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Retour au Reich !

Olaf Scholz
Les élections fédérales allemandes auront lieu le 26 septembre 2021 afin de renouveler le Bundestag. À l'issue de ces élections débutera la XXè législature de la RFA qui travaillera à former une coalition de gouvernement. Le favori est l'actuel ministre socialiste des Finances fédérales Olaf Scholz (SPD) devant Armin Laschet de la CDU. Mais nous venons ici aujourd'hui non pour le pronostic électoral (il y a un million d'analyses disponibles) mais pour le bilan d'Angela Merkel, chancelière à Berlin depuis presque seize ans.

Angela Merkel, ancien cadre moyen du KPD d'Allemagne de l'Est, est le prodige qui a achevé la rédemption de l'Allemagne d'après-guerre, après deux révolutions intérieures que furent la réunification à marche forcée du chancelier Kohl et les lois Hartz d'assainissement des comptes sociaux du chancelier Schröder. Reprenant le lourd flambeau de ses prédecesseurs, elle aura porté l'Allemagne au rang politique que lui autorise son économie, la première d'Europe et de loin, économie adossée à des comptes publics dans le bleu et une balance commerciale structurellement excédentaire sans exportation d'hydrocarbures. Mais d'autres pays de l'Europe sérieuse y parviennent aussi (Danemark, Irlande, Suède, Suisse), et même l'Italie rieuse ! Les pays pétroliers (Russie, Pays-Bas, Norvège) sont un cas à part.

Ce majorat indiscutable de l'Allemagne a permis à Angela Merkel de placer à la tête de la Commission européenne, une femme politique (qui encombrait le gouvernement par son dilettantisme) Ursula von der Leyen, et d'avoir le dernier mot au Conseil. Rien ne se fera plus en Europe sans le consentement explicite de la Chancellerie du Reich. A preuve s'il en fallait, l'achèvement du gazoduc germano-russe Nord-Stream 2, vilipendé par la Pologne, la Slovaquie, l'Ukraine et les Etats-Unis, à nul effet.

Il est difficile de trier dans les déclarations d'Olaf Scholz celles qui relèvent des propos de campagne et celles qui révèlent ses convictions. Mais au dernier débat à trois, il a clairement exprimé son engagement atlantique et européen, comme pour signifier au parti Die Linke qu'il lui faudrait, pour entrer dans une coalition gouvernementale, franchir les fourches caudines de l'OTAN et d'une Europe fédéralisée. C'est par l'Europe qu'il faut commencer.

UE

Depuis le départ des Britanniques, les pays de l'Union européenne ont accepté que l'Allemagne soit leur pays leader, n'en déplaise à la France en haillons Armani. La politique de consensus d'Angela Merkel, qui a permis de rebâtir la puissance allemande, va s'avérer décalée face aux défis du moment que sont la crise sanitaire, le dérèglement climatique, le réchauffement planétaire et l'affrontement géopolitique à quatre : Etats-Unis - Europe - Russie - Chine populaire. Des décisions doivent être prises par l'Allemagne au sein des institutions européennes, et il sera intéressant de voir comment le nouveau chancelier gèrera l'opposition d'une France déclassée dans ce rôle par tous ses voisins (source), laquelle va prendre la présidence tournante du Conseil au 1er janvier 2022, en pleine campagne électorale de M. Macron (on a fait plus simple). Quel que soit le chancelier à Berlin, ce sera difficile pour nous, tant nous sommes moqués pour la gabegie éhontée que nos gouvernements successifs ont déployé sur ce que le monde considère comme le plus beau pays du monde. Le Miquet à la houppe de l'Elysée va à Bruxelles collectionner les vents. Mon petit doigt me dit que Sa Suffisance ne s'y attend pas ! Venons-en à la question atlantique.

OTAN

La situation de crise au sein de l'OTAN n'a pas évolué et Angela Merkel n'a pas profité des objurgations de Donald Trump pour détendre voire rompre la laisse. Pragmatiques, les Allemands considèrent que le volet militaire (NATO) de l'organisation reste l'outil le plus efficace à tenir à distance tout adversaire éventuel. La chimère afghane ayant cessé - l'Allemagne y avait beaucoup investi - le nouveau chancelier sera tenté de ramener l'Alliance sur ses bases d'Europe occidentale (Baltique, Mer du Nord, Manche, Atlantique) tout en protégeant son dialogue spécial avec le Kremlin et la Chine populaire. C'est peu dire que le tropisme post-colonial français l'indisposera, comme l'a montré Angela Merkel en refusant sèchement de contribuer en hommes à la force Takouba au Sahel. Pour elle, ce n'était qu'un second pied dans le même sable mouvant ! Il faut dire que les centaines d'instructeurs teutons au Mali ont dû lui faire remonter l'info : il n'existera pas d'armée africaine capable de vaincre à la fois le Djihad et les rebelles.
Le Kremlin acceptera-t-il les bornes que posera le nouveau chancelier ? Il y a va de son intérêt au moment où s'effrite la popularité de Vladimir Poutine que les Russes ont trop vu, en même temps qu'il s'enlise en Syrie et au Donbass. Le commerce est-européen avec l'atout gazier et le développement de l'enclave de Kaliningrad est la bonne ouverture. Le comprend-il ? A mon avis, non.

L'autre souci allemand est Washington, mais Joe Biden a bien vu la ligne rouge du Nord-Stream 2. L'Allemagne activant son influence européenne peut créer beaucoup de problèmes en sous-main aux Etats-Unis, mais les analyses manquent outre-Atlantique pour s'en persuader, et la Chine a envahi tout le temps de cerveau disponible.
Le plus triste est de voir la France en remorque maintenant de son principal concurrent mais quarante ans de bêtises et de lâcheté ne pouvaient nous hisser bien haut. Nous ne pouvons que nous en prendre au système politique de couardise et précautions auquel nous avons partout laissé la main. Pierre Laval se tord de rire dans sa tombe.

Commentaires

  1. Faire le point sur l'Allemagne merkelienne passe aussi par l'Institut Montaigne (clic)

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  2. le sondage du guardian dont vous mettez le lien est marrant: En cas d'élections pour un président de l'UE entre Merkel et Macron, ce dernier serait perdant dans tous les pays, et même en France il arriverait second (34 contre 20) . Il ferait même un meilleur score en Hongrie. Vu comment s'annoncent nos élections de 2022 avec ce cumul rare de candidats compétents, on n'a pas fini de passer pour des baltringues. A noter que les Autrichiens sont mauvais joueurs: la perspective d'un président allemand n'a pas l'air de les enthousiasmer!

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    1. Il faut dire que le style "Justin Trudeau" a de quoi faire rire, ou inquiéter.

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  3. La coalition probable SPD+Verts+FDP va ramener la rigueur dans l'Europe rieuse dont nous sommes les leaders. Après la terrible déception américaine, puis britannique, M. Macron va goûter à la déception teutonique. C'est beaucoup pour un seul homme qui gouverne seul !

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