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Il n'y a que la vérité qui blesse

caricature Dilem

Un vrai pays de l'Est, comme il n'en existe plus !

Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Nous en avons le parfait exemple avec les réactions algériennes aux propos non démentis d'Emmanuel Macron à l'endroit du pouvoir. S'entendre traiter de rentiers mémoriels en même temps qu'on met en doute l'existence d'une "nation" algérienne avant la Conquête, juste avant de couper les visas des élites politiques du pays, a de quoi déclencher une forte poussée d'urticaire chez le gouvernement d'Alger. Devant une petite vingtaine d'étudiants "algériens" de SciencesPo ayant analysé le rapport de Benjamin Stora en groupe de travail, M. Macron a sorti ce qu'il avait sur le cœur sans avoir besoin de prompteur. Ce n'est pas fortuit. Le Monde diffuse le verbatim présidentiel auprès de ses abonnés en cliquant par ici.

Le pouvoir algérien fut de tout temps crispé, soupçonneux, malhabile, tant vis à vis de ses deux voisins que de la France. Comme s'il n'arrivait jamais à s'assumer complètement en dehors des disputes qu'il crée lui-même. On croirait qu'il ne vit vraiment, mais sans jamais se réaliser, que des oppositions qu'il rencontre, qu'elles soient réelles ou fabulées. Il faut dire qu'atteindre la ligne des soixante ans d'indépendance dans l'état général de calamités qu'il affronte a de quoi faire craindre le goudron et les plumes du tricheur invétéré. Rappeler son ambassadeur à Paris, fermer l'espace aérien à l'armée de l'air française, qui guerroie au sud du Sahara pour aussi protéger l'Algérie, mesure le degré d'amateurisme qui a toujours présidé aux grandes décisions.

Emmanuel Macron avait pourtant bien commencé. "Crime contre l'humanité", renvoi de crânes d'insurgés du XIXè siècle, reconnaissance d'exactions pendant les événements, rapport Stora bienveillant... rien n'a jamais satisfait Alger qui en demande toujours plus, toujours plus pour justement cimenter le fameux roman d'une histoire reconstruite. M. Macron, qui n'est pas un perdreau de l'année, doit être particulièrement excédé de la ruse algérienne en toutes affaires pour avoir décidé de se lâcher. Les dirigeants et les chefs du parti institutionnel auraient dû se couvrir la tête de cendres pour la honte d'avoir fait passer la population d'origine algérienne en France de 350.000 personnes en 1962 à quatre millions aujourd'hui ! Aujourd'hui, que demande le peuple comme le dessine Dilem ? Des visas pour foutre le camp !

Que les propos de M. Macron soient bienvenus et parfaitement fondés n'apaise en rien la prospective très pessimiste d'un collapsus de l'Etat confronté à des défis surhumains, jamais anticipés quand ils ne sont pas simplement niés par la propagande. Monoculture pétrolière mettant en péril l'économie de base du pays et sa balance commerciale, Etat corrompu jusqu'à la moelle et faible niveau des autorités locales, démographie non gérée alors que les soupapes de décharge en Europe vont se fermer, chômage galopant impossible à régler dans les rigidités planifiées, dérèglement climatique sévère pour un pays menacé par le Sahara, entraves multiformes à toute initiative non déclarée ; un vrai pays de l'Est, comme il n'en existe plus ! Cette litanie des problèmes insurmontables n'est compensée par aucune embellie. Où que vous regardiez, l'horizon est bouché comme les frontières terrestres. C'est pour celà que, dans les think tanks stratégiques, l'Algérie est une bombe à retardement dont on ne sait la longueur de mèche ; sauf qu'elle est déjà allumée. Une population de quarante-quatre millions d'habitants peut du jour au lendemain se retrouver livrée à elle-même. On a vu les effets des chaos irakien, libyen et syrien. On va sentir ceux du chaos afghan. Quid du chaos algérien annoncé ? Chacun peut se faire le film.

Commentaires

  1. Le dernier clou dans le cercueil du roman national algérien est planté par Kamel Daoud dans le journal d'Alger Liberté. Extrait :
    Pourquoi c’est la France qui nous unit dans la réaction et c’est l’Algérie qui nous divise dans l’action ? Autant de questions que le courage aurait dû nous imposer, mais que la lâcheté face au présent nous fait fuir. Car, qu’importe ce que dit Macron si nous étions confiants en nous-mêmes et que nos certitudes n’étaient pas que de rageurs enthousiasmes ? C’est justement ce qui humilie : voir l’islamiste user des mêmes postures que le laïc, le démocrate, l’opposant, l’homme du “Régime”, pour croire trouver une union sacrée, du sens dans un remake lassant de la guerre de libération imaginaire. Voilà où nous en sommes au final, à dépendre de l’autre pour trouver du sens à ce que nous sommes.
    (l'article en entier)

    Et l'éditorialiste Hassane Ouali d'en remettre un coup dans le même journal. Extrait :
    {...]face à “l’agression” française, les Algériens, collectivement, se dressent solidement et brandissent à l’unisson l’étendard de Massinissa et de sa nation numide. Mais une fois la menace passée, nous retombons vite dans le déni de soi. L’Algérie redevient vite exclusivement arabe et l’évocation de Jugurtha est considérée comme ringarde. Il se trouve que parmi les défenseurs zélés d’aujourd’hui d’une nation algérienne millénaire, beaucoup sont ceux qui, ces dernières années, n’ont pas cessé de jeter l’opprobre sur ce passé immémorial glorifié[...]
    (l'éditorial)

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