jeudi 24 décembre 2020

Noël 2020

Deux mille et vingt ans plus tard, nous entrons dans le souvenir du plus beau conte de Noël que l'humanité n'ait jamais produit, et puisque les Evangiles de la sainte Eglise nous en disent si peu, nous empruntons l'histoire au protévangile de Jacques le mineur, fils de Joseph de Nazareth, qui aurait (??) verbalisé ces merveilles à la manière des contes orientaux, de ceux qu'on écoutait le soir à la lumière de la lampe à huile pour enrichir des rêves imminents. Ce protévangile est une très vieille affaire dont on parlait déjà au deuxième siècle. Le texte retenu ici est tiré de l'ouvrage "Les Evangiles apocryphes traduits et annotés d'après l'édition de JC Thilo par Gustave Brunet" (Franck libraire, Paris 1848), accompagné de ses notes savantes. Il est accessible en ligne si l'on clique ici. Le texte original est celui du manuscrit sur vélin du quatorzième siècle, conservé à la Bibliothèque du Roi à Paris. Il faut le lire avec l'œil émerveillé du bédouin, et sous cette condition, il est très intéressant. On y retrouve toutes ses petites choses de la vie qui humanisent les prémices de la mission du Christ Sauveur et qui sont à l'origine d'une piété de charbonnier sans laquelle les religions meurent de sècheresse comme la main de Salomé. Les premiers évêques ne s'y étaient pas trompés qui usaient de ces évangiles apocryphes dans leurs homélies. Voici les cinq petits chapitres de la Nativité, mais tout le reste est à lire par le lien précité.


icône JMJ


Chapitre XIII


Il arriva, peu de temps après (ndlr: après que Marie ait fait vœu public de chasteté au Temple de Jérusalem), qu'il y eut un édit de César-Auguste enjoignant à chacun de retourner dans sa patrie. Et ce fut le préfet de la Syrie, Cyrinus, qui publia le premier cet édit. Il fut donc nécessaire que Joseph avec Marie se rendît à Bethléem, car ils en étaient originaires ; Marie était de la tribu de Juda et de la maison et de la patrie de David. Et lorsque Joseph et Marie étaient sur le chemin qui mène à Bethléem, Marie dit à Joseph : « Je vois deux peuples devant moi, l'un qui pleure et l'autre qui se livre à la joie.» Et Joseph lui répondit : « Reste assise et tiens-toi sur ta monture et ne profère pas de paroles oiseuses.» Alors un bel enfant, couvert de magnifiques vêtements, apparut devant eux et dit à Joseph : « Pourquoi as-tu traité de paroles oiseuses ce que Marie te disait de ces deux peuples ? Car elle a vu le peuple juif qui pleurait, parce qu'il s'est éloigné de son Dieu, et le peuple des Gentils qui se réjouissait, parce qu'il s'est approché du Seigneur, suivant ce qui a été promis à nos pères, Abraham, Isaac et Jacob. Car le temps est arrivé pour que la bénédiction de la race d'Abraham s'étende à toutes les nations.» Et lorsque l'Ange eut dit cela, il ordonna à Joseph d'arrêter la bête de somme sur laquelle était montée Marie car le temps de l'enfantement était venu. Et il dit à Marie de descendre de sa monture et d'entrer dans une caverne souterraine où la lumière n'avait jamais pénétré et où il n'y avait jamais eu de jour car les ténèbres y avaient constamment demeuré. A l'entrée de Marie, toute la caverne resplendit d'une lumière aussi brillante que si le soleil y était, et c'était la sixième heure du jour ; et tant que Marie resta dans cette caverne, elle fut, la nuit comme le jour et sans interruption, éclairée de cette lumière divine. Et Marie mit au monde un fils que les Anges entourèrent dès sa naissance et qu'ils adorèrent, disant : « Gloire à Dieu dans les cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté !»
Joseph était allé chercher une sage-femme et lorsqu'il revint à la caverne, Marie avait déjà été délivrée de son enfant. Et Joseph dit à Marie : « Je t'ai amené deux sages-femmes, Zélémi et Salomé, qui attendent à l'entrée de la caverne et qui ne peuvent entrer à cause de cette lumière trop vive.» Marie, entendant cela, sourit et Joseph lui dit : « Ne souris pas, mais sois sur tes gardes, de crainte que tu n'aies besoin de quelques remèdes.» Et il donna l'ordre à l'une des sages-femmes d'entrer. Et lorsque Zélémi se fut approchée de Marie, elle lui dit : « Souffre que je touche.» Et lorsque Marie le lui eut permis, la sage-femme s'écria à voix haute : « Seigneur, Seigneur, aie pitié de moi, je n'avais jamais soupçonné ni entendu chose semblable ; ses mamelles sont pleines de lait et elle a un enfant mâle, quoiqu'elle soit vierge. Nulle souillure n'a existé à la naissance et nulle douleur lors de l'enfantement. Vierge elle a conçu, vierge elle a enfanté, et vierge elle demeure.» L'autre sage-femme nommée Salomé, entendant les paroles de Zélémi, dit : « Ce que j'entends, je ne le croirai point si je ne m'en assure.» Et Salomé, s'approchant de Marie, lui dit : « Permets-moi de te toucher et d'éprouver si Zélémi a dit vrai.» Et Marie lui ayant permis, Salomé la toucha, et aussitôt sa main se dessécha. Et, ressentant une grande douleur, elle se mit à pleurer très amèrement et à crier, et à dire : « Seigneur, Tu sais que je T'ai toujours craint, et que j'ai toujours soigné les pauvres, sans acception de rétribution ; je n'ai rien reçu de la veuve et de l'orphelin, et je n'ai jamais renvoyé loin de moi l'indigent sans le secourir. Et voici que je suis devenue misérable à cause de mon incrédulité, parce que j'ai osé douter de Ta vierge.» Lorsqu'elle parlait ainsi, un jeune homme d'une grande beauté apparut près d'elle et lui dit : « Approche de l'enfant, adore-le, et touche-le de ta main, et il te guérira, car il est le Sauveur du monde et de tous ceux qui espèrent en lui.» Et aussitôt Salomé s'approcha de l'enfant et l'adorant, elle toucha le bord des langes dans lesquels il était enveloppé, et aussitôt sa main fut guérie. Et, sortant dehors, elle se mit à crier et à raconter les merveilles qu'elle avait vues et ce qu'elle avait souffert, et comment elle avait été guérie ; et beaucoup crurent à sa prédication, car les pasteurs des brebis affirmaient qu'au milieu de la nuit ils avaient vu des anges qui chantaient un hymne : « Louez le Dieu du ciel et bénissez-le, parce que le Sauveur de tous est né, le Christ qui rétablira le royaume d'Israël.»
Et une grande étoile brilla sur la caverne depuis le soir jusqu'au matin, et jamais on n'en avait vu de pareille grandeur depuis l'origine du monde. Et les prophètes qui étaient à Jérusalem, disaient que cette étoile indiquait la nativité du Christ qui devait accomplir le salut promis, non seulement à Israël, mais encore à toutes les nations.

Chapitre XIV


Le troisième jour de la naissance du Seigneur, la bienheureuse Marie sortit de la caverne et elle entra dans une étable, et elle mit l'enfant dans la crèche, et le bœuf et l'âne l'adoraient. Alors fut accompli ce qui avait été dit par le prophète Isaïe : « Le bœuf connaît son maître, et l'âne la crèche de son Seigneur.» Ces deux animaux, l'ayant au milieu d'eux, l'adoraient sans cesse. Alors fut accompli également ce qu'avait dit le prophète Kabame : « Tu seras reconnu au milieu de deux animaux.» Et Joseph et Marie demeurèrent trois jours dans cet endroit avec l'enfant.

Chapitre XV


Le sixième jour, la bienheureuse Marie entra à Bethléem avec Joseph, et après que trente-trois jours soient accomplis, elle apporta l'enfant au Temple du Seigneur, et ils offrirent pour lui une paire de tourtereaux et deux petits de colombes. Et il y avait dans le Temple un homme juste et parfait, nommé Siméon, qui était âgé de cent treize ans. Il avait eu du Seigneur la promesse qu'il ne goûterait pas la mort jusqu'à ce qu'il eût vu le Christ, fils de Dieu, revêtu de chair. Lorsqu'il eut vu l'enfant, il s'écria à haute voix, disant : « Dieu a visité Son peuple, et le Seigneur a accompli Sa promesse.» Et il s'empressa de vivre, et il adora l'enfant, et, le prenant dans son manteau, il l'adora de nouveau, et il baisait la plante de ses pieds, disant : « Seigneur : renvoie maintenant Ton serviteur en paix, suivant Ta parole, car mes yeux ont vu le Sauveur que Tu as préparé dans la présence de tous les peuples, la lumière pour la révélation aux nations, et la gloire de Ton peuple d'Israël.»
Il y avait aussi dans le Temple du Seigneur une femme, nommée Anne, fille de Phanuel, de la tribu d'Asser, qui avait vécu sept ans avec son mari et qui était veuve depuis quatre-vingt quatre années ; et elle ne s'était jamais écartée du Temple de Dieu, s'adonnant sans relâche au jeûne et à l'oraison. Et s'approchant, elle adora l'enfant en disant : « C'est en lui qu'est la rédemption du siècle ».

Chapitre XVI


Deux jours s'étant passés, des mages vinrent de l'Orient à Jérusalem, apportant de grandes offrandes, et ils interrogeaient avec empressement les Juifs, demandant : « Où est le roi qui nous est né ? car nous avons vu son étoile dans l'Orient et nous sommes venus pour l'adorer.» Cette nouvelle effraya tout le peuple, et Hérode envoya consulter les Scribes, les Pharisiens et les Docteurs pour savoir d'eux où le prophète avait annoncé que le Christ devait naître. Et ils répondirent : « A Bethléem, car il a été écrit : Et toi, Bethléem, terre de Judas, tu n'es pas la moindre dans les principautés des Juifs, car c'est de toi que sortira le chef qui gouvernera Mon peuple d'Israël.» Alors le roi Hérode appela les mages, et s'informa d'eux quand l'étoile leur avait apparu. Et il les envoya à Bethléem, disant : « Allez, et informez-vous avec soin de cet enfant, et, lorsque vous l'aurez trouvé, venez me le dire, afin que j'aille l'adorer.»
Les mages étant en chemin, l'étoile leur apparut, et, comme leur servant de guide, elle les précéda jusqu'à ce qu'ils fussent arrivés à l'endroit où était l'enfant. Les mages, voyant l'étoile, furent remplis d'une grande joie. Et, entrant dans la maison, ils trouvèrent l'enfant Jésus couché dans les bras de Marie. Alors ils ouvrirent leurs trésors, et ils offrirent de riches présents à Marie et à Joseph. Et chacun d'eux présenta à l'enfant des offrandes particulières. L'un offrit de l'or, l'autre de l'encens, et l'autre de la myrrhe. Lorsqu'ils voulurent retourner auprès du roi Hérode, ils furent avertis en songe de ne pas revenir vers lui. Et ils adorèrent l'enfant avec une joie extrême et repartirent dans leur pays par un autre chemin.

Chapitre XVII


Lorsque le roi Hérode vit que les mages l'avaient trompé, son cœur s'enflamma de colère, et il les envoya chercher sur tous les chemins, voulant les prendre et les faire périr. Mais comme il ne put les rencontrer, il dépêcha à Bethléem ses sbires, et fit tuer tous les enfants de deux ans et au-dessous, suivant le temps dont il s'était informé auprès des mages. Et un jour avant que cela n'arrivât, Joseph fut averti par l'Ange du Seigneur, qui lui dit : « Prends Marie et l'enfant et mets-toi en route à travers le désert qui va en Egypte.» Et Joseph fit ce que l'Ange lui prescrivait.


dessin tente bédouine


Fin de l'extrait de la Nativité. En fait, de la naissance du Christ on ne sait ni le jour ni l'heure, ni les circonstances, mais les Pères de l'Eglise construisirent une chronologie acceptable en pays païen d'évangélisation en faisant coïncider la naissance du Sauveur avec la renaissance du soleil au solstice d'hiver, Sol Invictus, une fête romaine. Le besoin des foules de fidèles d'en savoir toujours plus, ajouta la crèche à la doctrine, l'âne et le bœuf, pour finir par la crèche provençale qui cherche aujourd'hui encore à nous émouvoir. C'est une belle histoire.
Nous prenons ce protévangile comme la tradition affirme qu'il fut transmis aux premiers Chrétiens sans en faire l'exégèse qui en romprait le charme. Un autre texte met en scène la sidération des gens que Joseph croise sur son chemin vers Bethléem :

Trouvant en cet endroit une caverne, il y fit entrer Marie, et il laissa son fils pour la garder ; puis il s'en alla à Bethléem chercher une sage-femme. Et lorsqu'il était en marche, il vit le pôle ou le ciel arrêté, et l'air était obscurci, et les oiseaux s'arrêtaient au milieu de leur vol. Et regardant à terre, il vit une marmite pleine de viande préparée, et des ouvriers qui étaient couchés et dont les mains étaient dans les marmites. Et, au moment de manger, ils ne mangeaient pas, et ceux qui étendaient la main, ne prenaient rien, et ceux qui voulaient porter quelque chose à leur bouche, n'y portaient rien, et tous tenaient leurs regards élevés en haut. Et les brebis étaient dispersées, elles ne marchaient point, mais elles demeuraient immobiles. Et le pasteur, élevant la main pour les frapper de son bâton, sa main restait sans s'abaisser. Et regardant du côté d'un fleuve, il vit des boucs dont la bouche touchait l'eau, mais qui ne buvaient pas, car toutes choses étaient en ce moment détournées de leur cours. Et voici qu'une femme descendant des montagnes lui dit : « Je te demande où tu vas ? » Et Joseph répondit : « Je cherche une sage-femme de la race des Hébreux. »

Ce n'est qu'à l'avènement de la triste raison que les Apocryphes et leurs merveilles furent relégués au rayon des curiosités. La conception du Christ et sa naissance sont un mystère que les quatre évangélistes n'ont pas creusé, à l'exception de Luc qui mit les anges et les bergers dans la corbeille de naissance, et de Matthieu qui choisit, lui, d'y mettre les rois-mages et les saints innocents. Paradoxalement, aucun des quatre ne fit l'impasse sur Jean le Baptiste, fils du prêtre Zacharie et d’Élisabeth une cousine de la Vierge Marie, dont la vie et les proclamations semblent avoir eu pour eux plus de significations que les circonstances détaillées de l'avènement à Bethléem, circonstances qui firent ensuite le bonheur des conteurs.


Nous finirons ce billet de saison par le minuit-chrétien de mon enfance ; paraît-il qu'il est à l'index aujourd'hui parce qu'il commence par "l'homme-dieu" et qu'il efface le péché originel !


Minuit, Chrétiens ! C’est l’heure solennelle,
Où l’homme Dieu descendit jusqu’à nous
Pour effacer la tache originelle,
Et de son Père arrêter le courroux.
Le monde entier tressaille d’espérance,
À cette nuit qui lui donne un Sauveur.
Peuple à genoux, attends ta délivrance,
Noël, Noël, voici le Rédempteur,
Noël, Noël, voici le Rédempteur.

De notre foi que la lumière ardente
Nous guide tous au berceau de l’enfant,
Comme autrefois une étoile brillante
Y conduisit les chefs de l’Orient.
Le Roi des rois naît dans une humble crèche ;
Puissants du jour, fiers de votre grandeur,
À votre orgueil c’est de là qu’un Dieu prêche :
Courbez vos fronts devant le Rédempteur,
Courbez vos fronts devant le Rédempteur.

Le Rédempteur a brisé toute entrave
La terre est libre et le ciel est ouvert.
Il voit un frère où n’était qu’un esclave :
L’amour unit ceux qu’enchaînait le fer !
Qui lui dira notre reconnaissance ?
C’est pour nous tous qu’il naît, qu’il souffre et meurt :
Peuple, debout ! Chante ta délivrance,
Noël, Noël, chantons le Rédempteur,
Noël, Noël, chantons le Rédempteur.

Texte : Placide Cappeau ; musique : Adolphe Adam




Joyeux Noël à vous tous !

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