Cinq soldats tués sur la route, il faut parler de nos opérations au Sahel. Sur son blogue La Voie de l'Epée, Michel Goya a déroulé l'équation de la mort qui mesure le taux de pression de l'engagement français sur la rébellion djihadiste au Sahel. Cet article est une contribution importante à l'analyse des pertinences tactiques et il faut le lire en cliquant ici.
Evacuons tout de suite la fiabilité des sources appliquées à ce théâtre d'opérations. La section Polémologie de la page Roycoland de notre blogue liste les sites éprouvés qui ont notre préférence, et sur les affaires du Sahel, le Piéton suit trois émetteurs : Wassim Nasr sur Twitter pour le décryptage des résultats quotidiens, Michel Goya pour la doctrine d'emploi, et Bernard Lugan pour le fond d'écran ethnique, indispensable pour y comprendre quelque chose. Il en est d'autres certainement ; il existe aussi des charlots qui en général hantent les plateaux télévisés mais comme ils ne m'ont rien fait, je ne les citerai pas. Juste une précaution : n'écoutez pas de laïus militaire d'un type qui n'a jamais porté l'uniforme (suivez mon regard) mais qui se dit expert parce que sa mam'man lui a acheté une boîte de soldats de plomb.
L'article de Michel Goya, que vous devez avoir lu pour continuer le nôtre, résume parfaitement la guerre au Sahel par les ressorts de l'écœurement réciproque. Quel effectif de victimes permettrait d'atteindre le seuil de découragement de l'adversaire ?
Côté français (je suis moins sévère que le colonel Goya), je le situe à l'effectif d'une section d'infanterie en une fois, bien que le désastre de la vallée d'Uzbin n'ait pas interrompu la contribution française en Afghanistan. Le retrait des troupes au contact serait compensé par le soutien à l'instruction des recrues du G5-Sahel (avec l'aide des Allemands et des Anglais) et à l'appui aérien garanti aux opérations des armées locales (drones, chasse et évacuations sanitaires), complété éventuellement de raids ciblés des forces spéciales.
Côté Djihad, il serait difficile pour les chefs des katibas d'éviter la liquéfaction d'unités combattantes si le taux de perte était toujours supérieur à 60% car la ressource locale à divers motifs se tarirait, que ce soit dans le monde peul ou dans le monde touareg.
Mais si vous avez lu les bulletins "Afrique Réelle" de Bernard Lugan, vous savez aussi que la guerre est sans issue au plan strictement militaire. Voir son dernier billet du 3 janvier ici s'il est besoin de s'en convaincre encore. Loin de nous l'envie de ramener notre science infuse sur la stratégie déployée par l'état-major sur zone, mais ce n'est pas les débiner que de constater qu'on n'a pas avancé d'un mètre ! Par contre, j'ai le droit, en tant que citoyen contribuable et patriote, de discuter la stratégie géopolitique de notre gouvernement ; et de poser la question qui tue : que fait-on encore là-bas ?
La réponse automatique du pouvoir est de contenir et réduire là-bas le terrorisme qui nous menace ici. Viennent ensuite des éléments de langage travaillés par les nombreux communicants qui ont tous le défaut de ne pas coller aux réalités. Nous avons créé une alliance locale appelée G5-Sahel dans l'optique de faire combattre au sol les infanteries portées de cinq pays de la région que nous appuierons par les airs, par le renseignement et le feu. Le G5-Sahel s'avère aujourd'hui encore n'être qu'une corbeille à passer parmi nous pour donner à la quête, et deux pays seulement se défendent avec ou sans ce dispositif, le Tchad et la Mauritanie. Nous et nos alliés européens ont formé des pelotons de soldats qui ont été engagés parfois avec succès, parfois à leur détriment, mais rien n'a encore réduit la menace. Et si leurs unités élémentaires se battent bien, les hauts gradés africains de ces armées semblent préférer s'occuper de politique ou de maintien de l'ordre en ville.
Défendons-nous des intérêts économiques stratégiques ? A part l'uranium nigérien et le fer de Mauritanie, non ! Il serait plus vrai d'avancer notre empathie naturelle avec ces pays nés de la colonisation française, dont nous hébergeons beaucoup de ressortissants et qui dans le passé fournirent les plus gros contingents de tirailleurs dits sénégalais. Mais de tout cela perce le sentiment que Barkhane est l'alibi qui nous permet de ne pas porter le fer sur la menace métropolitaine. Aurions-nous incinéré mille djihadistes et autant de chameaux au désert que la subversion islamiste en France n'aurait pas reculé d'un pouce, dans la mesure où nous continuons à prendre des gants avec les composantes actives de l'islam politique dont vient pourtant de se séparer la Grande Mosquée de Paris. Tout le monde sait que la membrane osmotique est poreuse entre le salafisme de base et la tentation terroriste. On sait aussi que le lavage de cerveau des jeunes musulmans est multiforme et mute en permanence sans jamais diminuer, qui nous obligera à prendre un jour des mesures précipitées et regrettables ; comme le blocus de lieu de culte qui froissera des musulmans pieux ; comme le démembrement d'associations douteuses. On sait - l'affaire Samuel Paty nous l'a montré - que les punitions définitives appliquées par des assassins motivés résonnent favorablement au sein de certaines communautés musulmanes, sans parler des pays islamiques hyper-susceptibles qui applaudissent toute campagne de terreur chez nous. Quoiqu'il en coûte, il faudra traiter ! Il faudra traiter l'affaire ici, chez nous, en métropole.
L'issue de l'opération Barkhane n'influera pas sur la composition et le niveau de la menace en France. C'est peut-être la réflexion que se sont fait les services de renseignement européens et américains, qui expliquerait la timidité de leur engagement. La question qui tue n'a pas de réponse au niveau du gouvernement et l'année électorale qui va s'ouvrir bientôt n'augure rien de bon pour y voir plus clair au Sahel et y prendre des décisions réalistes. Entretemps, nous venons de perdre deux hussards du 2è d'Haguenau sur la route de Ménaka, qui s'ajoute aux trois chasseurs du 1er de Verdun tués sur la route de Gao. Répétons-le encore, ces véhicules blindés légers ne sont pas adaptés à la guerre asymétrique en zone désertique. Les VBL ont été conçus chez Panhard pour éclairer les escadrons Leclerc dans la bataille de choc sur le continent européen. Le renseignement tactique et l'acquisition de cibles exige la furtivité de l'exposition aux contre-mesures ennemies. Qui se souvient des Jeep-106SR qui ouvraient le feu après avoir enclenché la marche arrière pour dégager immédiatement de la position de tir avant même que l'obus n'ait atteint sa cible ? Ces petits véhicules, juste protégés de la munition d'infanterie quand ils sont fermés, sont inadaptés aux convois de longue exposition en zone dangereuse par 50° à l'ombre. Nos soldats méritent que la question soit posée au fond !
Nous présentons nos condoléances attristées aux familles du sergent Yvonne Huynh et du brigadier Loïc Risser, qu'ils reposent en paix.
Evacuons tout de suite la fiabilité des sources appliquées à ce théâtre d'opérations. La section Polémologie de la page Roycoland de notre blogue liste les sites éprouvés qui ont notre préférence, et sur les affaires du Sahel, le Piéton suit trois émetteurs : Wassim Nasr sur Twitter pour le décryptage des résultats quotidiens, Michel Goya pour la doctrine d'emploi, et Bernard Lugan pour le fond d'écran ethnique, indispensable pour y comprendre quelque chose. Il en est d'autres certainement ; il existe aussi des charlots qui en général hantent les plateaux télévisés mais comme ils ne m'ont rien fait, je ne les citerai pas. Juste une précaution : n'écoutez pas de laïus militaire d'un type qui n'a jamais porté l'uniforme (suivez mon regard) mais qui se dit expert parce que sa mam'man lui a acheté une boîte de soldats de plomb.
L'article de Michel Goya, que vous devez avoir lu pour continuer le nôtre, résume parfaitement la guerre au Sahel par les ressorts de l'écœurement réciproque. Quel effectif de victimes permettrait d'atteindre le seuil de découragement de l'adversaire ?
Côté français (je suis moins sévère que le colonel Goya), je le situe à l'effectif d'une section d'infanterie en une fois, bien que le désastre de la vallée d'Uzbin n'ait pas interrompu la contribution française en Afghanistan. Le retrait des troupes au contact serait compensé par le soutien à l'instruction des recrues du G5-Sahel (avec l'aide des Allemands et des Anglais) et à l'appui aérien garanti aux opérations des armées locales (drones, chasse et évacuations sanitaires), complété éventuellement de raids ciblés des forces spéciales.
Côté Djihad, il serait difficile pour les chefs des katibas d'éviter la liquéfaction d'unités combattantes si le taux de perte était toujours supérieur à 60% car la ressource locale à divers motifs se tarirait, que ce soit dans le monde peul ou dans le monde touareg.
Mais si vous avez lu les bulletins "Afrique Réelle" de Bernard Lugan, vous savez aussi que la guerre est sans issue au plan strictement militaire. Voir son dernier billet du 3 janvier ici s'il est besoin de s'en convaincre encore. Loin de nous l'envie de ramener notre science infuse sur la stratégie déployée par l'état-major sur zone, mais ce n'est pas les débiner que de constater qu'on n'a pas avancé d'un mètre ! Par contre, j'ai le droit, en tant que citoyen contribuable et patriote, de discuter la stratégie géopolitique de notre gouvernement ; et de poser la question qui tue : que fait-on encore là-bas ?
La réponse automatique du pouvoir est de contenir et réduire là-bas le terrorisme qui nous menace ici. Viennent ensuite des éléments de langage travaillés par les nombreux communicants qui ont tous le défaut de ne pas coller aux réalités. Nous avons créé une alliance locale appelée G5-Sahel dans l'optique de faire combattre au sol les infanteries portées de cinq pays de la région que nous appuierons par les airs, par le renseignement et le feu. Le G5-Sahel s'avère aujourd'hui encore n'être qu'une corbeille à passer parmi nous pour donner à la quête, et deux pays seulement se défendent avec ou sans ce dispositif, le Tchad et la Mauritanie. Nous et nos alliés européens ont formé des pelotons de soldats qui ont été engagés parfois avec succès, parfois à leur détriment, mais rien n'a encore réduit la menace. Et si leurs unités élémentaires se battent bien, les hauts gradés africains de ces armées semblent préférer s'occuper de politique ou de maintien de l'ordre en ville.
Défendons-nous des intérêts économiques stratégiques ? A part l'uranium nigérien et le fer de Mauritanie, non ! Il serait plus vrai d'avancer notre empathie naturelle avec ces pays nés de la colonisation française, dont nous hébergeons beaucoup de ressortissants et qui dans le passé fournirent les plus gros contingents de tirailleurs dits sénégalais. Mais de tout cela perce le sentiment que Barkhane est l'alibi qui nous permet de ne pas porter le fer sur la menace métropolitaine. Aurions-nous incinéré mille djihadistes et autant de chameaux au désert que la subversion islamiste en France n'aurait pas reculé d'un pouce, dans la mesure où nous continuons à prendre des gants avec les composantes actives de l'islam politique dont vient pourtant de se séparer la Grande Mosquée de Paris. Tout le monde sait que la membrane osmotique est poreuse entre le salafisme de base et la tentation terroriste. On sait aussi que le lavage de cerveau des jeunes musulmans est multiforme et mute en permanence sans jamais diminuer, qui nous obligera à prendre un jour des mesures précipitées et regrettables ; comme le blocus de lieu de culte qui froissera des musulmans pieux ; comme le démembrement d'associations douteuses. On sait - l'affaire Samuel Paty nous l'a montré - que les punitions définitives appliquées par des assassins motivés résonnent favorablement au sein de certaines communautés musulmanes, sans parler des pays islamiques hyper-susceptibles qui applaudissent toute campagne de terreur chez nous. Quoiqu'il en coûte, il faudra traiter ! Il faudra traiter l'affaire ici, chez nous, en métropole.
L'issue de l'opération Barkhane n'influera pas sur la composition et le niveau de la menace en France. C'est peut-être la réflexion que se sont fait les services de renseignement européens et américains, qui expliquerait la timidité de leur engagement. La question qui tue n'a pas de réponse au niveau du gouvernement et l'année électorale qui va s'ouvrir bientôt n'augure rien de bon pour y voir plus clair au Sahel et y prendre des décisions réalistes. Entretemps, nous venons de perdre deux hussards du 2è d'Haguenau sur la route de Ménaka, qui s'ajoute aux trois chasseurs du 1er de Verdun tués sur la route de Gao. Répétons-le encore, ces véhicules blindés légers ne sont pas adaptés à la guerre asymétrique en zone désertique. Les VBL ont été conçus chez Panhard pour éclairer les escadrons Leclerc dans la bataille de choc sur le continent européen. Le renseignement tactique et l'acquisition de cibles exige la furtivité de l'exposition aux contre-mesures ennemies. Qui se souvient des Jeep-106SR qui ouvraient le feu après avoir enclenché la marche arrière pour dégager immédiatement de la position de tir avant même que l'obus n'ait atteint sa cible ? Ces petits véhicules, juste protégés de la munition d'infanterie quand ils sont fermés, sont inadaptés aux convois de longue exposition en zone dangereuse par 50° à l'ombre. Nos soldats méritent que la question soit posée au fond !
Nous présentons nos condoléances attristées aux familles du sergent Yvonne Huynh et du brigadier Loïc Risser, qu'ils reposent en paix.
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