L'équation franco-algérienne ne sera pas résolue avant que n'aient disparu les successeurs des protagonistes des Accords d'Evian, gaullistes carolâtres d'un côté, et faux anciens combattants de la guerre d'indépendance de l'autre. Elle convoque des gens de bonne volonté, dépassionnés, créatifs et qui veulent ardemment une réconciliation, ce qui n'est pas évident chez la jeune génération des deux bords de la Méditerranée. L'oubli peut être aussi le buvard du ressentiment, disait un moraliste dont j'ai perdu le nom. La posture mémorielle d'Emmanuel Macron a paradoxalement quelque chose de "colonial". Il a décidé que l'Algérie souhaitait raccommoder les morceaux parce que la gérontocratie au pouvoir à Alger lui réclamait des excuses, mais rien ne l'assure que la jeunesse algérienne soit si intéressée que ça à une procédure de repentir et réparations dans une affaire qu'elle n'a pas vécue, ni subie et qui n'est sans doute pas son souci premier, ni second, vu l'état de calamités du pays. Le Hirak est un printemps arabe qui ne dit pas son nom. Les gens veulent entrer de plein pied dans la modernité en marche et profiter d'une gouvernance honnête, de libertés publiques et privées, de possibilités d'entreprendre, de se réaliser comme on dit ! Le peuple secoue le joug d'une kleptocratie féroce qui a tué ses contempteurs et qui a ruiné un pays possédant de réels atouts, puisqu'à la fin des années 50, il pouvait carresser la promesse d'une rivalité avec l'Espagne d'alors, selon les critères de l'époque et les plans de développements en route. Après 1962, cette destruction économique par la canalisation du commerce extérieur entre quelques mains seulement, cette prévarication des familles d'anciens combattants ou prétendus tels sur toute l'assistance sociale, emplois, logements, subsides, cette culture du mensonge après une guerre civile terrible, tout ceci a provoqué l'insurrection que nous pouvons suivre aujourd'hui si nous lisons la presse algérienne. Combien de jeunes français se tiennent au courant des actualités algériennes ? Ces gens qui manifestent dans les rues des grandes villes ont-ils le désir de refaire l'histoire ? Ou bien est-ce la France qui entend s'occuper à nouveau de l'Algérie ? Est-ce une exigence des masses ou une lubie d'historiens ? Un désir de vérité pour la vérité ? Les Algériens que je connais (d'anciennes relations d'affaires le plus souvent)... s'en foutent ! C'est la question que je pose avant de passer à autre chose.
Partant du postulat qu'il faille renouer quelque chose entre nos deux pays, on peut lire le rapport de Benjamin Stora, il suffit à tout. Ceci dit, dans la concurrence des reproches historiques, les crimes sont partagés et jusqu'à la fin des temps nul ne pourra prouver qui a commencé à provoquer l'autre. S'il me plairait de mettre en accusation dans les formes d'un procès les barbousards de la Trahison, je sais qu'il resterait trop de chemin à contenir dans une seule vie d'homme pour aboutir à leur condamnation. L'histoire commence aux Barbaresques, elle n'est pas finie à ce que nous montre le Hirak actuel. Les lecteurs assidus de ce modeste blogue savent que le Piéton avait choisi son camp jadis, celui de l'Algérie française, une nouvelle Algérie française, peuplée de Français. C'était un choix de générosité que je n'ai jamais renié et pas celui de poursuivre une forme d'oppression qui avait suscité une légitime revanche. L'Algérie française a été mal construite par la IIIè République, fondée sur l'injustice et parfois l'humiliation. Les deux guerres mondiales où elle a participé auraient dû déclencher une reconnaissance de la France envers ses trois départements d'Afrique en élargissant la francisation. De petits calculs, de grands colons, une timidité paralysante, une corruption galopante, des gouvernements de rencontre en ont décidé autrement pour le malheur de tous. Mais tout le monde savait tout ! Est-ce ce constat d'échec qui a conduit le général De Gaulle à jeter le bébé avec l'eau du bain ? Tant d'années ont passé qui nous montrent que la prévention normalement audible à l'époque de ne pas rebaptiser un jour le village de Colombey en "Colombey-les-deux-mosquées" était vaine ! La prospective était fausse, la vista absente, l'évaluation obsolète, les gaullistes en retard ! Nous avons maintenant deux mille cinq cents mosquées en France métropolitaine, leur nombre progresse. La population française originaire d'Algérie est estimée à sept millions, soit plus de dix pour cent du total. Peut-être, je dis bien peut-être que si nous avions continué à développer "notre" Algérie, aurions-nous pu fixer dans l'emploi bien plus de travailleurs que n'en payèrent à rien faire les gouvernements de concussion du FLN dont l'économie s'est clairement effondrée depuis dix ans, jetant sa jeunesse dans tous les ports d'Europe et plus loin. Alors si je me rappelle notre appel de jadis à la citoyenneté française pour les autochtones, je me dis que la francisation par un décret Crémieux II était loin d'être idiote, même si l'enjeu aujourd'hui n'est pas d'avoir eu raison dans le passé, comme l'écrit Benjamin Stora, mais de regarder ensemble un futur possible.
Si les bienfaits de la colonisation se résument à un développement infligé à un peuple soumis, on les inscrit à l'actif du bilan colonial sans en faire une décoration au mérite (relire la lettre du Pr Savelli à Abdelaziz Bouteflika). Quand on expulse deux millions de paysans de terres arables pour assécher les ressources de la guérilla, il est difficile de se vanter de la belle route qui les traverse ensuite. C'est une métaphore. Au passif : la brutalité d'une conquête de vingt-sept ans (1830-1857), ce qui ne signifie pas que la pacification de la côte de Barbarie n'ait pas été justifiée au vu de nos seuls intérêts ; les massacres inexcusables de Sétif et Guelma qui amorcent la rupture entre citoyens français et non-citoyens ; la guerre de terreur réciproque menant à l'indépendance qui mérite d'être mise à plat sans épargner aucun acteur. A l'actif encore mais au passif aussi, le combat épaule contre épaule des tirailleurs algériens et des biffins de métropole dans tous les combats de la France depuis les Turcos de Napoléon III, combats qui auraient dû leur obtenir la nationalité française dès 1920 et de justes pensions.
Le rapport Stora est en soi un exploit. S'attendait-on au pire ? qu'il a surpris par son équilibre, sa mesure, ses innovations ! Plus que des proclamations ronflantes qui ne survivent que dans le souvenir des initiés (comme pour s'en moquer, il en fait des annexes que personne ne lira), il préconise des actions concrètes, visibles, utiles. A commencer par la mutualisation des archives de souveraineté (rapatriées en France) et des archives de gestion (laissées en Algérie) afin d'améliorer les recherches historiques et privées vers une vérité fondée sur des preuves acceptables par les parties prenantes. C'est un énorme travail qui pèse des centaines de tonnes ! Dans le même fil, constituer un "guide des disparus" pour aider le deuil des familles algériennes et françaises et si possible retrouver les restes de tous les fantômes. Revamper l'histoire de l'émir Abd el-Kader qui fut un adversaire loyal (je trouve l'idée astucieuse). Gérer proprement les cimetières militaires et civils, juifs et chrétiens là-bas, algériens ici. Réviser les programmes scolaires des deux bords, et caetera, etc...
Le rapport Stora fait cent pages sans les annexes (157 en tout, mais il manque une table des matières et il y a des redites). Ceux qui ne savent pas où le lire peuvent cliquer ici vers le site de l'Elysée.
L'Elysée n'en tirera-t-il que le bénéfice d'une communication pour la campagne électorale présidentielle qui va débuter dans trois mois ? Le "candidat" branle trop dans ses certitudes pour achever une réconciliation entre des populations vieillissantes, victimes concurrentes encore sous le choc de l'affrontement. Il est à craindre un scoop maladroit au 19 mars 2022 pour passer à la postérité. Quant à se comprendre au niveau des pouvoirs, c'est déjà fait par maint canaux, à la fois sur les plans administratif et économique, à la réserve près que la caste militaire algérienne a besoin d'afficher une victoire mémorielle pour consolider son avenir et pérenniser sa prédation. La guerre contre la colonisation est son totem d'immunité. Au pouvoir, ils ne parlent que du handicap de l'occupation française sous les plafonds que nous avons construits, pour atténuer leur incompétence. Mais cette caste se trompe lourdement ! Les Algériens de la rue ont tout compris, autant leurs mensonges que les nôtres ! C'est à eux, du moins aux représentants qu'ils se seront choisis, que nous devrons nous adresser éventuellement pour retricoter quelque chose entre nos deux nations, s'ils le souhaitent toujours. Il y a de quoi faire, moins par l'histoire des cent quatrevingt-dix-ans passés à s'aimer et à se détester, que par les évidences géopolitiques qui nous désignent comme partenaires presque obligés et par les effectifs croissants de la communauté algérienne française. Que l'Algérie soit une grande démocratie prospère sera tout à notre avantage. Il suffit d'ouvrir une carte de l'Afrique ! Que nous y participions est naturel, tant par la communion de langue et de littérature que par les destins croisés de tant de familles de chaque côté ; et sans compter les intérêts économiques existants qui ne demandent qu'à se multiplier afin que ce pays sorte un jour de la monoculture des hydrocarbures qui l'épuise (clic). Trente mille jeunes algériens sont dans nos universités, c'est un signe. Mais eux, par exemple, le veulent-ils ce partenariat privilégié ?
Avec sur notre sol une population aussi nombreuse attachée à l'Algérie, juifs orientaux et pieds-noirs inclus bien sûr, ce défi que relève M. Macron n'est pas acccessoire même si d'autres urgences nées de notre propre gabegie en reportent sans cesse la réponse. M. Macron est-il le chef d'Etat capable d'aboutir à la synthèse de deux approches, française et algérienne ? Rien n'est moins sûr. Candidat à l'élection de 2017, il stigmatisait la colonisation de l'Algérie en crime contre l'humanité ; au moment de la remise du rapport Stora, il fait dire qu'il ne présentera ni excuses ni repentance aux autorités algériennes (ce que le rapport ne lui demande pas d'ailleurs). Un doute planne sur la sincérité du pouvoir. Terminons avec une citation de Ferhat Abbas relevée par Stora, qui évoquait il y a vingt ans la situation de malchance de son pays si proche de la situation actuelle, et souhaitons-nous donc plus de chance cette fois, si les Algériens le veulent bien :
L'émir Abd el-Kader, un ennemi loyal |
Partant du postulat qu'il faille renouer quelque chose entre nos deux pays, on peut lire le rapport de Benjamin Stora, il suffit à tout. Ceci dit, dans la concurrence des reproches historiques, les crimes sont partagés et jusqu'à la fin des temps nul ne pourra prouver qui a commencé à provoquer l'autre. S'il me plairait de mettre en accusation dans les formes d'un procès les barbousards de la Trahison, je sais qu'il resterait trop de chemin à contenir dans une seule vie d'homme pour aboutir à leur condamnation. L'histoire commence aux Barbaresques, elle n'est pas finie à ce que nous montre le Hirak actuel. Les lecteurs assidus de ce modeste blogue savent que le Piéton avait choisi son camp jadis, celui de l'Algérie française, une nouvelle Algérie française, peuplée de Français. C'était un choix de générosité que je n'ai jamais renié et pas celui de poursuivre une forme d'oppression qui avait suscité une légitime revanche. L'Algérie française a été mal construite par la IIIè République, fondée sur l'injustice et parfois l'humiliation. Les deux guerres mondiales où elle a participé auraient dû déclencher une reconnaissance de la France envers ses trois départements d'Afrique en élargissant la francisation. De petits calculs, de grands colons, une timidité paralysante, une corruption galopante, des gouvernements de rencontre en ont décidé autrement pour le malheur de tous. Mais tout le monde savait tout ! Est-ce ce constat d'échec qui a conduit le général De Gaulle à jeter le bébé avec l'eau du bain ? Tant d'années ont passé qui nous montrent que la prévention normalement audible à l'époque de ne pas rebaptiser un jour le village de Colombey en "Colombey-les-deux-mosquées" était vaine ! La prospective était fausse, la vista absente, l'évaluation obsolète, les gaullistes en retard ! Nous avons maintenant deux mille cinq cents mosquées en France métropolitaine, leur nombre progresse. La population française originaire d'Algérie est estimée à sept millions, soit plus de dix pour cent du total. Peut-être, je dis bien peut-être que si nous avions continué à développer "notre" Algérie, aurions-nous pu fixer dans l'emploi bien plus de travailleurs que n'en payèrent à rien faire les gouvernements de concussion du FLN dont l'économie s'est clairement effondrée depuis dix ans, jetant sa jeunesse dans tous les ports d'Europe et plus loin. Alors si je me rappelle notre appel de jadis à la citoyenneté française pour les autochtones, je me dis que la francisation par un décret Crémieux II était loin d'être idiote, même si l'enjeu aujourd'hui n'est pas d'avoir eu raison dans le passé, comme l'écrit Benjamin Stora, mais de regarder ensemble un futur possible.
Si les bienfaits de la colonisation se résument à un développement infligé à un peuple soumis, on les inscrit à l'actif du bilan colonial sans en faire une décoration au mérite (relire la lettre du Pr Savelli à Abdelaziz Bouteflika). Quand on expulse deux millions de paysans de terres arables pour assécher les ressources de la guérilla, il est difficile de se vanter de la belle route qui les traverse ensuite. C'est une métaphore. Au passif : la brutalité d'une conquête de vingt-sept ans (1830-1857), ce qui ne signifie pas que la pacification de la côte de Barbarie n'ait pas été justifiée au vu de nos seuls intérêts ; les massacres inexcusables de Sétif et Guelma qui amorcent la rupture entre citoyens français et non-citoyens ; la guerre de terreur réciproque menant à l'indépendance qui mérite d'être mise à plat sans épargner aucun acteur. A l'actif encore mais au passif aussi, le combat épaule contre épaule des tirailleurs algériens et des biffins de métropole dans tous les combats de la France depuis les Turcos de Napoléon III, combats qui auraient dû leur obtenir la nationalité française dès 1920 et de justes pensions.
Le rapport Stora est en soi un exploit. S'attendait-on au pire ? qu'il a surpris par son équilibre, sa mesure, ses innovations ! Plus que des proclamations ronflantes qui ne survivent que dans le souvenir des initiés (comme pour s'en moquer, il en fait des annexes que personne ne lira), il préconise des actions concrètes, visibles, utiles. A commencer par la mutualisation des archives de souveraineté (rapatriées en France) et des archives de gestion (laissées en Algérie) afin d'améliorer les recherches historiques et privées vers une vérité fondée sur des preuves acceptables par les parties prenantes. C'est un énorme travail qui pèse des centaines de tonnes ! Dans le même fil, constituer un "guide des disparus" pour aider le deuil des familles algériennes et françaises et si possible retrouver les restes de tous les fantômes. Revamper l'histoire de l'émir Abd el-Kader qui fut un adversaire loyal (je trouve l'idée astucieuse). Gérer proprement les cimetières militaires et civils, juifs et chrétiens là-bas, algériens ici. Réviser les programmes scolaires des deux bords, et caetera, etc...
Le rapport Stora fait cent pages sans les annexes (157 en tout, mais il manque une table des matières et il y a des redites). Ceux qui ne savent pas où le lire peuvent cliquer ici vers le site de l'Elysée.
L'Elysée n'en tirera-t-il que le bénéfice d'une communication pour la campagne électorale présidentielle qui va débuter dans trois mois ? Le "candidat" branle trop dans ses certitudes pour achever une réconciliation entre des populations vieillissantes, victimes concurrentes encore sous le choc de l'affrontement. Il est à craindre un scoop maladroit au 19 mars 2022 pour passer à la postérité. Quant à se comprendre au niveau des pouvoirs, c'est déjà fait par maint canaux, à la fois sur les plans administratif et économique, à la réserve près que la caste militaire algérienne a besoin d'afficher une victoire mémorielle pour consolider son avenir et pérenniser sa prédation. La guerre contre la colonisation est son totem d'immunité. Au pouvoir, ils ne parlent que du handicap de l'occupation française sous les plafonds que nous avons construits, pour atténuer leur incompétence. Mais cette caste se trompe lourdement ! Les Algériens de la rue ont tout compris, autant leurs mensonges que les nôtres ! C'est à eux, du moins aux représentants qu'ils se seront choisis, que nous devrons nous adresser éventuellement pour retricoter quelque chose entre nos deux nations, s'ils le souhaitent toujours. Il y a de quoi faire, moins par l'histoire des cent quatrevingt-dix-ans passés à s'aimer et à se détester, que par les évidences géopolitiques qui nous désignent comme partenaires presque obligés et par les effectifs croissants de la communauté algérienne française. Que l'Algérie soit une grande démocratie prospère sera tout à notre avantage. Il suffit d'ouvrir une carte de l'Afrique ! Que nous y participions est naturel, tant par la communion de langue et de littérature que par les destins croisés de tant de familles de chaque côté ; et sans compter les intérêts économiques existants qui ne demandent qu'à se multiplier afin que ce pays sorte un jour de la monoculture des hydrocarbures qui l'épuise (clic). Trente mille jeunes algériens sont dans nos universités, c'est un signe. Mais eux, par exemple, le veulent-ils ce partenariat privilégié ?
Avec sur notre sol une population aussi nombreuse attachée à l'Algérie, juifs orientaux et pieds-noirs inclus bien sûr, ce défi que relève M. Macron n'est pas acccessoire même si d'autres urgences nées de notre propre gabegie en reportent sans cesse la réponse. M. Macron est-il le chef d'Etat capable d'aboutir à la synthèse de deux approches, française et algérienne ? Rien n'est moins sûr. Candidat à l'élection de 2017, il stigmatisait la colonisation de l'Algérie en crime contre l'humanité ; au moment de la remise du rapport Stora, il fait dire qu'il ne présentera ni excuses ni repentance aux autorités algériennes (ce que le rapport ne lui demande pas d'ailleurs). Un doute planne sur la sincérité du pouvoir. Terminons avec une citation de Ferhat Abbas relevée par Stora, qui évoquait il y a vingt ans la situation de malchance de son pays si proche de la situation actuelle, et souhaitons-nous donc plus de chance cette fois, si les Algériens le veulent bien :
« Au cours d'une longue conversation que j'ai eue avec le maréchal Juin, un an avant les événements du 1er novembre, mon interlocuteur finit par admettre qu'à ma place il se comporterait de la même manière que moi. A la vérité, une sorte de malédiction semble peser sur notre pays. L'Algérie n'a pas de chance. Elle n'en a jamais eu. Les choses les plus simples se compliquent à dessein et deviennent par la malignité des hommes, des problèmes insolubles.»
(Ferhat Abbas, Autopsie d’une guerre, Garnier Paris 1980)
(Ferhat Abbas, Autopsie d’une guerre, Garnier Paris 1980)
Pour mémoire, URL des liens inscrits dans l'article :
- http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2007/12/14/7239215.html
- https://www.elysee.fr/admin/upload/default/0001/09/0586b6b0ef1c2fc2540589c6d56a1ae63a65d97c.pdf
- https://royalartillerie.blogspot.com/2012/03/50-ans-pour-rien.html
- http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2007/12/14/7239215.html
- https://www.elysee.fr/admin/upload/default/0001/09/0586b6b0ef1c2fc2540589c6d56a1ae63a65d97c.pdf
- https://royalartillerie.blogspot.com/2012/03/50-ans-pour-rien.html
Une des premières réactions algériennes au rapport Stora dans Liberté-Algérie (clic) : la Fondation du 8 mai 1945 dénonce une insuffisance d'attention sur le chapitre particulier du massacre de Sétif. Sans doute d'autres associations mémorielles réclameront à leur tour un surcroît d'intérêt de la part de la France mais aussi de l'Algérie aux événements dont elles perpétuent le souvenir, mais elles oublient déjà que le but de ce rapport n'est pas de refaire un inventaire ; d'autant que les "horreurs" de la guerre ne sont nullement ignorées puisqu'elles sont largement documentées, comme on va le voir dans le rapport Chikhi. Si les deux rapports ouvrent une partie de badminton, ils auront échoué en déviant de la queue de trajectoire qui est une réconciliation des nations.
RépondreSupprimerToutes les critiques du rapport Stora publiées à ce jour sur El Moudjahid (la Pravda d'Alger) sont sur le même fil. Elles soulignent de graves lacunes dans l'évocation de la colonisation et de la guerre de libération expurgée des crimes "'irréparables" de l'armée française en Algérie. Dans ce canton politique, la réconciliation est explicitement refusée. Reste à connaître l'opinion de la rue, mais sans doute pas sur ce support national.
SupprimerUne réaction longuement motivée au rapport Stora, venant d'un professeur émérite à Sciences-po Lyon, Lahouari Addi :
RépondreSupprimer"[......] En conclusion, ce que l’Algérie attend de la France, ce ne sont ni des excuses, ni de la repentance et encore moins des indemnisations financières. Elle attend de ce grand pays qu’il participe à son développement économique en ouvrant son marché aux produits algériens, qu’il accueille plus d’étudiants en postgraduation universitaire, qu’il lève les barrières sociales qui maintiennent les Français d’origine maghrébine dans une sorte de néo-indigénat, et qu’il use son droit de veto au Conseil de Sécurité pour faire respecter le droit international dans les zones de conflit. L’histoire a lié l’Algérie et la France dans des relations sociétales intenses ; c’est aux politiques de les orienter vers l’intérêt mutuel."
L'article complet dans Liberté-Algérie (clic).
Une analyse du rapport Stora plus intelligente que la moyenne, émise par une historienne algérienne, Malika Rahal. L'affaire est de politique intérieure française, et elle de conclure :
RépondreSupprimer"C’est un objet compliqué qui émane du contexte français actuel. Du point de vue politique, il répond à la demande du président français et il est confus sur plusieurs plans, au sens où il rassemble des questions qui devraient être distinctes. Il me semble erroné de vouloir dans le même mouvement réparer la société française, pour lui permettre de trouver un consensus sur le passé colonial, et, d’un autre côté, améliorer les relations diplomatiques avec l’Algérie. Ce sont deux problèmes distincts qui ne peuvent pas être traités dans un même rapport."
L'article complet à lire sur Liberté-Algérie (clic)
L'historien Noureddine Amara exprime ses doutes dans Liberté-Algérie du 31/1/21 (clic). Le rapport commandé par Macron ? presque une affaire franco-française comme nous le supputions. C'est à lire parce que la thèse est très développée. Voici l'amorce :
RépondreSupprimer"Pour l’historien que je suis, écrire ne sera pas présentement tenir un engagement. Ces lignes rompent une promesse, celle de ne plus réagir à une initiative politique française dès lors qu’il s’agit de notre passé colonial. C’est dire le peu d’attentes suscitées par cette mission sur la mémoire et le peu de confiance en son résultat. C’est dire aussi, contre l’idée défendue par nombre de commentateurs, que ce rapport ne s’adresse pas qu’à la société française. Les jeux d’écho sont trop forts pour que nous puissions l’admettre. S’il faut aller vers plus de vérité, comme le préconise l’auteur du rapport, je ne suis pas certain qu’il faille la chercher et que nous puissions la trouver là où il y a l’État. Je m’applique une prudence très foucaldienne, là où il y a le pouvoir, on travestit, on feint, on édulcore, on ment.
Et dans ce rapport aux accents renaniens, la position d’équilibre que Benjamin Stora a voulu tenir entre sa qualité d’historien émérite et une mission commandée, ne tient pas."
Puisque ce sont les Algériens qui le disent :
RépondreSupprimer"Nous avions hérité de la colonisation, le jour de notre indépendance en 1962, plus de quarante superbes grandes villes et une dizaine de centaines de beaux villages, sur la côte, dans les Hauts-Plateaux et au Sahara. Un capital urbain inestimable d’une architecture remarquable. Des perles. Pour l’Algérien, tout était prêt pour faire de l’Algérie indépendante un pays moderne et concurrentiel. L’infrastructure est là. Toutes ces superbes villes et ces beaux villages sont notre butin de guerre, certes ! Notre fierté nationale libérée, certes.
Mais, avec une mentalité moyenâgeuse, nous avons partagé ce butin de guerre comme cela se faisait au temps des foutouhat islamiques ! Nous avons occupé ces villes et ces beaux villages après 132 ans de colonisation de peuplement, qui sont notre patrimoine, certes, mais avec une autre culture. La gestion de la ville a besoin d’une philosophie urbaine, d’un État moderne. Mais dès l’indépendance nous sommes passés d’un système colonial raciste à un pouvoir politique rural. Depuis l’indépendance et jusqu’au jour d’aujourd’hui, nous avons un pouvoir et non pas un État. "
Ce texte est extrait d'une chronique d'Amin Zaoui parue le 21 janvier dans Liberté-Algérie qui est à lire et relire en cliquant ici !
L'historien Hosni Kitouni (son père était dans l'ALN) propose sa critique du rapport Stora dans El Watan (clic) et le juge comme une démarche de politique intérieure française. Quant aux réparations, il les passe par pertes et profits : :
RépondreSupprimer"[......] Ce qui nous importe, c’est le jugement que nous portons nous-mêmes sur la colonisation. De savoir précisément quelle histoire nous devons écrire là-dessus. Je pense que nous n’avons pas à demander une réparation matérielle contre la colonisation, parce que nous avons récupéré nos biens, nos terres, nos villes, etc.
Il y a cependant des communautés blessées et dont les souffrances se maintiennent jusqu’à aujourd’hui. Je pense notamment aux victimes des mines antipersonnel, aux victimes des essais nucléaires, aux familles des disparus…Effectivement, sur ces questions, la France a un rôle que nous devons lui demander d’assumer."
Samia Lokmane-Khelil s'est entretenue avec Tramor Quemeneur à Paris pour Liberté-Algérie :
RépondreSupprimer"[......] Et pour travailler, nous devons avoir accès aux archives, le plus largement possible. Les traces permettent de balayer les mensonges, les reconstructions, les déformations… Et au-delà des seuls historiens, c’est cette circulation de part et d’autre de la Méditerranée qui permettra de se projeter vers le futur tout en réglant le contentieux mémoriel. Cela peut aller vite, c’est une question de volonté, politique et sociale."
Le Dr Mohamed Saïz est, selon El Watan, un activiste du hirak qui milite pour l'Etat de droit et la démocratie. Son analyse du rapport Stora est sévère. Il y dénonce d'abord l'affadissement des circonstances de la conquête qui fut pour lui un génocide, puis appelle à la réconciliation des mémoires. Extrait :
RépondreSupprimer"la réconciliation des mémoires entre des générations nouvelles et futures qui n'ont pas – et n'auront pas – vécu la période coloniale, implique des mesures audacieuses visant à combattre l'imbrication des spirales anti-algériennes en France et anti-françaises en Algérie. La prise en charge de la question mémorielle et de son racisme par des dispositifs juridiques sévères, à l'image des lois antisémites, serait un pas dans cette direction. La politique d'apaisement se devra cependant de ne pas faire l'économie de pousser plus loin. La libre circulation des personnes à travers la révision de la politique des visas donnerait de la qualité à la décrispation et au rapprochement des peuples, si bien entendu tel est l'objectif. Au-delà de leur portée symbolique, les excuses officielles à elles seules ne règlent rien."
Plus sur Liberté-Algérie (clic)
Aux dernières nouvelles, Abdelmadjid Chikhi, directeur des Archives nationales et chargé du rapport algérien sur la période coloniale, n'est pas prêt à remetre un rapport au président Tebboune. L’historien Kitouni Hosni juge que “Le silence assourdissant, abyssal, des officiels algériens suscite une grande incompréhension, d’autant qu’ils avaient eux-mêmes annoncé travailler sur ce chantier de la mémoire avec la partie française ! Certes, il y a, à leur décharge, l’absence du Président qui paralyse toute initiative, mais cela n’explique pas tout. Je crois que sur la question de la mémoire et de l’histoire, le pouvoir est coincé, d’abord en raison de l’usure du discours nationaliste mis à mal par la corruption généralisée de ceux qui l’ont jusque-là porté. Ensuite, confronté à la montée d’une pensée critique libérée par le Hirak, le pouvoir, ses intellectuels et ses alliés ne peuvent sortir de la matrice nationaliste sans, du même coup, démonétiser leur discours.”
RépondreSupprimer(source Liberté-Algérie)
La Revue Politique & Parlementaire publie la critique de Jean-Pierre Lledo sur le rapport Stora en cinq parties. C'est à lire et archiver :
RépondreSupprimer1.- Première partie
2.- Deuxième partie
3.- troisième partie
4.- Quatrième partie
5.- Cinquième partie et conclusion
Merci du coup de projecteur. Stora n'a pas été missionné pour établir le catalogue des responsabilités dans les horreurs, mais pour créer un outil permettant d'entamer un processus de réconciliation.
SupprimerNormalement le directeur des archives nationales algériennes Chikhi devait en faire autant ; c'était convenu entre Tebboune et Macron. Sauf que Chikhi a déclaré récemment n'avoir rien fait, ni même réuni la commission historique prévue. Il est réputé taciturne, et peut-être que l'ouverture des archives algériennes, comme la demande d'ailleurs JP Lledo pour rétablir les faits contre le roman nationaliste, lui déplaît.
Une réaction anglaise au rapport Stora qui commence par le chat de Schrödinger et finit par l'internationalisation de la réconciliation. C'est écrit par l'historien Neil MacMaster et c'est à lire sur Liberté-Algérie.
RépondreSupprimer"...objectiver les faits est une démarche qui ne va pas de soi. La difficulté majeure qui est une quasi-aporie des sciences sociales est que, si l’on pose comme prérequis épistémologique, à la suite du linguistique Saussure, que “c’est le point de vue qui crée l’objet”, une part de subjectivité interfère toujours sur l’interprétation même si celle-ci fonctionne comme explicitation au sens wébérien. C’est en effet le point de vue qui permet de voir ou de ne pas voir, d’occulter ou de révéler, de se poser les bonnes ou les mauvaises questions. La position de nombre d’historiens a souvent dissimulé des partis pris déguisés. Ceci a notamment fait que s’est développée à propos de l’Algérie une école révisionniste d’historiens français..."
Pour ceux des lecteurs de Royal-Artillerie qui cherchent à cerner Benjamin Stora un peu plus largement que ce qu'en offre l'insdispensable Wikipedia, je recommanderais la page ad hoc du site Algérie Française (www.algerie-francaise.org) qui vous donne tout ce que vous vouliez savoir sans jamais oser le demander : Sommaire portrait Benjamin Stora - Faits & documents - n° 179 du 1er au 15 septembre 2004 - Lettre d’informations confidentielles d’Emmanuel Ratier (clic).
RépondreSupprimerPour qui n'a pas le temps de compiler les revendications algériennes contre la France colonisatrice, il est utile de lire le plaidoyer de Louisette Ighilahiriz, Henri Pouillot, Olivier Le Cour Grandmaison et Seddik Larkeche, manifeste publié surEl Watan du 23 février et sur Liberté-Algérie d'aujourd'hui. Le bilan est à charge, strictement à charge quoiqu'il ne soit pas inutile d'en lire le passif. Villes, infrastructures, déploiement sanitaire et éducatif, démographie galopante, industrie et agriculture commerciale passent à la trappe, sans doute un encombrant butin (cf. Hosni Kitoun ci-avant qui emploie le mot "butin". On se demande ce que fait cette nombreuse communauté algérienne en France, 60 ans après la guerre de "libération". Nous ignorions que l'accord de divorce d'Evian nous confiait la charge des enfants ! En voici la conclusion qui s'achève par la porte ouverte à une jeunesse inemployable sur place, par la perversité du modèle algérien actuel, comme le crient à nouveau les foules du Hirak :
RépondreSupprimer"6.- Sur la question mémorielle, reconnaître la responsabilité de la France sur les crimes et les dommages coloniaux, y compris écologiques, et les réparer financièrement au même titre que les principales grandes puissances mondiales. Abroger la loi de 2005 sur les bienfaits de la colonisation, la loi Gayssot et la loi sur l’antisémitisme pour déboucher sur une seule loi générique contre tous les racismes permettant de rassembler au lieu de diviser. Nettoyer les sites pollués nucléaires et chimiques et indemniser les victimes. Restituer la totalité des archives algériennes. Signer un traité d’amitié avec l’Algérie et suppression des visas entre les deux pays."
Tout le monde tombe dans le piège du catalogue des horreurs. Ce n'était pas la mission confiée à B. Stora qui cherche à faire des pas dans la bonne direction en attendant que l'autre partenaire en fasse autant. Pragmatisme d'abord !
RépondreSupprimerMais apparemment l'Algérie n'a jusqu'à maintenant pas acheté le concept.
Voir l'analyse du général Hervé Longuet, président de l'UNC, publiée dans le
Figaro Vox. Et 189 commentaires derrière !
La Société française d'histoire des Outremers (SFHOM) compile les critiques du rapport Stora. Le lien de premier accès est ici en commençant par Jacques Frémeaux, Guy Pervillé et Jean-Jacques Jordi.
RépondreSupprimerIntéressante iterview de Tahar Khalfoune sur le rapport Stora à L'Expression DZ. Critique mesurée, donc utile pour la suite. A lire en cliquant ici.
RépondreSupprimerBronca à Alger contre le directeur des Archives nationales Abdelmadji Chikhi, accusé d'imbécillité par les cadres de l'institution, des professeurs et des historiens algériens. La protestation prend la forme d'une lettre ouverte au président de la République algérienne Tebboune. Il faut dire que les déclarations dilatoires sur sa mission et les insultes à l'emporte-pièce contre l'ancien colonisateur avaient donné la toise de l'autorité désignée pour établir le rapport symétrique à celui de Benjamin Stora. L'affaire est publiée sur Liberté Algérie, que l'on peut lire en cliquant ici.
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