...comme si c'était hier ! Un témoignage parmi tant !
Quand l'image apparut chez moi dans la lucarne bleue, je montais au bar corse de la Contrescarpe prendre la température. Les piliers de ce bouge avaient pour habitude de boire à la santé de Ian Smith, je n'ai jamais su pourquoi. Ils n'avaient pas voté pour le vainqueur. On y attendait du désordre, mais dans la quiétude de ceux qui savaient que personne n'oserait venir les emmerder "chez eux". Je descendis par après vers Maubert pour rejoindre par le quai le pont de Sully en direction de la Bastille dans l'idée de m'imprégner de cette soirée historique. La rue de Bièvre était déjà bouclée, et partout des cadres de la PP en gants blancs, contrôleurs et divisionnaires en grande tenue. Je pris le boulevard Saint-Germain déjà chargé de voitures klaxonnantes et me joignis aux gens nombreux qui faisaient comme moi. A la Bastille, c'était du happening, un peu de folie populaire, mais pas la même convivialité que sur le boulevard Saint-Michel treize ans plus tôt. Un camp avait gagné contre un autre, c'était clair. On sentait une revanche. Et la pluie débanda la fête.Je suis rentré préoccupé parce que j'avais lu le programme commun de gouvernement, jusqu'à comprendre qu'au-delà des réformes sociales parfois nécessaires, on allait entrer dans une boucherie économique et financière. En fait, nous n'en sommes jamais sortis depuis. La nationalisation des banques allait signaler que le pouvoir se donnait les moyens de canaliser les phynances vers son programme anti-économique et déficitaire, vers les projets des copains (chacun son tour) et vers les caisses des partis de gauche. Ce qui fut le cas. La gabegie fut totale, l'incompétence récompensée et le Credit Lyonnais en mourut. Nous devenions la risée du monde libre, mais nous recevrions plus tard à Paris le grand lider Fidel Castro. La tentative de redressement de 1983 stoppa le désastre mais le déclassement du pays était acté, le mal était fait.
Il me restait du temps pour essayer de comprendre comment l'ordre ancien avait été balayé par des partis plus archaïques que lui. Et d'entendre en mémoire le premier ministre Raymond Barre appeler tous les quatre matins aux "sacrifices", au travail, à l'effort, quand en même temps il cassait des pans entiers de notre industrie - "Lip, c'est fini !" - au motif du pacte mondialiste qui promettait une zone globale de libre-échange où les pays se procureraient tous les biens et denrées nécessaires sans se préoccuper de leur provenance. Quelques-uns avaient gueulé au charron ; ils étaient rares ; Georges Marchais avait entendu le bruit sourd du désastre industriel. Il était bien le seul !
A côté de cela, les scandales minaient la réputation de la classe politique aux manettes, qui avaient poussé les électeurs à faire du neuf avec du vieux ! On sut plus tard que Monsieur Barre avait garé onze millions de francs suisses au Crédit Suisse de Bâle (info). Le numéraire évadé s'ajoutant à la valeur de la villa de Saint-Jean-Cap-Ferrat estimée à quatre millions d'euros actuels, donne une idée du détournement de fonds spéciaux perpétré par le "meilleur économiste de France" et maire canonisé de Lyon.
Terminons cette commémoration par l'intervention à chaud de Raymond Aron devant Jean-Pierre Elkabbach au soir du 21 juin 1981, après le second tour des législatives. Tout y est, qui dénonce l'interminable guerilla à droite (en mai 2021 on savoure !) et annonce le changement de pied de 1983 à gauche.
Le billet commémoratif de Jean-Gilles Malliarakis est sans doute aucun plus en phase avec les réalités de la perversité du Florentin que celui-ci : on peut le lire ici.
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