dimanche 25 avril 2021

Agnosticisme et royalisme

Le Piéton vient ce dimanche au zinc du Blogue faire un peu de philosophie de comptoir. J'ai toujours été surpris du nombre de royalistes qui, les présentations finies, s'affirmaient agnostiques mais pratiquaient la religion de nos rois quand les circonstances l'exigaient. A creuser un peu, on devine qu'ils sont des monarchistes de raison convaincus et souvent plus affûtés dans leur argumentaire en faveur du roi que les autres royalistes. Ils regrettent au fond d'eux-mêmes de ne pas croire au mystère qui embellirait le modèle idéal d'une lumière surnaturelle.

Cette distance posée par le doute s'applique au roman de l'histoire monarchique depuis la colombe de Clovis jusqu'au vœu de consécration de la France au Sacré-Cœur de Jésus par Louis XV, ce qui, en passant, nous vaudra l'église Sainte-Geneviève, récupérée à la Révolution pour devenir le Panthéon de la République. L'autre champ d'exercice de ce scepticisme métaphysique s'applique à toutes les manifestations de la Providence, convoquée à tous motifs et desseins pour réparer les dommages causés par la nation au roi quand ce n'est pas l'inverse.

Nul ne peut démontrer que la Providence agit ou ne peut agir, ou sinon, qu'elle soit un concept produit par l'esprit des hommes. Cette indécision dans les causes à l'origine de changements divers définit assez bien les agnostiques - on ne parlera pas des athées qui n'ont aucun problème en l'affaire, relire Nietzsche et périr. En matière de religion, il en est de deux sortes :

(1) L'agnostique radical qui pense que la foi est irrationnelle, sans préjuger de l'existence ou de l'inexistence de Dieu qui le dépasse. Contrairement à l'athée, il est toujours sur le qui-vive pour capter tout signal faible de cette présence qui résoudrait son doute pour son plus grand bonheur. Dans la définition qu'Henry Duméry donne à l'encyclopédie Universalis, l'agnosticisme désigne soit les doctrines qui, sans récuser un ordre de réalité inaccessible aux sens ou à la froide raison, estiment qu'aucun moyen de le connaître ne nous est offert au moment ; soit les doctrines qui soutiennent que l'inconnaissable, échappant à tout jugement, échappe à celui d'existence : il n'y a pas lieu de réserver l'existence de ce qui ne peut être objet de science. Dans la pratique, l'agnosticisme est synonyme de scepticisme en matière philosophique ou religieuse. Tout est dit quand on lit lentement, on ne va pas chipoter.

(2) Le deuxième est l'agnostique terrifié (ou cosmique) qui reconnaît un principe inexplicable et autonome à l'origine de l'univers (il va plus loin que le boson de Higgs sans même parler des frères Bogdanoff) et ne conçoit pas de s'adresser d'aucune façon à cette hyperpuissance d'un autre monde. D'ailleurs bizarrement, l'évangéliste Jean nous précise que personne n'a jamais vu Dieu (1:18). Le Piéton, plutôt terrifié, milite pour que les docteurs en théologie obtiennent préalablement un master de physique quantique afin d'ouvrir l'angle d'acquisition de la lumière divine sans être foudroyés comme Uzza sur le chemin de Nacon. Ce n'est pas ironique, la foi a besoin de s'user contre les grands mystères de l'astrophysique.

flash du Big Bang

Il existe d'autres postures agnostiques. Celle d'un Charles Maurras qui promouvait l'utilité des dieux dans la construction intellectuelle et morale de chacun et dans la pacification des sociétés humaines. Il privilégiait la mythologie grecque qui était la trame de la morale classique, applicable aux hommes de toutes époques mais il gardait ses distances de mortel envers l'Olympe, en se souvenant de Tirésias, quoiqu'il aurait pu guérir de sa surdité ! Plus proches de nous, des esprits tourmentés par l'affaissement de l'Europe dans la mondialisation réinventent le polythéisme païen, en oubliant que la Communion des saints de l'Eglise catholique est l'avatar utile de ce panthéon antique qui avait réponse à tout à sa manière. Nous avons un saint pour tout, même pour retrouver sa paire de lunettes égarée près du piano.

Ceux des royalistes qui croient au Dieu tout-puissant et attentif à chacun de nous, Qui par Son fils conduit nos affaires du quotidien, sont rassurés de savoir qu'Il est aussi inquiet qu'eux quant au devenir de la monarchie très chrétienne en France. Et à défaut de Le voir, le croyant Le sent partout actif. D'un côté c'est bien pratique. Une sorte de dévolution, certains diront de déresponsabilisation. Est-ce vraiment œuvrer au retour du roi que d'en confier l'avènement au dessein de la Providence ? Peut-être trop facile ! Démobilisateur ! Les limites à l'expansion du providentialisme au sein du Roycoland sont posées par les partis royalistes rangés derrière le prétendant de leur choix. Militer, pour eux, ne peut s'organiser à partir d'injonctions plus ou moins perceptibles en concentrant l'essentiel de l'énergie dans la prière et les supplications. Les mouvements doivent "positiver" pour survivre. Finalement leur continuation prime tout et cela vaut mieux, quand on compte. Vingt-cinq semaines d'années bientôt nous séparent de la chute du dernier roi (21 du dernier empereur) et les perspectives de restauration d'une monarchie en France tangentent l'infini. Aussi, faire carrière dans le royalisme est un emploi de longue durée indéterminée qui peut combler une vie d'homme, celle de ses enfants et petits-enfants. Mon arrière-arrière-grand-père Estoueno de Nébian était un cul-blanc du Midi attendant le retour de l'Elu ! A son âge avancé aujourd'hui, je l'attends à mon tour ! Le providentialisme par essence n'a nul besoin de militants mais d'orants. Pour l'agnostique, il repousse dans la nuit d'un futur improbable la réalisation du rêve royaliste. Est-ce la juste définition ? C'est une simple question.
Siouplé ? Remettez-nous ça !

4 commentaires:

  1. Merci cher Kardaillac,

    C'est une très bel article que vous avez écrit là, qui résume parfaitement bien l'enjeu du devenir de notre France.

    J'y ferais une petite correction en ne parlant pas de Monarchie Française, mais de Royauté Française et de surcroît Très Chrétienne, ce qui est bien différent.

    Maintenant, l'unique question à se poser de nos jours, après cette constatation de cette durée interminable de 230 ans "sans roi Très Chrétien" (et non pas sans monarque), que j'appellerais "Ere révolutionnaire", bientôt égale à notre Ere carolingienne de 236 ans (751-987), est la suivante :

    « Quel est donc l'événement tragique et funeste, insurmontable et rédhibitoire, bloquant depuis 230 ans tout espoir humain, et je dirais même toute espérance, au retour réel et pérenne du roi Très Chrétien ? »

    Répondre précisément et objectivement à cette question, c’est déjà être sur la voie de la solution et des seuls moyens efficaces pour sortir de notre impasse.

    Chouandecoeur

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    1. Je vous remercie de votre commentaire appuyé. A la question de savoir quel est l'événement bloquant le retour du roi très chrétien, je répondrais déjà qu'il nous manque Jean Raspail, lequel avait tiré le voile de l'énigme en tout sens sans vraiment conclure, sauf à se réfugier enfin chez le "roi de vitrail". Il n'y a pas de réponse satisfaisante dans le microcosme royaliste à cette dormition. Par contre si on veut bien monter le point d'observation au-dessus des explications convenues on voit deux choses, qui se concluent par un constat déprimant : d'une part, les trois derniers rois furent en remorque des évolutions sociales, ils ont "géré" mais n'ont jamais tiré le Char ! Dans le projet capétien, c'est rédhibitoire ; l'histoire verse au fossé les rois fainéants. Deuxièmement, cette race a stérilisé sur sa fin le concept fondateur de royauté héréditaire. On constate donc que la troisième race des rois était épuisée, au sens génétique comme au sens dynastique.
      On sait que la consanguinité, les conditions sanitaires de l'enfance y furent pour beaucoup et que les familles royales étaient peu avisées de ces problèmes, à voir les mariages entre cousins et l'hygiène approximative des grands, mais quelqu'un savait celà de tout temps, au passé comme au futur, la Providence, et Elle ne les a pas averties (pourquoi ?).

      Plus grave, cet épuisement s'est opéré en même temps que la ruine de la monarchie en France comme pour confirmer un anachronisme. Certes, les lois de dévolution prévoient de remonter les branches survivantes pour obtenir une alternative, mais outre le fait que cette récupération est assez récente puisque Louis XV avait expressément désigné la nation (dans ses états généraux) comme instance d'ultime appel en cas d'absence d'héritier français de la couronne, il ne me paraît pas possible d'introduire au XXIè siècle un Espagnol comme solution à tous nos maux, même si ça me plairait bien.
      J'espère avoir contribué à la réflexion que vous avez proposée.

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    2. Bonjour Catoneo,
      Je ne sais pas l'âge que vous avez mais vous parlez comme un vieillard sénile profondément désabusé. Ne croyez pas que je fasse du racisme anti-vieux car celui qui vous parle a 80 ans.
      Pour faire court, j'ai fait mon petit "tour de France" ces trois dernières années à la recherche de forces militantes. Je suis parti du postulat qu'il y a, potentiellement, deux familles politiques anti-mondialistes : les royalistes et les nationalistes. Et j'en ai conclu que les royalistes ont des idées mais pas de militants et les nationalistes ont des militants (souvent très courageux) mais pas d'idées.
      C'est caricatural, bien sûr.
      Je suis frappé par le fait qu'il n'y a pratiquement personne, dans ces deux familles, qui s'intéresse à une question fondamentale : quelle stratégie de prise du pouvoir faut-il adopter ?
      C'est la seule question qui mérite débat à mon avis.

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  2. Je ne suis pas désabusé ; sénile, je n'en puis juger moi-même.

    Cher Monsieur Tartaret, je suis à jeun d'avoir rencontré aucune stratégie de prise de pouvoir chez les royalistes de mon vivant, quelle que soit leur chapelle. Galette, messe pour L.XVI, conférences, la Jeanne, CMRDS, conférences, et rebelotte l'année suivante. J'ai entendu dire que le prétendant devait se charger de la stratégie et donnerait ses instructions le moment venu. Qui y croit ? Vous ?

    Sur ce blogue j'ai déploré souvent ce vide comme cette "hotrreur" de l'argent sans quoi rien n'est possible. J'ai aussi dénoncé ce goût immodéré du nanocosme pour les impasses stratégiques, particulièrement dans les questions européennes qui conditionnent beaucoup de conséquences d'une rupture de régime. En vain bien sûr. Ce n'est qu'un blogue.

    Pour finir, je me permets de vous faire remarquer que chez les nationalistes, l'impatience des ténors à gouverner au plus haut niveau (accessible à n'importe qui depuis M. Hollande) ne laissera pas passer le roi. Auncun ne tirera les marrons du feu pour autrui, sauf à y trouver sa récompense, voire le flouer. Le moteur de l'envie est puissant en démocratie comme la soif de pouvoir sur "les gens" !
    La réponse est dans le chaos. Un roi montera sur des ruines. C'est pourquoi la maxime de Royal-Artillerie est :
    "Pas le premier à Reims, mais le dernier debout à Paris !"

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