Accéder au contenu principal

Le Lion est mort ce soir

Difficile d'échapper à l'envie d'écrire l'article qui marquera le jour de l'enterrement du vieux lion par un vieil âne ! Exit Trump, malade de la peste populiste, ce pelé, ce galeux d'où venait tout leur mal. Retour à la normalité ! Enfin, la normalité a soixante-dix-huit piges mais porte beau pour quelques mois encore. Viendra après lui le procureur Harris, les cheveux sur les dents, juste à temps pour remettre de l'ordre. On verra !
Inutile de fouiller la presse pour connaître la raison qui a poussé 74 millions d'électeurs américains à vouloir le réélire, mais le quasi-plein emploi avant le coronavirus chinois n'y était pas pour rien ; je ne suis pas le nez dans le guidon de la politique intérieure aux Etats-Unis (Dreuz s'en charge), et des amis et famille qui y vivent et que j'ai interrogés, aucun ne s'est abstenu le 3 novembre, la moitié pour, la moitié contre. Ce seront donc les affaires extérieures qui capteront notre intérêt.
Mais auparavant, j'ose une opinion sur l'attitude belliqueuse du président sortant quant aux résultats des élections. Je le crois sincèrement outré par la fraude réelle ou supposée. S'est-il construit mentalement un motif de l'échec qu'il ne voulait pas anticiper ; a-t-il été circonvenu par une partie de son entourage pour diverses raisons (vingt mille dollars/jour pour Rudy Giuliani par exemple) ? Quoiqu'il en soit, il a semblé très affecté par la déception de ses partisans, son « Je vous aime » en témoigne. Homme populaire de la télévision, il a d'instinct l'habitude de convertir les audiences en résultats. Les foules que ses meetings ont drainées quand son adversaire faisait campagne depuis son garage à Wilmington, l'ont convaincu qu'il allait gagner dans un fauteuil, et il a pu craindre que les invisibles, les électeurs ayant choisi la Poste, ne soit le levier d'un retournement des chiffres, un peu mais d'une autre façon comme Cambridge Analytica y était parvenue en 2016 dans les Etats-bascules. Son dépit est à la hauteur de ses certitudes, son tempérament lui interdit d'accepter le truandage. Il ne viendra pas à récipiscence et le procès d'impeachment est à la limite inique, mais il peut le gagner.

Trump dans l'ombre

Durant son mandat, Donald Trump fut convoqué sur trois axes cardinaux, la Russie, le Proche Orient et la Chine. Dans les trois cas mais plus largement aussi, il a montré une appétence particulière pour les hommes forts pensant peut-être qu'en étant un lui-même, ils méritaient d'accéder à son propre niveau. Sarcasme à part, il a réussi dans ces trois compartiments du jeu diplomatique, sans déclencher de guerre ! Les singes hurleurs de la Gauche universitaire américaine ne veulent pas l'entendre, tout affairés à défendre des valeurs démocratiques quand elles leur permettent de gagner - c'est comme chez nous. Leur intérêt pour les choses étrangères ne s'éveille qu'à l'impact extérieur sur la politique intérieure. C'est ainsi que le Kremlin eut la vedette dès le début dans la presse "démocrate". Au demeurant, si la Russie s'est impliquée dans le processus électoral de 2016, ce qui a fortement gêné ensuite le Département d'Etat, la Gauche n'a pas voulu voir que la brutalité intellectuelle de Trump avait fait réfléchir Poutine, qui se prend pour un grand joueur d'échecs, mais qui n'a pas avancé d'un mille dans la reconquête du glacis soviétique sous son mandat. Le locataire de la Maison Blanche ne comprendrait aucune subtilité sémantique dont Lavrov et son équipe ont usé et abusé sous l'ère Obama ; il était donc inutile de lui faire un deuxième coup de Crimée, en Mer noire ou sur la Baltique, la réaction n'était pas prévisible et la facture éventuellement chère. A part des moulinets diplomatiques, l'équipe du FSB a été confinée sur les théâtres difficiles et dépensiers. Et la Russie restera l'ennemi systémique de la prochaine administration.

Tout à l'inverse, les dirigeants chinois ont multiplié les arguties et les formules pour s'apercevoir à leur dépens que Donald Trump ne lisait que des cartoons et des graphiques simplifiés, tellement simplifiés qu'ils lui montraient chaque semaine le déficit abyssal de la balance commerciale américaine sur la Chine populaire. Ce constat lui a suffi pour frapper ! Il prit aussi des mesures désagréables pour gâcher l'arrogance chinoise en faisant des grâces à la République de Chine de Taïpei et en épaulant le Japon dans son effort de confinement des appétits chinois. Mais ce qu'il a tenté avec Kim Jong-un pour ennuyer Pékin restera dans l'histoire comme un échec retentissant... de la dictature nord-coréenne, même si les chancelleries mettent l'insuccès de la démarche à son débit. Pour avoir suivi l'affaire, il ne proposait rien moins que d'intégrer l'économie de rente minière dans l'économie globale en levant le blocus, et de participer au développment du pays par un tsunami d'investissements privés, à la seule condition de rendre l'arme atomique. Normalement, la classe dirigeante nord-coréenne pouvait s'enrichir énormément puisqu'elle détenait toutes les richesses à négocier, l'incitation américaine était remarquable à produire une classe d'oligarques avides de reconnaissance. Kim et sa soeur sont resté bloqués sur l'agenda familial de transformer le sang et les larmes populaires en bombe nucléaire afin d'asseoir l'emprise dynastique pour l'éternité. La température va donc monter doucement dans le chaudron nord-coréen jusqu'au grand étripage, la terreur n'étant vaincue que par une terreur plus grande. Avant d'être dévoré par les molosses du quan jue, quelqu'un se souviendra alors de l'occasion manquée avec le chien fou de Washington. Mais c'est au Proche Orient que réside l'exploit.

Après avoir cafouillé dans la guerre de Syrie, il a convenu, avec Invanka peut-être, que le bourbier arabiaque était inintéressant, jusqu'à passer la patate chaude à son gendre Jared. Et mise à part la trahison des Kurdes syriens (communistes quand même, hein ?), les résultats sont là ! Pivotant sur le seul allié sûr de la région, Israël, il a dégorgé la lampe d'Aladin et résolu le conflit judéo-palestinien en retournant pratiquement tous les soutiens à la cause perdue. Nous avons fait le tour de la question dans un article ad hoc titré Le Proche-Orient vu d'un drone. Très susceptible comme tout animateur de télévision, Trump n'a pas non plus accepté la visite qui s'annonçait triomphale du général iranien Qassem Soleimani à Bagdad, venu constater in situ combien ses milices avaient mis de roquettes dans le panier américain. Il en est mort ! L'Iran cherche toujours à le venger mais je crois que l'Administration Biden se montrera plus à même de vitrifier Bandar Abbas que celle de Trump. Pour finir le tableau d'actifs du bilan diplomatique, ajoutons l'enclenchement d'une réconciliation nationale en Afghanistan où il semblerait que les forces armées régulières parviennent à résister aux attentats des jusqu'au-boutistes. Apparemment le pouvoir central négocie sans mollir avec les chefs talibans et ça avance. Et au dernier jour, il a choisi le Maroc contre l'Algérie.

Donald Trump a quand même encaissé des échecs. Le Mexique n'a pas payé un mètre de mur et a obtenu le renouvellement du traité de libre échange avec les Etats-Unis et le Canada. Les Latinos font tourner au quotidien tous les Etats américains mitoyens du Mexique ; on a fini par le lui dire à Mar-a-Lago. A Caracas, le gouvernement de narco-trafiquants bolivariens ne s'est jamais si bien porté, même si la débâcle économique du Venezuela a dissipé toute envie d'imitation sur le continent sud-américain. A Téhéran, le régime des mollahs est en mode survie mais demeure une menace régionale que les pires sanctions n'ont pas entamée, bien que la population paie un prix exorbitant la poussant au désordre. Les cibles potentielles n'ont perçu aucun affaissement de l'Iran et ont choisi de se préparer à la confrontation ultime. Les relations euro-américaines ont été déteriorées sur tous les plans, mais surtout par la stupidité d'une guerre commerciale déclarée comme à des ennemis alors que tout était négociable mais certes... compliqué. Par chance, les journées de Donald Trump étaient courtes, entre la télé en continu, le smartphone et les week-ends au golf, elles nous ont privés de son entêtement sur des dossiers techniques qui l'ennuyaient, pour ne pas dire qu'ils le dépassaient. La Turquie en est un. La Grande Bretagne en est un autre. Le dossier indien n'a pas été bouclé. Et finalement il n'a pas acheté l'Islande !


Trump au golf

Commentaires

  1. Trump ne va pas monter un parti politique dans le lit du Tea Party avec l'empilage de 3200 comtés et 50 Etats. Même s'il était épaulé par une équipe de gestion politicienne musclée, il serait trop souvent convoqué à arbitrer les différents, d'autant qu'il taillerait ce parti dans le GOP. Sans doute n'est-ce pas son caractère de faire le juge de paix.
    Par contre il semble plus probable qu'il lance une chaîne de télévision à son nom - il déjà l'avion auquel il suffirait d'ajouter deux lettres : TRUMP-TV - car il connaît à fond le milieu et ses procédés.
    A suivre donc ! Avant la série Netflix...

    RépondreSupprimer
  2. Trump n'est pas allé à l'investiture de Biden parce qu'il ne pouvait supporter de ne pas être la vedette lui-même. La lettre aimable laissée dans le bureau ovale pour son successeur plaide pour ce motif.
    René.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Modération a priori. On peut utiliser dans la rédaction du commentaire les balises "a", "b" et "i" pour formater son texte.