lundi 28 décembre 2020

Le Déclic

Les rois d'Europe ont souhaité un "Joyeux Noël" à leurs sujets dans de longues adresses télévisées où perçait leur inquiétude des conséquences humaines de la pandémie chinoise, et parfois celles plus sournoises d'une rupture des équilibres politiques comme en Espagne. Le président de la République fédérale d'Allemagne Steinmeier a souhaité le meilleur à ses concitoyens pendant huit minutes devant un superbe sapin de Noël. Ainsi en fut-il des autres présidents des républiques européennes ayant une empathie naturelle avec leur peuple, sauf ici. Le président de la République française n'a pas jugé opportun de nous souhaiter un bon Noël, il est parti se reposer au Fort de Brégançon avec Madame. Un tweet a minima a été publié par le Community Magager de Matignon pour juste marquer le coup. Ça n'est pas grave. Nul n'attendait en France un signe de gentillesse de la part d'un Jean-Kévin monté en graine "capable de transformer en merde tout ce qu'il touche" (Trump). Aussi a-t-il mieux valu finalement qu'il s'en abstienne, il ne nous a rien manqué ! Au soir des confettis, sarbacanes et tortillons, pour franchir la Saint-Syslvestre, le monsieur de l'Elysée se croira-t-il sans doute obligé d'émettre ses vœux à la Nation, avec deux prompteurs et un fond d'écran travaillé pendant une semaine au moins. Mais de cela, les Français s'en moquent.

Narcissisme, cynisme, mépris de classe

Il est plus facile de conquérir le pouvoir que de le conserver, disait Machiavel à sa façon et les locataires à bail précaire qui croient nous gouverner en font l'un après l'autre l'amer constat. Après Zébulon Premier, nous avons éprouvé Normal Premier et maintenant Zupiter Premier. Aucun de ceux-là ne redoubla et, pour le troisième, ne doublera ses points. Il y a beaucoup de raison à cela, mais le narcissisme pathétique, le cynisme assumé et le mépris de classe sont les ingrédients imparables de l'échec. M. Macron ne nous aime pas, parce qu'il nous juge inintéressants, et nous le ressentons. Un contributeur avisé postait hier sur Twitter un message de fine observation : « Emmanuel Macron n'a pas l'intelligence des situations ni la compréhension de notre nature humaine. Il est incontestablement doué pour séduire, pour plaire. Il charme ces dames et ces messieurs, il touche, il caresse, mais il méconnait les tréfonds des cœurs et des âmes. » C'est sans doute l'épisode des Gilets Jaunes, associé au marathon des one man shows en province où le fringant bonimenteur explosait les chronomètres, que son dédain s'est manifesté le plus sûrement à quelqu'un d'attentif. La presse applaudissait la performance en bras de chemise, les gens aussi. Mais faute d'empathie, rien n'en suivit ! Que dalles ! Walou ! وَلَوْ شَيْءٌ. A part d'ouvrir le robinet budgétaire des compensations, le mal-être profond d'une classe moyenne épuisée par le socialisme rampant des pouvoirs centraux n'a pas été affronté. L'économie de notre société fondée sur la redistribution et l'étrécissement de l'assiette fiscale convoquée à toujours plus, la prolifération des profiteurs au vu et su de tous, les privilèges indus et la morgue d'une classe politique lâche et dévalorisée que seule la proportionnelle pourrait régénérer, l'importation de pseudo-travailleurs concurrents sur un marché d'emplois bloqué, l'écologie punitive, rien ne fut traîté en profondeur bien qu'on en ait beaucoup parlé, parlé, parlé ! Pour être juste, citons quand même l'essai de blocage de la subversion islamiste qui semble devenir un souci politique et concurremment un souci diplomatique.

Le compostage des projets

Il reste cinq cents jours à tirer de ce mandat présidentiel. Si les cabinets ministériels ont pu travailler normalement avec les administrations subordonnées, nous n'avons vu en revanche presqu'aucune intention du chef aboutir. Les grands projets finissent en eau de boudin, sauf un.
- Retraite à points, confiée à l'endive de Bapaume, pétée de titres et d'indemnités, ruinée par l'impétrant.
- Réforme de l'Etat et contention de la dépense publique qui dévore la production de richesse, oubliées.
- Réforme fiscale, stoppée au milieu du gué puisqu'elle induisait la précédente.
- Réforme des clauses de gouvernance européenne au bénéfice des cigales, refusée par tous les Etats du Nord.
- Défense européenne, remisée sur l'étagère des grandes idées françaises non partagées.
- Diplomatie d'équilibre entre Washington et Moscou refusée par ses homologues qui n'ont pas acheté la mort cérébrale de l'OTAN.
La liste est déjà trop longue mais elle se terminerait par la suppression de l'ISF. Ouf ! Et tout de suite. On ne pouvait attendre d'avoir engagé des économies qui auraient justifié par après cette baisse (modeste) des recettes, il fallait envoyer le signal en tête de mat et rémunérer dare dare la bourgeoisie d'affaires qui avait tout misé sur le brillant jeune homme.

Ce bilan va être tiré tout au long de l'année préélectorale 2021 et les arguties rhétoriques des communicants en soupentes ne prendront pas sur la réalité des reports dilatoires, des oublis volontaires, des échecs. Certes, en démocratie, on peut gagner avec des vessies, des promesses, des synthèses combinatoires, surtout chez des peuples immatures qui n'attendent rien d'eux-mêmes et tout d'un Sauveur, mais le plus sûr moyen est de faire monter contre soi le plus mauvais adversaire disposant des plus larges résultats électoraux. Madame Le Pen est l'archétype du candidat "gagnant", gagnant pour l'autre. Le travail est lancé, comme on dirait en salle d'accouchement. Cinq cents jours ne seront pas de trop pour organiser le paysage politique du premier tour des élections présidentielles. Les couillons qui veulent y briller s'alignent déjà, à des motifs bien éloignés de l'impatience à gouverner. Même des brêles ont décidé d'y revenir pour voir leur visage dans les lucarnes et leurs discours résumés dans de vrais journaux. D'autres pensent au troisième tour des législatives dont les résultats détermineront le montant des subsides publics consentis à leur parti.

La combinazione

A chacun sa raison personnelle, une affaire entre soi-même et le peuple, disait le Général. N'importe qui peut y croire avec les parrainages suffisants, et c'est bien du n'importe qui ! Les sondages vont être commandés pour ajuster au mieux la communication du pouvoir envers les électeurs. Le mano le plus surveillé est le delta positif du score de Mme Le Pen qui signalerait aux faiseurs d'opinion que l'apocalypse est devenue possible. Elle représente le parti du mécontentement, et le pouvoir imbécile n'a eu de cesse d'y pousser. L'humeur du peuple est toujours très difficile à régler, un peu comme la longueur de dentifrice qui sort du tube, mais qui n'y rentrera jamais plus. Les crânes d'œuf qui gèrent l'affrontement social peuvent voir l'engouement des ronchons leur échapper et inverser le rang de sortie des urnes. En 2017 on avait obtenu un premier tour comme suit :

* Macron 8657326 (24,01% des voix)
* Le Pen 7679493 (21,30%), bascule au premier à 488917 voix
* Fillon 7213797 (20,01%), bascule au deuxième à 232848 voix
* Mélenchon 7060885 (19,58), bascule au troisième à 76456 voix
* Hamon 2291565 (6,35%)
* Solde 3155747 (8,75% à répartir sur 6 candidats)
* Total 36058813 (100%)

Marine Le Pen


La question est de savoir qui remplacera M. Fillon au quadrille, les trois autres étant des clients sûrs. Mais ceci n'a d'intérêt pour l'Elysée que si l'ordre d'arrivée est le même. Si Mme Le Pen sort en tête, ce sera le déclic, il y aura rallye des mécontents au second tour avec peut-être le renfort d'abstentionnistes atterrés, et rien ne dit qu'il soit compensé en totalité par une ruée des gauches contre le ventre encore fécond. S'il est juste compensé, elle passe ! Mais à deux conditions : l'une, qu'elle ait réellement envie de se taper la corvée d'un mandat présidentiel de cinq ans pour lequel elle montre peu d'aptitudes, l'acte manqué ça existe ; l'autre, qu'elle prépare sérieusement - avec un coach qui ne soit pas de son entourage et qui ose l'engueuler - le débat de second tour, l'humilité n'étant pas son point fort.

Retour aux fondamentaux perdants-perdants

Les lecteurs de Royal-Artillerie peuvent s'étonner que nous soyons rendus déjà aux élections du mois d'avril 2022, mais nous subodorons que le quinquennat actif de M. Macron est terminé. Dès après l'Epiphanie et à cause des "bascules" ci-dessus, lui et son team entreront en politique politicienne parce que plus rien n'est vraiment solide autour d'eux, alors que l'inquiétude du peuple croît devant l'impréparation manifeste des pouvoirs publics à vaincre le coronavirus chinois d'une part, et à remonter une économie affaissée par les confinements provoquant des destructions d'emplois de l'autre. Nulle réforme de fond n'ayant été lancée sérieusement pendant trois ans et aucune marge de manœuvre n'ayant pu être dégagée au plan financier, le pays est complètement assujetti au plan de solidarité européen, ce qui lui ôte toute chance de peser plus tard sur les assouplissements que nous ne manquerons pas de réclamer afin de palier notre gabegie chronique. Autant dire que le gouvernement de M. Macron ne sera pas à la fête et ses minions ont suffisamment fait d'études pour le prévoir. A défaut d'exister au sein de l'Europe sérieuse, nous ferons de la politique intérieure.

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