lundi 20 décembre 2021

Yule avant Noël

Exaltation de Yule

C'est un conte attesté par Les Miracles de saint Amans de Rodez en Rouergue qui narre la colère du premier évêque sur le piton à devoir supporter à date fixe les libations et autres orgies des abominables Rutènes, en un endroit sacré dédié à la déesse de l'amour, Ruth, sous vos applaudissements. A la rivière Awaar qui contourne les levées naturelles du pays et l'oppidum, il était une fois un pont de madriers desservant l'ancienne voie romaine de Flavin (raccordée à la Route des Rutènes vers Millau), amorcée dans la pente d'une grande châtaigneraie où trônait depuis toujours la statue païenne. Les blonds Rutènes, qui ne coupaient pas leur vin à la romaine mais le buvaient pur, avaient coutume d'y célébrer les fêtes agraires et solsticiennes aux flambeaux, après lesquelles la forêt propice au recueillement abritait les ébats coupables de couples mariés mais pas ensemble, au grand dam de la castration mystique qui ambitionnait d'asservir leurs âmes. Il n'est pas sûr que les saturnales débridées de l'Empire occupant n'aient pas réveillé un fonds plus ancien de réjouissances chez le peuple paillard.

Amans dont on a perdu les origines mais pas l'extraordinaire challenge d'évangéliser pareilles bêtes, descendit au pont par un soir de tonnerre et, menaçant l'idole de la crosse épiscopale, dirigea la foudre en plein sur la statue ! Elle fut brisée en deux parties. Les clercs prirent le chef comme trophée, les Rutènes hébétés par l'impact versèrent le tronc à la rivière qui était là profonde. On était au quatrième siècle de notre ère. La tête de grès fut conservée à l'évêché jusqu'au XVIè siècle quand, à la construction de la tour nord-occidentale de la cathédrale, on décida de l'incruster dans une niche du mur, assez haute quand même pour éviter les offrandes à l'idole vaincue. La pluie a érodé le grès mais elle y est toujours.

Le lieu-dit du miracle s'appelle "Layoule", ce que d'aucuns savants traduisent par "le lieu de l'idole". Il est peu probable que le toponyme désigne la fête nordique Yule, quoiqu'on soupçonne cette race capude d'être venue de la Bavière actuelle à l'âge du fer, emportant dans ses chariots ses idoles et son calendrier. Notons que le diocèse des Rutènes (Diœcesis Ruthenensis) et toutes les commanderies, domeries, abbayes du territoire entre Tarn et Truyère ont toujours appartenu au Nord, l'évêque répondant jadis à la province de Bourges. Quoique finalement et tout bien considéré, de Yule, La Youle, ça le fait, non ?

pont de Layoule
Au lieu du crime !


[1991°]

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