Confiné au rangement de mon petit bureau domestique - le Home Office - j'ai retrouvé un classement des flottes marchandes publié par la CNUCED* l'an dernier sur des données de Clarksons Research (au cas où quelqu'un voudrait creuser). L'organisation brasse un milliard de rapports excellents en tous genres et pour une bonne part dans le domaine maritime, ce qui nous intéresse ici. Pour la partie d'à-terre, on peut fouiller aussi le site de l'Union maritime et portuaire du Havre, l'UMEP.
Contrairement à la perception ambiante, ce classement en valeur des navires (indépendant donc des pavillons) attribue 35% de la flotte mondiale à l'Europe occidentale. Suivent le Japon, les Etats-Unis et la Chine populaire. Le score européen est dû principalement à la Grèce, à la Norvège (eh oui) et à l'Allemagne. Derrière l'Allemagne sur une marche assez haute, on trouve la Grande-Bretagne, le Danemark et les Pays-bas. La France n'est pas absente mais classée 18è, avec la moitié du tonnage danois, malgré notre armement fétiche CMA-CGM (troisième armement mondial dans le conteneur). Dit en passant, Taïwan est 10è ! Je précise que l'étude Clarksons incorpore, outre les vraquiers, tankers, cargos et porte-conteneurs, les navires à passagers et les navires de soutien offshore mais pas les bateaux militaires, les yachts, la pêche, la navigation intérieure, les plateformes offshores ni les barges. Difficile donc de comparer avec d'autres institutions qui classent différemment. Mais cette entame ne vise pas à analyser l'évolution des flottes marchandes. Il ne s'agit que de comprendre les divergences d'intérêts entre les nations européennes en temps de crise.
A l'heure où la démondialisation est au programme des tribuns politiques, il est bon de comprendre pourquoi les nations de libre-échange ne vont pas ouvrir leurs bras au malthusianisme français couplé à la réforme des flux marchands dans laquelle la France apparaît si peu. Pour ce qui concerne l'Union européenne stricto sensu (même si ses décisions s'inscrivent dans le concert plus vaste des nations maritimes), nos amis néerlandais, allemands et danois - je ne parle même pas des Grecs - ne voudront rien savoir de nos tentations protectionistes et fadaises écologistes puisqu'ils vivent largement du commerce mondial. Certes, ce n'est pas d'aujourd'hui, mais depuis la fin de l'empire colonial, notre empreinte mondiale a fortement étréci, nos échanges internationaux avec, et la flotte de haute mer a suivi ! Je viens d'une époque où des copains naviguaient sur Chargeurs Réunis, Messageries Maritimes, Navigation Mixte ou Delmas vers des ports qu'on ne retrouve plus que dans les romans d'espionnage. Bref, nous avons décroché, et sans M. Jacques Saadé qui a relancé l'armement français par la CMA, nous aurions disparu.
Si l'on excepte l'Allemagne qui suit avec plus ou moins de bonheur une géostratégie complexe depuis la réunification et la libération des pays de l'Est, nous avons au-dessus de nous un arc libéral qui nous soupçonne de complot à la Delors. Ce que cherchent dans les règles d'une Europe organisée tous les pays au nord du nôtre, c'est une zone de libre-échange la plus fluide possible, une Europe partenaire de traités économiques les plus lointains et les plus étendus, un marché mondial sans droits ni taxes (c'était l'intention du GATT). A cet effet, les pays que nous allons citer n'entendent pas être entravés de "valeurs européennes" définies et sanctionnées au plan fédéral et dont le juge le plus actif serait la France, ses Lumières, sa République bananière, sa Grandeur indépassable et sa Révolution sanglante. L'arc libéral commence aux îles britanniques, depuis le Brexit le doute n'est plus permis ; il se continue par les Flandres belges et les Pays-bas, puis le Danemark. Laissons l'Allemagne de côté pour la raison évoquée ci-avant, et on continue par la Pologne, la Suède, les deux pays baltes, l'Estonie et la Finlande. On reconstitue pratiquement la Ligue hanséatique.
La fibre européenne se juge au vote des peuples quand on les appelle à référendum : les Irlandais durent voter deux fois sur le Traité de Nice et refusèrent plus tard le traité de Lisbonne ; les Danois ont dû revoter sur Maastricht après que quatre dérogations majeures (opt-out) leur furent accordées par Bruxelles, mais ils ont voté deux fois contre l'euro pour conserver la couronne danoise ; les Suédois on refusé la clause d'automaticité et ont conservé la couronne suédoise ; les Néerlandais comme les Français ont voté contre le traité constitutionnel de 2005, puis ont refusé l'association de l'Ukraine à l'UE ; les Hongrois ont quant à eux refusé massivement les quotas européens de migrants ; et arriva... le Brexit !
Ceci pour dire que les valeurs européennes, démocratiques ou républicaines n'émeuvent pas tous les peuples pareillement et que les incantations répétées des délégués français ne trouvent que peu d'écho. Sans même parler de nos "projets" de réorganisation institutionnelle. Alors, dans la situation présente où trois piliers** de notre économie sont au bord de l'effondrement, où nos finances publiques n'ont plus rien à envier à celles du Wakanda, où notre goût de l'aventure gratuite mais coûteuse étend son blanc manteau sur le Sahel, le Levant, le Caucase et que sais-je demain, nous ne devons pas nous étonner si nos propositions à compte d'autrui (puisque nous n'avons plus le rond) soient débinées par les pays précités qui ont des affaires sérieuses sur le gaz ! Quant aux cousins gréco-latins, il ne reste que l'Espagne et le Portugal qui pourraient nous entendre ; l'Italie pour ce qui concerne son industrie performante est tournée vers le grand large et elle nous garde un chien de sa chienne pour avoir rompu la digue libyenne ; la Grèce (première flotte marchande mondiale) est gouvernée par des Grecs : ils achètent quatre frégates américaines pour le prix de deux frégates françaises !
Les dix-sept mois qui restent à l'équipe en place verront s'ajouter aux désordres intérieurs le reflux de notre influence européenne, surtout si l'Allemagne prend ses distances avec notre impérialisme moral comme on le sent de plus en plus. Quel imbécile a couplé les dispositifs de relance européenne à la manifestation d'un état de droit que personne n'a pris la peine de définir ? Finalement, l'élection de M. Macron dans le but de se débarrasser d'une classe politique corrompue, intéressée d'abord à sa propre perpétuation, si elle a effectivement fracassé les partis traditionnels, n'aura abouti à aucun des changements espérés. Mais le plus triste c'est qu'à ce jour, le plus mauvais reste encore le moins mauvais. C'est tout dire ! Bon, je retourne à mon classement.
Contrairement à la perception ambiante, ce classement en valeur des navires (indépendant donc des pavillons) attribue 35% de la flotte mondiale à l'Europe occidentale. Suivent le Japon, les Etats-Unis et la Chine populaire. Le score européen est dû principalement à la Grèce, à la Norvège (eh oui) et à l'Allemagne. Derrière l'Allemagne sur une marche assez haute, on trouve la Grande-Bretagne, le Danemark et les Pays-bas. La France n'est pas absente mais classée 18è, avec la moitié du tonnage danois, malgré notre armement fétiche CMA-CGM (troisième armement mondial dans le conteneur). Dit en passant, Taïwan est 10è ! Je précise que l'étude Clarksons incorpore, outre les vraquiers, tankers, cargos et porte-conteneurs, les navires à passagers et les navires de soutien offshore mais pas les bateaux militaires, les yachts, la pêche, la navigation intérieure, les plateformes offshores ni les barges. Difficile donc de comparer avec d'autres institutions qui classent différemment. Mais cette entame ne vise pas à analyser l'évolution des flottes marchandes. Il ne s'agit que de comprendre les divergences d'intérêts entre les nations européennes en temps de crise.
A l'heure où la démondialisation est au programme des tribuns politiques, il est bon de comprendre pourquoi les nations de libre-échange ne vont pas ouvrir leurs bras au malthusianisme français couplé à la réforme des flux marchands dans laquelle la France apparaît si peu. Pour ce qui concerne l'Union européenne stricto sensu (même si ses décisions s'inscrivent dans le concert plus vaste des nations maritimes), nos amis néerlandais, allemands et danois - je ne parle même pas des Grecs - ne voudront rien savoir de nos tentations protectionistes et fadaises écologistes puisqu'ils vivent largement du commerce mondial. Certes, ce n'est pas d'aujourd'hui, mais depuis la fin de l'empire colonial, notre empreinte mondiale a fortement étréci, nos échanges internationaux avec, et la flotte de haute mer a suivi ! Je viens d'une époque où des copains naviguaient sur Chargeurs Réunis, Messageries Maritimes, Navigation Mixte ou Delmas vers des ports qu'on ne retrouve plus que dans les romans d'espionnage. Bref, nous avons décroché, et sans M. Jacques Saadé qui a relancé l'armement français par la CMA, nous aurions disparu.
Si l'on excepte l'Allemagne qui suit avec plus ou moins de bonheur une géostratégie complexe depuis la réunification et la libération des pays de l'Est, nous avons au-dessus de nous un arc libéral qui nous soupçonne de complot à la Delors. Ce que cherchent dans les règles d'une Europe organisée tous les pays au nord du nôtre, c'est une zone de libre-échange la plus fluide possible, une Europe partenaire de traités économiques les plus lointains et les plus étendus, un marché mondial sans droits ni taxes (c'était l'intention du GATT). A cet effet, les pays que nous allons citer n'entendent pas être entravés de "valeurs européennes" définies et sanctionnées au plan fédéral et dont le juge le plus actif serait la France, ses Lumières, sa République bananière, sa Grandeur indépassable et sa Révolution sanglante. L'arc libéral commence aux îles britanniques, depuis le Brexit le doute n'est plus permis ; il se continue par les Flandres belges et les Pays-bas, puis le Danemark. Laissons l'Allemagne de côté pour la raison évoquée ci-avant, et on continue par la Pologne, la Suède, les deux pays baltes, l'Estonie et la Finlande. On reconstitue pratiquement la Ligue hanséatique.
La fibre européenne se juge au vote des peuples quand on les appelle à référendum : les Irlandais durent voter deux fois sur le Traité de Nice et refusèrent plus tard le traité de Lisbonne ; les Danois ont dû revoter sur Maastricht après que quatre dérogations majeures (opt-out) leur furent accordées par Bruxelles, mais ils ont voté deux fois contre l'euro pour conserver la couronne danoise ; les Suédois on refusé la clause d'automaticité et ont conservé la couronne suédoise ; les Néerlandais comme les Français ont voté contre le traité constitutionnel de 2005, puis ont refusé l'association de l'Ukraine à l'UE ; les Hongrois ont quant à eux refusé massivement les quotas européens de migrants ; et arriva... le Brexit !
Ceci pour dire que les valeurs européennes, démocratiques ou républicaines n'émeuvent pas tous les peuples pareillement et que les incantations répétées des délégués français ne trouvent que peu d'écho. Sans même parler de nos "projets" de réorganisation institutionnelle. Alors, dans la situation présente où trois piliers** de notre économie sont au bord de l'effondrement, où nos finances publiques n'ont plus rien à envier à celles du Wakanda, où notre goût de l'aventure gratuite mais coûteuse étend son blanc manteau sur le Sahel, le Levant, le Caucase et que sais-je demain, nous ne devons pas nous étonner si nos propositions à compte d'autrui (puisque nous n'avons plus le rond) soient débinées par les pays précités qui ont des affaires sérieuses sur le gaz ! Quant aux cousins gréco-latins, il ne reste que l'Espagne et le Portugal qui pourraient nous entendre ; l'Italie pour ce qui concerne son industrie performante est tournée vers le grand large et elle nous garde un chien de sa chienne pour avoir rompu la digue libyenne ; la Grèce (première flotte marchande mondiale) est gouvernée par des Grecs : ils achètent quatre frégates américaines pour le prix de deux frégates françaises !
Les dix-sept mois qui restent à l'équipe en place verront s'ajouter aux désordres intérieurs le reflux de notre influence européenne, surtout si l'Allemagne prend ses distances avec notre impérialisme moral comme on le sent de plus en plus. Quel imbécile a couplé les dispositifs de relance européenne à la manifestation d'un état de droit que personne n'a pris la peine de définir ? Finalement, l'élection de M. Macron dans le but de se débarrasser d'une classe politique corrompue, intéressée d'abord à sa propre perpétuation, si elle a effectivement fracassé les partis traditionnels, n'aura abouti à aucun des changements espérés. Mais le plus triste c'est qu'à ce jour, le plus mauvais reste encore le moins mauvais. C'est tout dire ! Bon, je retourne à mon classement.
* UNCTAD : United Nations Conference on Trade and Development ou Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED)
** Aéronautique, tourisme et gastronomie
** Aéronautique, tourisme et gastronomie
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