vendredi 14 mai 2021

Une cavale en commentaire

hautes Cévennes depuis les Plantiers


A moins de se prendre pour Sylvester Stallone dans First Blood, le tueur des Plantiers n'a aucune chance de traverser l'espace-temps de son crime et d'échapper à l'Etat lancé à sa poursuite. La traque menée avec des moyens colossaux - le général de corps d'armée de la Gendarmerie Browaëys dirige les opérations sur zone et chaque échelon veut son nom à l'affiche du dernier jour - pourrait bien aboutir sous quinzaine à la découverte du corps de Valentin Marcone, à demi rongé par les bêtes, dans une anfractuosité de la châtaigneraie. J'en demande pardon à son épouse.

Les hautes Cévennes offrent un habitat propice aux maquis, certes, mais la garantie d'y survivre n'y est offerte qu'à des groupes humains et pas à un homme seul, cerné de résidents hostiles et armés eux-aussi ; car le premier réflexe du pélucre, à l'annonce d'un tueur en fuite vers on ne sait où, est de graisser le calibre 12 et de sortir le chien. Oserons-nous dire que sur un territoire aussi coupé, fait de couvert par endroit très dense, les moyens héliportés sont inopérants, tout comme les patrouilles automobiles ? La carte Michelin est la n°80. Les sites remarquables sont d'ouest en est, la bosse du Mont Aigoual, la Corniche des Cévennes et la Vallée Française au-delà ; au sud, la zone de l'Asclier et la Montagne du Liron ; à l'est jusqu'à Anduze, le pays commence à être peuplé. Les zones vides (ouest et nord-ouest) au-delà de la zone patrouillée sont des causses pelés faciles à surveiller.

Le niveau de difficulté de la survie en zone d'insécurité augmente avec la satisfaction des besoins primaires. A moins d'avoir prémédité la constitution d'une base-vie au fin fond de la jungle avec vivres et munitions, les provisions s'épuisent, l'éveil et l'érection mentale diminuent. Impossible d'acquérir de la nourriture au fusil à cause de la détonation, sauf à avoir une carabine à air comprimé pour le lapin, sinon il faut être adroit à l'arbalète ou à l'arc de chasse, et cuire sa viande à feu discret. Il faut aussi de l'eau pour cuire les végétaux comestibles que les sangliers laisseront et ce n'est pas la saison des fruits ni des châtaignes. Aussi, à moins d'avoir fait le 13è Dragons, voire un vrai stage commando, il semble peu probable qu'un chasseur même suréquipé tienne longtemps la distance, surtout si sa psychomorphologie n'est pas favorable. En plus, d'avoir emporté un fusil à lunette signale aux poursuivants, non pas qu'ils sont des cibles à leur tour, mais que le prévenu est dans son "film". Une carabine longue à mouflon ne sert à rien dans cet espace.

Aux dernières nouvelles, le général de division Ott, commandant le groupement de Gendarmerie du Gard, réduit le pronostic à trois issues : (1) Marcone aurait percé l'encerclement ; (2) Il se serait supprimé en réalisant l'énormité de son geste ; (3) Il serait retranché dans la zone difficilement pénétrable de quinze kilomètres-carrés proche des Plantiers et attendrait un hypothétique assaut. Au quatrième jour de la traque, il apparaît que la Gendarmerie... ne sait rien ! S'il passe en Lozère, un troisième général arrivera au point de presse.

Ce billet a été retenu soixante-douze heures depuis le départ en cavale du tueur mardi 11 mai à 8h30, pour laisser à cette tragédie une conclusion favorable à la manifestation de la vérité et à la reddition du mis en cause, gardant à l'esprit son épouse, sa fillette et ses parents. De leur côté, les familles des deux victimes tuées sans raison apparente ont absolument besoin de comprendre.

Reste à connaître donc le motif immédiat du carnage à la scierie de M. Teissonnière et seul Marcone peut le donner. Pour le moment, dans la presse régionale, aucune thèse n'émerge sauf le pétage de plombs. Les chroniqueurs rebondiront sur les permis de détention d'arme délivrés à un chasseur/tireur sportif peut-être instable, ou plus que bizarre à ce qu'on dit au village où il avait multiplié les griefs à l'endroit des gens du coin. Bizarre, vous avez dit bizarre !

hautes Cévennes vers le Liron

Postscriptum libérateur :

Marcone s'est rendu ce vendredi soir à 19h25 au point de bouclage de Saint-Marcel de Fontfouillouse près de la vieille église, sur la commune des Plantiers, pas loin d'une piste que les chiens avaient marquée hier. Son bivouac venait d'être découvert ; poser les armes et venir tranquillement sur le chemin à la rencontre des gendarmes était la seule chose intelligente à faire.
Tout finit toujours par s'arranger, même mal ! (proverbe cévenol)
Avec un bon avocat, il prendra vingt ans et verra sa fille grandir. Luc Teissonnière (55 ans) et Martial Guerrin (32 ans) ont pris plus cher !

3 commentaires:

  1. J'aurais plutôt intitulé l'article " le tueur en scierie"....

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    1. Je n'ai pas osé. C'est ma zone d'origine en plus.

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  2. Les informations données par les enquêteurs dévoilent un homme jeune qui ne supporte aucune injustice (c'est pathologique, m'a-t-on dit) et qui se méfiaient des autres habitants au point de se sentir menacé dans sa vie ! Connaissant un peu les moeurs cévenoles, je souhaite que le juge d'instruction creuse aussi l'environnement du drame, qui pourrait faire un fameux roman.

    Pour le reste, il est apparu une fois encore que le niveau journalistique du Midi Libre (source unique d'information après le drame de la scierie) est toujours aussi bas et que remplir la colonne blanche passe avant tout par n'importe quoi. Trois exemples :
    - Aucun journaliste n'a cherché à savoir quel était ce fusil à lunette si terrible et précis à 300m, si c'était une arme de chasse ou à double usage.
    - La misère rédactionnelle nous montre aujourd'hui une anfractuosité dans la châtaigneraie qui serait un "trou à sanglier" (sic). En français c'est une bauge ! Et l'image a été achetée à BFMTV puisqu'ils n'ont pas de photographe à Montpellier.
    - Pour meubler la traque et faute de goût pour l'investigation, Midi Libre avait pris l'avis d'un certain Marc Reinhardt, guide de montagne et "spécialiste de la survie" qui dirige des stages pour citadins allumés, lequel a donné à Marcone une chance de plusieurs semaines ! (là).

    La tuerie des Plantiers était l'affaire du mois et la rédaction de Montpellier n'a pas su quoi en faire. Toutes les informations me sont apparues vagues à la limite de l'insinuation, peu de factuel, pas de curiosité, pas de contact avec les habitants, le journal en remorque de la Gendarmerie.

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