l'Empire l'avait perdue en 1895 au traité de Shimonoseki imposé par le Japon. L'île avait été conquise relativement récemment par les Chinois et il est utile d'en dire plus aujourd'hui sur les souverainetés successives qui s'y exercèrent.
carte de Taiwan
Carte de l'administration nippone de 1901

Bref d'histoire

La situation géographique de l'île de Formose est particulière en ce qu'elle barre sur 370 kilomètres la Mer de Chine méridionale de l'Océan pacifique par un mur de 3000m d'altitude (culminant à presque 4000m au Yushan). Elle est la continuation de l'archipel nippon, d'où l'intérêt que lui a toujours porté l'Empire du soleil levant. A noter dès à présent que les Chinois ne s'intéressèrent à Formose que tardivement à l'époque moderne.

Les chroniques attribuent aux Portugais la découverte des communautés austronésiennes de cette grande île sur la route du Japon, et c'est eux qui lui donnèrent son nom, Formosa, la belle. Puis la compétition des empires y amènera des Espagnols des Philippines puis des Hollandais d'Indonésie. Ce sont eux qui prirent les choses en main sérieusement vers 1624 avec des plans de développement agricole et l'importation de coolies chinois pour renforcer la main d'œuvre. La naissance d'une civilisation attira le pirate chinois Koxinga arguant de lettres de créances de la vieille dynastie Ming, qui chassa les Hollandais et se mit à son compte en doublant la population. S'il avait pu traverser le dangereux détroit, d'autres que lui s'y engagèrent : une escadre chinoise vint planter la bannière mandchoue en 1683 et conquit tout le pays. L'île attendra deux cents ans sous colonisation mandchoue un statut de province impériale avec un projet sérieux de développement (chemin de fer, mines, fortifications). Hélas, dix ans plus tard les deux empires s'affrontent sur la péninsule coréenne et la Chine a le dessous. Le Japon continue son projet maritime au-delà des Ryu-Kyu en récupérant pour l'éternité l'île de Taïwan au traité de Shimonoseki.

Bien que l'occupation n'ait jamais été un long fleuve tranquille, les Japonais développeront l'île au même rythme qu'ils le feront chez eux et imprègneront durablement la société taïwanaise de leur culture. Soixante ans plus tard, les japonais perdent la Guerre du Pacifique et les Américains les forcent à restituer Taïwan à la République de Chine. La République populaire (communiste) de Chine n'existe pas encore. La guerre civile chinoise verra la défaite des nationalistes et l'exil de l'administration et des armées de la République de Chine à Taïwan où le général-président Tchang Kaï-chek (1887-1975) formera des plans de reconquête de la Chine continentale, au flanc de laquelle il conservera quelques îles, le chapelet de Quemoy, Matsu et Daqiu, toujours dépendantes de Taïwan aujourd'hui.

La reconquête devenant illusoire par le développement exponentiel de la Chine populaire, le parti de l'indépendance taïwanaise retrouva des couleurs dans les années 80 et bien que le Kuomintang demeure le favori des pieds noirs nationalistes qui rêvent d'une réunion des deux rives du détroit, la classe politique aux manettes actuellement est clairement sur l'axe de souveraineté. Pour terminer ce bref sur une note diplomatique, précisons que le 1er décembre 1943, les alliés anglais, américains et chinois publièrent la Déclaration du Caire qui précisait notamment que Formose et les Pescadores faisaient partie des territoires sous occupation japonaise à restituer à la République de Chine. Ce qui fut confirmé au Traité de San Francisco et fait explicitement par le traité de paix sino-japonais du 28 avril 1952 signé à Taïpei (ROC). La République populaire de Chine, proclamée en 1949 sur le continent par Mao Tsé-tung n'avait pas d'existence diplomatique.

Aujourd'hui

De l'eau a coulé sous les ponts et le miracle économique du premier dragon asiatique lui a donné beaucoup d'assurance, au grand dam du Parti communiste chinois qui peine à convaincre ses compatriotes des bénéfices extraordinaires qu'il leur dispense. Une grande opération d'annexion serait la bienvenue pour exalter le chauvinisme han, mais le durcissement des capacités coercitives du Parti communiste chinois au Tibet, au Xinkiang, à Hong-Kong et en Mongolie intérieure bientôt, a conduit presque toute la classe politique insulaire dans le camp de l'indépendance.
Il reste encore des partisans de l'Anchluss. On les trouve chez des familles ayant occupé de hautes fonctions militaires ou civiles dans le Kuomintang historique ; et dans les milieux d'affaires chez ceux qui ont construit des usines dans le Guandong ou le Foukien et qui ne veulent voir que leur compte en banque de Singapour. Pour l'anecdote, au mausolée de Cihu, le sarcophage de Tchang Kaï-chek est présenté hors-sol dans l'attente de son inhumation au Zhejiang sur le continent.

Qu'attendrait le peuple taïwanais d'une normalisation ?

* Sur le plan économique, en termes de richesses, rien !
* Le débarquement d'une gestapo chinoise (ses espions sont déjà nombreux sur l'île), et l'envahissement d'unités anti-émeutes destinées à suppléer le flicage numérique de la société avec carnet civique individuel.
* L'écrasement de l'idiome hokkien au bénéfice du mandarin (qui est déjà la langue administrative) et la refonte des programes scolaires comme à Hong Kong.
* La récupération des Pescadores à l'entrée de la Mer de Chine méridionale entraînant l'élévation des menaces chinoises envers les Philippines et déstabilisant la sous-région.
* La bunkérisation de la côte orientale pour en faire un balcon militaire sur le Pacifique.
* L'élévation des menaces dans le nord de l'île pour récupérer les Senkaku japonaises.
* L'insupportable parade des cancres communistes débarqués en vainqueurs chez un peuple doux et affairé.

Aujourd'hui on ne peut que souhaiter l'indépendance de l'île de Taïwan qui est parfaitement distincte de la Chine populaire agressive, déviée par l'hubris de Xi Jinping et sa clique (heureusement mortelle). En trois lignes, cette indépendance est fondée sur les points suivants :

Taïwan et les Pescadores prises à l'Empire Tsing furent rendues à la République de Chine (ROC) et à elle-seule. La République de Chine déposa l'Empire Tsing en 1912 et s'y substitua complètement. La République populaire de Chine n'est pas le légataire universel de l'Empire Tsing, mais la République de Chine si, qui existe encore !

La revendication du Parti communiste chinois est une supercherie à laquelle se sont prêtées les puissances occidentales à des motifs mercantiles qui ne les honorent pas. Il n'est que temps de réparer l'outrage et de signifier à la Chine ses limites raisonnables.

Vive Taïwan libre !





Taïwan de profil pour fixer les idées :

- Formose et dépendances : superficie dépassant celle de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur
- Largeur du détroit : cent milles nautiques sur une mer souvent démontée
- Population : 24 millions d'habitants
- PIB : 20% du PIB français
- PIB par habitant en parts de pouvoir d'achat : 19% de plus que le PIB français

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