jeudi 11 février 2021

Dangereux Mister Xi !

Commence cette nuit à l'horoscope chinois l'année du Buffle. Sur les conseils d'un ami taïwanais (qui se reconnaîtra) j'ai relu les trente articles de la déclaration universelle des droits de l'homme des Nations-Unies à côté du speech inaugural de Xi Jinping au Sommet virtuel de Davos 2021. La Chine populaire coche d'une croix rouge la moitié des cases ! Faites le test vous-mêmes (clic)

Xi Jinping

Dans son discours impeccable qui a dû ravir tant d'otaries sinophiles, le président Xi Jinping s'applique à détruire les dispositions de plusieurs articles de la Déclaration (il est vrai, signée par la République de Chine de Tchang Kaï-chek) qu'il n'est pas loin de convertir en simples ingérences, à commencer par la fin du préambule onusien : « L'Assemblée générale proclame la présente Déclaration universelle des droits de l'homme comme l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer, par des mesures progressives d'ordre national et international, la reconnaissance et l'application universelles et effectives, tant parmi les populations des Etats Membres eux-mêmes que parmi celles des territoires placés sous leur juridiction. »

Dans le texte que nous allons analyser en version française, tel que diffusé par l'agence Chine Nouvelle-Xinhua (clic), le président Xi prend exactement le contrepied de cette universalité en proclamant sa différence : « Chaque pays est unique avec son histoire, sa culture et son système social. Aucun n’est supérieur aux autres. L’essentiel, c’est de savoir s’ils s’adaptent aux conditions nationales du pays, s’ils sont soutenus par le peuple, s’ils apportent la stabilité politique, le progrès social et la vie meilleure et s’ils contribuent au progrès de l’humanité. Les différences en termes d’histoire, de culture et de système social existent depuis toujours. Elles sont une caractéristique inhérente à la civilisation humaine. Il n’y a pas de civilisation humaine sans diversité, et cette diversité existe et existera pour toujours**. Ce qui est à craindre, ce n’est pas la différence, c’est l’arrogance, le préjugé et la haine ; c’est la tentative de créer une hiérarchie des civilisations et d’imposer l’histoire, la culture et le système social de l’un aux autres.»
Les différences partout, très bien, je suis pour. Mais dans les faits, sauf en Chine populaire ! Pourquoi dès lors se maintenir aux Nations-Unies si on condamne chez soi les principes qui ont fondé l'organisation ? Vu la lâcheté générale et la vénalité des clients de l'empire chinois, les inconvénients sont minces au regard des avantages procurés par les nombreuses agences qui dispensent services, conseils et subsides de développement, mais surtout pour la tribune ouverte sur le monde entier quand les alliances de couloir laissent un peu de temps libre.
**Voir l'article de Jean-Noël Poirier dans Causeur sur l'impossible assimilation chez les Confucéens

Multilatéralisme sauf chez moi !

On en vient maintenant au multilatéralisme censé corriger l'hégémonie américaine qu'il ne nomme pas : « Nous devons poursuivre l’ouverture et l’inclusion et rejeter la fermeture et l’exclusion. Le multilatéralisme signifie que les affaires internationales doivent être gérées avec les consultations, et que l’avenir du monde, déterminé conjointement par tous. Créer de petits cercles ou déclencher une nouvelle guerre froide, chercher à exclure, à menacer et à intimider, recourir arbitrairement au découplage, à la rupture d’approvisionnement ou aux sanctions, et créer l’éloignement ou l’isolement ne peuvent entraîner le monde que dans la division, voire dans la confrontation. Nous ne pouvons pas relever les défis communs dans un monde divisé, et la confrontation nous conduira à l’impasse.»

carte Mer de Chine
C'est sur ce point-là qu'il faut poser la question aux riverains de la Mer de Chine orientale et surtout à ceux de la Mer de Chine méridionale, sur un arc de tension qui va de la Corée du Sud jusqu'à l'Indonésie. Sauf avec les Corées, la Chine populaire est en posture menaçante de guerre ouverte avec tous. Ces deux mers (au nord et au sud de Taïwan) sont destinées à devenir des mers intérieures de la Chine populaire avant le centenaire de sa création. Le Parti communiste chinois, saisi d'un hubris tétanique, ne souffrira aucun embarras et se met en conséquence dans la position de devoir engager n'importe où un conflit armé. Il croit en sortir vainqueur par le volume du tonnage engagé sur mer et les nombreuses batteries d'artillerie à longue portée massées sur les côtes. Conscient que l'échec éventuel de la conquête d'un territoire comme Taïwan (qu'il n'a jamais administré) signerait l'effondrement honteux du Parti (cf. cette analyse), on se doute que la destruction systématique des infrastructures de communications et des villes sera prioritaire en ce cas, quitte à faire reculer l'île de cent ans ou plus, sans même parler des dommages collatéraux aux populations civiles qui n'auront eu que le tort de croire les représentants qu'elles ont élus. Les empires aiment bien punir leurs vassaux infidèles et comme ils ne souhaitent pas y revenir, il faut que la leçon entre dans les chairs.

Dans ce discours de Davos, M. Xi récidive plus loin en qualifiant d'ingérence toute curiosité des pays étrangers sur la gouvernance du Parti : « Les différences en termes d’histoire, de culture et de système social ne sont pas un prétexte pour se livrer à l’antagonisme ou à la confrontation, mais une impulsion qui nourrit la coopération. Il faut respecter et concilier les différences, s’abstenir de s’ingérer dans les affaires intérieures d’autrui, et régler les divergences par les consultations et le dialogue. L’Histoire et la réalité nous enseignent maintes fois que dans le monde d’aujourd’hui, choisir la mauvaise voie de l’antagonisme et de la confrontation, qu’elle soit sous forme de guerre froide, chaude, commerciale ou technologique, c’est pénaliser les intérêts de tous les pays et le bien-être de tous les peuples.»
Comprenez : Mes camps de Ouighours sont à moi ! Occupez-vous des vôtres, et si vous n'en avez pas, c'est que vous ne savez pas gouverner. On capture, on mate, on assimile ! En phagocytant les nations de proximité, le Parti communiste élimine la confrontation et l'antagonisme sur le limes impérial et les déplace plus loin, selon le vieux précepte de ce qui est à moi est à moi, ce qui est à toi, on en discute ! C'est ce qui fonde le rapport d'hostilité sino-indien mais rien ne dit que l'agressivité se polarise au Ladakh. Il fait chaud à la frontière du Yunnan où le pouvoir birman ne contrôle pas les ethnies rebelles qui menacent les communautés han et les ouvrages d'infrastructure chinois. Il fait chaud à Hong Kong où le Parti a dû déchirer le traité international anglo-chinois pour surmonter l'insurrection.

Union européenne et Chine Populaire


Revenons au concret. La Commission européenne soumet au parlement de l'Union un accord réciproque d'investissements paraphé en grande pompe d'ordre et pour compte les industries européennes vivant de la grande exportation, c'est-à-dire l'Allemagne et ses sous-traitants orientaux et lombards. Beaucoup s'offusquent qu'un accord soit passé avec un Parti esclavagiste qui ne respecte rien ni personne encore moins sa signature, comme celle apposée sur les accords de rétrocession de Hong Kong. Auxquels je répondrai : "faut voir !"

DS PSA avec Sophie Marceau
* Inauguration de l'usine PSA de Shenzhen pour les DS *


S'il n'est pas besoin de pousser l'analyse pour obtenir l'intime conviction que la Chine de monsieur Xi a muté en une tyrannie féroce***, il nous faut garder la tête froide. Où est notre intérêt ? Sauverons-nous un cinquième de l'humanité avec nos petits bras musclés, un milliard trois cents millions de gens gérés comme des numéros par un empire autocratique qui a remplacé les bons auteurs marxistes par le 1984 de Georges Orwell ? Assurément non. Mais si les pays de l'OCDE ont longtemps caressé la chimère d'une libération sociale intérieure par des échanges économiques intenses - et jusqu'à l'arrivée de M. Xi, rien ne lui donnait tort - il est prouvé qu'aussi étroite sera la fente qui laisse passer le jour, la lumière de l'Ouest érodera le complot communiste d'abêtissement des foules. Nous avons coutume de dire ici que c'est le Coca Cola, le rock n'roll et le Lewis 501 qui ont ruiné le Mur de Berlin. Tout ce que nous passerons en Chine populaire par les canaux de la coopération économique et industrielle entamera les certitudes obligatoires des commissaires politiques qui sont revenus dans les entreprises et dans les universités diffuser le projet archaïque d'une société matérialiste réglée par Marx, Engels, Lénine et Staline. Il faut leur pourrir la vie, avec adresse et être plus retors qu'eux, même si le défi est de taille parlant de Chinois.

C'est dans ce but que les idiots utiles comme Jean-Pierre Raffarin le seront vraiment. Promener sa bonhommie en défonçant les portes ouvertes de la fausse liberté finira par user la détermination des plus cons qui seront bien obligés de mettre le costume à la mode de chez nous et suivre l'étiquette étrangère. Il en faut comme lui des milliers ! Et si la procédure fait tourner les usines VW, PSA ou Siemens, où sera le mal ? De toute façon nul n'infléchira de l'extérieur la coercition que le Parti communiste inflige aux peuples de Chine populaire mais on l'aura autrement ! Rien ne dit non plus que l'ethnie Han, fatiguée d'être gouvernée par un président disposant pour tout titre du certificat d'études et encombrée d'une myriade de petits sectionnaires zélés, recrutés pour leur obéissance aveugle aux consignes, ne se lève pas un jour en nombre. Les émeutes rurales sont monnaie courante même si elles ne sont plus rapportées par les journaux depuis quelques années, sous peine d'être qualifiées d'atteinte à la sûreté de l'Etat. Le pogrom anti-musulman d'Urumqi perpétré par les commerçants chinois de la ville en 2009 fut spontané. Après tout, on leur a appris la révolution. A moins que ce ne soit du côté des états-majors que l'on s'inquiète des dérives polémologiques de politiciens aussi stupides que corrompus, qui veulent chacun leur petit paragraphe dans la grande page d'histoire de la Chine présomptueuse qui se refermera un jour comme le royaume voisin des Kim ! On les aura à l'érosion !

***Radio Free Asia (clic) signale qu'un tribunal de Maoming City (province du Guandong) a condamné à quatorze ans de prison (14!!) Niu Tengyu (23 ans) pour avoir associé le nom et une photo de la fille de Xi Jinping dans un,e discussion sur un forum China Wiki : elle s'appelle Xi Mingze. Vingt-trois autres prévenus ont comparu pour le même motif, on ne connaît pas les sentences ; les avocats ont été interdits, bien sûr. Au bout de 14 ans Niu Tengyu aura l'intelligence d'une laitue. Ils font appel - on ne rit pas. Ayez pitié !

Pense-t-on pour finir que les déboires de Jack Ma, patron d'Alibaba, bloqué en bourse et retiré de la circulation pendant plusieurs semaines pour revenir le cerveau lavé, comme les arrestations arbitraires d'hommes d'affaires étrangers sous des prétextes futiles, soient de nature à conforter l'enracinement des oligarques chinois en territoire communiste ? C'est juste une question... perfide.

Ceux qui se sentent en manque d'approfondissement à la lecture de ce simple billet pourront lire la recension de Charles Parton du communiqué officiel émis par le Cinquième Plenum du Parti communiste chinois, à la demande de Bill Bishop (Sinocism) : China – A Look Ahead to 2021 and Beyond. Idéal pour briller dans les dîners (clandestins) en ville.

Le Buffle exprime la force tranquille dans une résilience infatigable. Souhaitons que l'Occident sache l'exercer !



un enfant jouant de la flute traversière sur un buffle d'eau

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