lundi 24 mai 2021

Éphémère ou permanent ?

tête d'éphémère

Dans moins d'un an, nous assisterons à l'événement majeur de la Vè République, l'élection du président. La cohue des faquins, coquins, demi-habiles et montreurs d'ours se rue déjà au loto électoral avec, disons-le, le renfort de quelques sincères et compétents hélas écrasés par le tapage des Nuls. Depuis que l'affaire fut gagnée par un chef de rayon des Trois Quartiers en 2012, tout Français ambitionnant de gérer le Franprix de son quartier s'estime capable de remporter la timballe. Existe-t-il un autre mode de désignation du chef de l'Etat qui nous priverait d'un satrape à sequins, tout à sa vanité d'arroser les gens de tous âges et conditions avec leur propre argent, afin d'accentuer l'empreinte de son sourire dans leur cerveau reconditionné ? Oui.
En 2012 justement, un plaidoyer pour la monarchie héréditaire fut publié sur le site orléaniste officiel de La Couronne de Guy Adain, site aujourd'hui remplacé par Le Courrier Royal. Le professeur de philosophie Van Ommeslaeghe y déploie les arguments essentiels en faveur de cette transmission automatique et il serait présomptueux d'emplâtrer ses explications d'un commentaire qui l'alourdirait. Le voici meilleur que paru jadis :


fleurdelis

L’objection la plus courante à la royauté est la transmission héréditaire du pouvoir. Qu’est-ce qui assure que le fils aura les qualités du père, nous dit-on ? L’intelligence politique n’est pas inscrite dans les gènes. Imaginer cela serait aussi stupide que de croire qu’avoir fait l’ENA est un gage de cette intelligence politique. Si nous pensons que l’hérédité est une forme préférable de transmission du pouvoir, c’est pour trois raisons. Tout d’abord il s’agit de soustraire la désignation du chef de l’État à la discussion et à la contestation.

Blaise Pascal écrit : « Les choses du monde les plus déraisonnables deviennent les plus raisonnables à cause du dérèglement des hommes. Qu’y a-t-il de moins raisonnable que de choisir, pour gouverner un État, le premier fils d’une reine ? L’on ne choisit pas pour gouverner un bateau celui des voyageurs qui est de meilleure maison. Cette loi serait ridicule et injuste ; mais parce qu’ils le sont et le seront toujours, elle devient raisonnable et juste, car qui choisira-t-on ? Les plus vertueux et le plus habile ? Nous voilà incontinent aux mains, chacun prétendant être ce plus vertueux et ce plus habile. Attachons donc cette qualité à quelque chose d’incontestable. C’est le fils aîné du roi : cela est net, il n’y a point de dispute. La raison ne peut mieux faire, car la guerre civile* est le plus grand des maux.»

C’est que la contestation de la légitimité du chef de l’État n’affaiblit pas seulement celui-ci, mais affaiblit aussi l’État et donc le pays tout entier. La transmission héréditaire de cette charge résout cette question.
D’autres procédures, dira-t-on, la résolvent aussi. Le tirage au sort par exemple, que pratiquaient les Athéniens. Mais, il est un autre avantage que procure la transmission de père en fils, c’est l’amour filial. Un président de la république, quel que soit le temps qu’il occupe ce poste, n’est qu’un intérimaire qui laissera son siège à un étranger pour lui. Un roi passera le flambeau à son fils. Au premier, il faut beaucoup de vertu pour ne pas profiter, aux dépens de l’État, d’une situation de pouvoir précaire. Une telle vertu est rare. Au second, l’amour filial dictera d’embellir le patrimoine, l’État, qu’il léguera à son fils. Cet amour filial est répandu, plus que la vertu désintéressée dont un élu doit faire preuve. C’est que nous souhaitons tous transmettre à nos enfants un peu de notre œuvre sur terre, pour continuer à vivre grâce à eux, non pas biologiquement, mais spirituellement. C’est ainsi que l’homme peut atteindre l’immortalité, nous dit Platon, dans Le Banquet.

Ainsi, là où la République demande une vertu surhumaine, la Royauté fait fond sur la nature humaine. Reste qu’on peut objecter, sans doute, que tout cela ne garantit pas la compétence du roi. Bien sûr ! Pas plus que l’habileté à se faire élire, c’est-à-dire à plaire au peuple, n’est gage d’aptitude à le gouverner. Mais pour apprendre l’art politique, vaut-il mieux une école d’administration, l’apprentissage de la rhétorique ou l’exemple quotidien du gouvernement qu’un roi donne à son fils ? La connaissance des rouages de l’État est-elle meilleure lorsqu’elle est théorique ou lorsqu’elle découle d’une pratique quotidienne depuis l’enfance ? Dans tous tous les métiers on constate une forte transmission du père au fils. Pour les professions libérales, on conçoit que des questions financières entrent en jeu. Mais pour les cheminots, les artisans, les enseignants ? C’est que l’affection pour le père diffuse inévitablement sur le métier qu’il exerce ; que sa fréquentation dès l’enfance, l’exemple paternel, donnent de ce métier une connaissance qu’aucune école ne peut donner. Il n’en est pas autrement pour un fils de roi. Nul ne sait s’il sera compétent, mais son éducation, la fréquentation et l’exemple de son père, sont les meilleurs atouts pour qu’il le soit. L’apprentissage d’un roi commence dès la naissance.

Grâce à la transmission héréditaire de la couronne, on évite la contestation quant à la légitimité du roi ; on fait profiter L’État d’un sentiment humain répandu, l’amour filial, plutôt que d’exiger une vertu rare et difficile du chef de L’État ; on se donne toutes les chances pour que celui-ci soit le plus compétent possible.


Pierre Van Ommeslaeghe



Pr Van Ommeslaeghe


* la république électorale où luttent les factions rassemblées autour d'une majorité à 50% + epsilon est-elle autre chose que la guerre civile rampante de Pascal ?

6 commentaires:

  1. L'ermite du gave25 mai 2021 à 11:56

    Le problème, c'est que les monarques d'aujourd'hui ne gouvernent plus, ils délèguent à des gouvernants....élus!
    Alors, pourquoi pas le tirage au sort? Cela ne marche pas trop mal pour les assises. De plus, tous les politiques écrivent (ou plutôt font écrire) leurs mémoires dans lesquelles ils expliquent qu'ils n'ont pas fait grand chose car c'est l'administration qui gouverne le pays (un bon exemple nous a été donné par la Belgique en 2010/2011, 2014 et 2019).

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    1. Il y a plusieurs étages de gouvernement et à ma connaissance il y a un monarque qui gouverne par influence, c'est la reine de Danemark. Elle lance une protestation et dans les dix huit mois suivants les "choses" s'arrangent comme elle les a voulues. La reine d'Angleterre (moins maintenant avec l'âge) exerce un fonction coutumière de conseil en recevant chaque semaine son premier ministre qui est tenu de l'entendre jusqu'au bout.
      Mais la monarchie à instaurer doit prendre le régalien à bras le corps, laissant tout le reste à la dispute démocratique et aux assemblées élues.

      La "monarchie élective" établie par Charles de Gaulle avait vu sortir deux domaines du champ de compétences du premier ministre, sans changer la constitution : ce furent et c'est toujours, les affaires étrangère et les armées. Il avait bien compris le schmilblick.

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  2. "Attachons donc cette qualité à quelque chose d’incontestable. C’est le fils aîné du roi : cela est net, il n’y a point de dispute"
    Et si l'ainée est une fille?

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    1. Dans la monarchie traditionnelle française, seuls les fils étaient successibles. Il est moins sûr que soit rétablie cette monarchie traditionnelle dans tous ses codes. L'Espagne des Bourbons a abandonné ce particularisme français dit "loi salique" pour accueillir la fille aînée de don Felipe dans la fonction.

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  3. Ce Ommesmachin quel génie! Dans l'Au-delà il sera invité à la table des autres grands philosophes de la politique, Locke, Hobbes ou Rawls. Espérons pour lui qu'il en aura gardé sous la pédale...

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    1. "Van Ommeslaeghe" est un patronyme des Flandres françaises.

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