lundi 1 février 2021

Un Brexit gagnant est dans les tuyaux

Ça fait un mois que le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord a largué le continent et les relevés géodésiques n'ont alerté d'aucun glissement des amers. La reine Elisabeth II va fêter ses soixante-neuf ans de règne le 6 février prochain, et le fringant duc d'Edimbourg passera le siècle le 10 juin. La descendance est assurée, la Firme donne le ton à la presse people. Des Anglais mieux informés que Stéphane Bern soupçonnent la reine d'être in petto une brexitrice refoulée. Rule, Britannia ! Britannia, rule the waves ! Quant aux spécialistes payés au mois, ils nous ont expliqué la rupture systémique en détails qui finalement se résument au déshuilage des procédures commerciales et à la quarantaine bancaire.

Elisabeth 2


A ceux qui ont pris le blogue en marche*, nous conseillons de consulter la mise en ligne du dossier par Matignon en cliquant ici ! Effectivement les Britanniques se plaignent des difficultés rencontrées en frontière de la Communauté européenne dans des procédures qui pour eux ressemblent à une punition, comme les certificats sanitaires, formulaires douaniers, listes de colisage modélisées, les factures commerciales internationales, lettre de voitures, connaissements et tout le diable son train. Choses inconnues d'eux jusqu'ici quand il était aussi facile d'aller de Manchester à Czerwionka-Leszczyny comme autrefois de Nantes à Montaigu.


Ils devraient s'en consoler pour une seule raison : contraints et forcés, les plus petits producteurs britanniques apprennent le métier d'opérateur international. Ils s'arment pour le commerce à la grande exportation. Dans trois ans, ils seront des concurrents redoutables urbi et orbi travaillant de conserve avec leurs transitaires anglais dans le monde entier, Europe continentale y comprise bien sûr. Nous les avons forcés à se former.

Entretemps Boris Johnson et ses successeurs accroîtront au maximum l'attractivité du royaume pour les talents créatifs, les entrepreneurs au grand large, les fous d'argent ! Ayant rompu avec les avares bataves, les chanoines rhénans et les communistes français, ils mettront au service des idées ce que l'Angleterre a toujours su faire mieux que les autres : la liberté dans l'imagination. Et certains ne s'y sont pas trompés comme le patron de Nissan UK qui, actant l'absence de droits et quotas, a célébré les futurs succès de son usine de Sunderland qu'il va convertir aux modèles de demain. S'ouvrant sur tout le Commonwealth sans demander les permissions réglementaires à Bruxelles et approvisionnant tous ses intrants européens sans contraintes démesurées, l'industrie britannique peut reprendre des couleurs dès lors qu'elle reste adossée aux usines allemandes et italiennes et qu'elle a toute liberté de navigation.

Un autre avantage de la séparation est de recouvrer l'agilité du gouvernement. La preuve en est faite, là, tout de suite, dans le management de la vaccination contre le coronavirus chinois. Quand la Commission recherchait le consensus des vingt-sept pays pour le plus petit dénominateur commun à ceux qui voulaient le vaccin ARN et à ceux qui voulaient un vaccin à souches mortes, le Royaume-Uni n'avait pas à perdre de précieuses semaines en cohésion, la cohérence y suffisait. Puis Bruxelles passa un mois dans des réunions de marchands de tapis avec les laboratoires pharmaceutiques pour obtenir le plus bas prix possible d'un produit en cours de développement (c'est énorme de bêtise) pour, à la fin, montrer un retard de trois mois (3!!!) sur la procédure britannique. D'un côté, on va à l'essentiel - vacciner la population le plus vite possible pour bloquer l'affaissement économique et sauver des vies - de l'autre, on s'emploie à réaliser pour s'en vanter ensuite l'exploit bureaucratique de mutualiser les commandes, mais dans les délais abscons d'une fédération de papier, alors que la Santé reste dans l'Union une compétence nationale.
Le Spiegel (clic) s'en prend très vivement à la présidente allemande de la Commission, Ursula von der Leyen, pour son arrogance, ses ambitions de carrière et sa faible compétence dans l'emploi, toutes choses qui dans ses postes précédents ont été remarquées avec une adresse certaine à se défausser sur autrui quand elle n'abandonnait pas le poste avant l'audit. AKK qui lui succède au ministère de la Défense à Berlin, n'a pas encore terminé de passer la serpillière sur l'ère Von der Leyen et le ministre allemand de la Santé tire à boulets rouges sur la Commission européenne et sa présidente (lire l'article). Les Anglais ont certes aussi leur bureaucratie, mais ils savent la shunter dans l'urgence. Ça leur a fait gagner des guerres dans le passé.

Reste la question qui hantait M. Barnier : Singapour-sur-Tamise. La City de Londres est un des géants mondiaux de la bancassurance et le traité l'empêche de démarcher librement la clientèle continentale. Il est certain que ces dispositions réduisent la masse des dépôts bancaires et la collecte de primes. Mais le savoir-faire, le talent et la perversité financière sont toujours les moteurs de la City avec trois marchés de capacité mondiale qui n'ont pas de concurrents continentaux, je cite : le London Stock Exchange comme bourse des valeurs et leur introduction, le London Metal Exchange comme marché des non-ferreux et de l'acier, le London Bullion Market pour les métaux précieux, et le marché interbancaire des capitaux parmi les plus fournis et achalandés de la planète. S'ajoute le Llyod's, leader incontestable dans l'assurance et la réassurance. On voit bien qu'on n'est pas chez les miquets ! Mais d'autres que le piéton impécunieux le verront aussi. Et s'il est plus difficile aujourd'hui de vendre un plan d'épargne-logement anglais à madame Michu, le phare de l'ingénierie financière hors-normes et hors-réseau brillera désormais de mille feux puisque la surveillance de Bruxelles aura baissé d'intensité. D'ailleurs tous les discours ronflants de l'Europarlement contre les paradis fiscaux n'ont jamais entamé les capacités créatives de la perfide Albion. C'est là-bas qu'aurait dû aller M. Cahuzac lors d'un week-end shopping avec la belle-fille de Michel Drucker. Et puis, comme nous le montre l'actualité des bourses chaque jour (MNI), la haute finance aujourd'hui, c'est le cerveau d'un gnome génial, une tablette connectée où il faut, et un rail chaque matin. Penser à changer de narine. Le reste vient naturellement et c'est de l'or.

le Ring du London Metal Exchange

Une incidente d'actualité : depuis hier dimanche, "les demandes pour les visas British National Overseas (BNO) sont ouvertes. Les citoyens de Hong Kong détenteurs de passeports BNO ont le choix de vivre, travailler et étudier au Royaume Uni, libres d'y reconstruire leur vie. Nous sommes fiers de ce jour historique par lequel nous honorons notre promesse aux Hongkongais" dixit la ministre de l'Intérieur britannique Priti Pratel. C'est indéniablement du renfort pour le royaume. Hong Kong est troisième au classement PISA, la plupart des immigrants sont des gens formés dans des métiers d'avenir, sinon fortunés. Il leur suffira de se maintenir cinq ans (je vous fais grâce des détails) pour obtenir la citoyenneté britannique de plein droit. On estime que sept mille réinstallations sont déjà effectuées, l'argent continue d'affluer pour couvrir le reset hongkongais. La Chine populaire enrage et, avec un culot monstre après sa brutale reprise en main de l'ancienne colonie contrevenant au traité anglo-chinois de 1984, dénonce une atteinte au droit international ! Rien n'effraie plus les communistes que de perdre leur pantalon en public.

Ceci mis à part, des difficultés sont attendues avec l'Ecosse et peut-être l'Irlande du Nord, qui sentent la courroie de la camisole se détendre. Mais si la prospérité revient au Royaume-Uni, ces nations de rugby pèseront les inconvénients d'un désarrimage, dont la faisabilité pratique n'est pas démontrée, à l'aune de celui enduré par la Grande Bretagne dans la procédure européenne. Le vice caché du royaume est peut-être dans le timing. L'incarnation de l'unité britannique est une reine très respectée mais à la fin d'un long règne, finissant en vrille, dont le successeur aura beaucoup de mal à obtenir l'oreille des milieux d'affaires, et dont le fils du sus-dit est un gros point d'interrogation, ou d'exclamation comme on veut. La classe politique, aussi corrompue que la nôtre, devra néanmoins faire le pont entre les institutions de la couronne et les institutionnels de la finance et de l'industrie, ce qui n'est pas écrit d'avance ! Mais l'histoire a montré que les peuples britanniques en danger pouvaient précipiter en cohésion solide entre deux disputes, comme les Afghans un peu. Le Piéton leur souhaite sincèrement de réussir, non pour l'exemple (on a déjà dit pourquoi ici) mais pour le bonheur de nations courageuses qui font notre admiration aussi souvent qu'elles nous agacent. Sacrés Godons !

coquelicot

2 commentaires:

  1. Le Brexit rencontre des frontières qui n'existent pas ou qui n'existent plus. Difficile de faire aujourd'hui l'éloge de la frontière comme s'y était prêté Paul-Marie Coûteaux dans Les Epées jadis.
    Le ridicule des frontières halieutiques se passe de commentaires, quant à la frontière irlandaise du Vendredi-Saint elle a été tracée au cordeau détonnant ! Bon courage à tous pour défendre le principe.
    Cavelier Delassalle

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    1. Je ne pense pas que les deux frontières que vous signalez puissent être gérées par les Etats respectifs, encore moins par les douanes fédérales. Il n'est venu à l'idée de personne de laisser les gens de la frontière s'entendre entre eux dans le secret de délibérations libres.

      Les pêcheurs bretons et normands passeraient facilement un accord d'avantages croisés avec ceux des îles anglo-normandes, puisque deux tiers de la pêche anglaise est vendue à la criée française. Pareil pour la criée de Boulogne.

      Quant à la frontière "détonnante" irlandaise, il ne devrait pas être difficile de réunir les chambres de commerce de Dublin et de Belfast en l'absence de tout autre intervenant, pour régler le commerce entre l'île et la Grande Bretagne. Il existe des moyens électroniques de suivi des biens et denrées.

      Il suffit juste que la politique ne s'en mêle pas. C'est sans doute le plus difficile.

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