La newsletter hebdomadaire d'Axios China est tombée dans les boîtes ce matin. Son principal sujet est la mise en œuvre de la loi chinoise de sécurité nationale sur le territoire de Hong Kong, loi rédigée en termes vagues permettant d'y pendre opposants et factieux. La newsletter en anglais de Bethany Allen-Ebrahimian est accessible par ici, et ci-dessous traduite sous la règle belle infidèle en français, suivie des commentaires d'usage.
Grosse affaire à Hong Kong, le pire scénario se précise. La Loi de Sécurité nationale imposée à Hong Kong par Pékin dérape, en suivant le pire scénario que ses critiques craignaient. A la une des journaux, une vague d'arrestations au titre de cette loi draconienne a culminé la semaine passée avec le déni de mise en liberté provisoire du patron de presse pro-démocratie Jimmy Laï.
Le 11 décembre dernier, M. Laï qui édite le tabloïd Apple Daily réputé pour sa critique ouverte des autorités de Pékin, a été arrêté pour « collusion avec des puissances étrangères » et inculpé d'après les dispositions de cette loi. Une libération sous caution lui a été refusée et les poursuites judiciaires ont été reportées au mois d'avril 2021, le parquet demandant ce délai pour analyser plus de mille messages du compte Twitter de M. Laï - une façon impudente de reconnaître que ce qui est mis en examen c'est la liberté d'expression de M. Lai NDT : dit autrement, on inculpe d'abord et on en cherche les raisons ensuite au filet dérivant).
En fond d'écran, la Loi de Sécurité nationale qui a été imposée à Hong Kong par le législateur chinois à Pékin, subvertit la magistrature jadis indépendante de la cité et impose des peines sévères pour des crimes et délits vaguement définis, y compris la sécession, le terrorisme et la sédition. La manière dont Pékin instrumentalise la loi est claire maintenant. Au-delà de l'effet de glaciation qui provoque une vague d'autocensure, la nouvelle loi a déjà été invoquée pour inculper plus d'une douzaine de personnes, y compris plusieurs militants et commentateurs pro-démocratie. Avec l'imposition de cette loi créatrice d'une atmosphère de peur, les autorités hongkongaises se sont enhardies à sévir contre les protestations et la liberté de parole.
Cette atmosphère délétère a facilité la publication de sentences très dures, même sans invoquer la dite-loi. Les militants pro-démocratie Agnès Chow et Joshua Wong, connu dans le monde entier pour leur rôle de meneurs lors de la révolte des parapluies en 2014, ont été condamnés début décembre pour les manifestations de protestation qu'ils conduisirent en 2019. Mlle Chow a de plus été inculpée au titre de la Loi de Sécurité nationale.
Le chef du gouvernement de Hong Kong, Mme Carrie Lam, a défendu cette loi à plusieurs reprises, affirmant qu'elle ne serait employée que contre les élements radicaux et les ennemis du peuple, pendant que Zhang Xiaoming, un haut dignitaire chinois chargé des affaires de Hong Kong disait que cette loi « punirait un tout petit nombre de criminels qui mettraient gravement en danger la sécurité nationale ». Mais des juristes hongkongais et d'ailleurs avertirent que cette loi pourrait être appliquée plus largement afin de broyer toute organisation de la société civile. Jérôme Cohen, expert en droit chinois, écrivait en juillet dernier que l'impact de la loi sur Hong Kong serait déterminé par la façon dont Pékin entendrait l'y appliquer.
Quid de la suite ? Les militants hongkongais cherchant asile ou un statut de réfugié aux Etats-Unis rencontrent aujourd'hui beaucoup d'obstacles. Il y a un grand intérêt au Congrès et chez l'Administration Trump pour aider les habitants de Hong Kong à trouver refuge aux Etats-Unis. La Sous-commission aux frontières et à l'immigration du Comité judiciaire du Sénat américain va tenir une audition demain 16 décembre, avec pour témoins Nathan Law et quelques autres.
En résumé : L'arrestation de M. Laï révèle les pouvoirs et les intentions originels de la loi - inculper légalement le mouvement pro-democratie pour sédition, et l'écraser en conséquence.
Fin de la newsletter d'Axios sur ce sujet
Commentaires Royal-Artillerie
Nous sommes nombreux en Europe à avoir anticipé la queue de trajectoire d'une loi répressive communiste dont les dispositions floues permettent d'y faire entrer toute sorte de désobéissance civile, à commencer par la plus légitime, celle de l'ouvrir ! Tous les pays de l'Est ont connu ce type de lois qui habillait d'un manteau judiciaire les pires répressions. Quels que soient les rondeurs, les sourires, les toasts et les menues attentions, les communistes restent sur l'axe de la justification de tous moyens pour atteindre la fin recherchée, la plus évidente était toujours de perpétuer le Parti, sa nomenklatura, ses hiérarchies, les privilèges exorbitants qui s'y attachent. La fronde des Hongkongais - et il n'y a pas que la jeunesse du territoire à s'ébrouer - a commencé dès la restitution et le traité anglo-chinois, et ce, en dépit de toutes les assurances données alors par les officiels chinois. Mais tant de détails ne collaient pas au quotidien qu'un courant d'exode temporaire naquit rapidement, et ceux qui en avait l'envie et les moyens recherchèrent une nationalité et une résidence de secours. Le Piéton a vécu cela de l'intérieur. Avoir son mot à dire en tant que citoyen et donc réformer le Conseil législatif colonial fut le combat politique dominant. Après avoir observé l'évolution de l'opinion et mesuré les effets du principe "un pays, deux systèmes", une crainte de démocratisation sauvage a saisi les caciques de Zhongnanhaï, et plutôt que de négocier habilement en attendant la fin de la période de transition, Xi Jinping a fait, pour le vingtième anniversaire du retour à la Chine, sa grande parade militaire à Hong Kong dans le plus pur style sudaméricain, avant de décréter que la maison était cernée. Un peu d'intelligence ne nuit pas ; mais quand vous avez fait inscrire votre propre jus de crâne dans la constitution du pays, vous êtes moins tenté de penser finement. La transfusion démographique par importation de continentaux pour qui c'est une récompense dont ils sont redevables aux cadres du Parti local, a commencé dès la première année. Et d'abord dans les maternités ! Il suffisait de laisser grandir cette population redevable pour convoquer un jour un référendum de fusion des sytèmes qui annulerait le plus "démocratiquement" du monde le vieux traité colonial. Mais un communiste ne sait pas gérer l'imprévu ni la diversité, et moins encore le désordre. Aussi le Central, outre sa loi, a-t-il nommé comme proconsul continental à Hong Kong, Luo Huining, le chef du Parti du Shanxi dont la réputation de répression n'est plus à faire - celui-ci s'étant particulièrement fait remarquer dans la répression des chrétiens de la province après s'être fait la main sur les Tibétains. Quand on sait ce dont a besoin le Shanxi, on voit le niveau du Gauleiter !
La répression multiforme actuelle dépasse déjà le mouvement politique puisque sont mis en œuvre les moyens de contrôle des passeports BNO (British National Overseas) et des transferts bancaires à l'étranger émis par les Hongkongais de souche. Un sentiment de nasse commence à prévaloir chez tous ceux qui rêvent de partir et cela n'augure rien de bon pour la suite. Pour l'instant la population expatriée n'est pas visée mais chaque étranger travaillant à Hong Kong est informé des captures sauvages d'expatriés en Chine populaire à tout motif et représailles. Peu à peu on sent la mise sur le qui-vive de cette population très sensible à la sécurité des personnes et des fonds. La place financière de Hong Kong, jusqu'à hier troisième place mondiale quand même, n'a de richesse que d'hommes. L'Etat-cité de Singapour aimerait bien leur parler.
Une étude récente de Mary Hui et Dan Kopf publiée dans Quartz prouve que les officiels de Hong Kong ont progressivement adopté le "lexique" du Parti communiste chinois. La carrière impose, le fonctionnaire dispose. Quartz a compilé dix ans de déclarations officielles à Hong Kong et en a conclu en gros que "la nouvelle stridence rhétorique dirigée vers diverses cibles renforce la souveraineté absolue de la Chine populaire ; réfute toute critique et justifie les actions propres à l'Administration ; s'efforce de contrôler la société civile et redéfinit certaines valeurs comme les droits de l'homme pour les aligner sur l'idéologie du Parti communiste chinois".
RépondreSupprimerJ'apprends ce matin que le Dr Joseph Sung, héros national de la victoire sur le SRAS de 2003, prendrait une chaire à la Polytechnique de Singapour après avoir décliné un poste d'enseignant sur le continent.