lundi 6 décembre 2021

Zemmour aux Ecuries d'Augias

Le meeting de Villepinte fut un succès technique et politique pour le candidat Zemmour, y compris la râclée donnée aux agitateurs de la gauche encore active venus mettre le binz pour faire des images à colporter ! Le bretteur des plateaux est devenu un candidat présidentiable et un tribun, au costard coupé grand certes, mais c'est la loi du genre. Deux choses aujourd'hui, le défi, le programme.

En cas de victoire, le défi du président Zemmour sera d'affronter l'Etat de gauche. Depuis le gouvernement provisoire de 1945, la Gauche a investi l'Education nationale, les universités, plus généralement la fonction publique au niveau des cadres A et le service public d'émission. On entendra parler de troisième tour en boucle, la Gauche n'acceptant de victoires que les siennes. Que le peuple - ce fantôme, aurait dit Proudhon - choisisse son maître à droite qu'il ne sera déjà plus le peuple. Pour la Gauche, le "peuple souverain" est toujours celui qui défile de la Bastille à la Nation. Et ne parlons pas des ligues anti-fachistes qui naîtront du premier tour de l'élection présidentielle si Zemmour vire en second ou en tête. On a vu en 2002 se lever le rideau de fer contre Jean-Marie Le Pen. La "guerre civile" dont certains parlent tout le temps n'est-elle pas celle qu'ils aimeraient provoquer, si bien sûr d'autres qu'eux-mêmes se chargent d'y combattre.

Pour arriver jusque-là, il faudra aussi vaincre l'Etat profond qui va se mettre en branle aussi vite que monteront les sondages en faveur d'Eric Zemmour. Et les coups de ce bord ne peuvent être rendus, on le sait depuis l'accident de moto. La liberté d'opinion qui sévit dans notre petite Union soviétique nous interdit de développer. Du programme qui émerge lentement, rien ne me choque, mais il y manque le Guantanamo chiottien à la française. On peut en discuter sans tabou. Un exemple : le royaume de Danemark, peuplé de seulement cinq millions trois cent mille Danes, est plus sensible à la submersion démographique que d'autres. Il a parqué depuis 2018 les migrants indésirables et autres étrangers douteux sur l'île de Lindholm (source) en attendant leur expulsion. A noter en passant que c'est la reine elle-même qui, dans un discours remarqué en Europe et à Bruxelles plus encore, avait demandé en 2016 au gouvernement de durcir les conditions d'accès au royaume, et aux immigrés acceptés de se fondre dans la masse s'ils voulaient rester au pays (source).

Eric Zemmour

Le seul point de divergence entre Royal-Artillerie et M. Zemmour, mais il s'en remettra, est le retrait du commandement intégré de l'OTAN. Nous ne revenons pas sur l'intérêt d'en être, Sarkozy l'avait bien vu et ce blogue en a déjà parlé, mais sur la posture corne-cul gaullienne d'en être sans y être. En 1966, au motif d'une indépendance diplomatique et militaire adossée à la bombe atomique française, le président Charles de Gaulle sortit du commandement intégré, et la France paya le déménagement des forces atlantiques déployées sur son territoire (sauf pour trois agences industrielles où elle trouvait son avantage). Mais de préciser aussitôt que nous restions de fidèles alliés dans l'Alliance atlantique, dont l'article 5 est la cheville ouvrière. Supercherie gaullienne de plus ! Les accords Ailleret-Lemnitzer retiraient déjà nos troupes du front de Bohème. Nos partenaires occidentaux n'ont jamais accepté cette participation à la carte, un pied dedans, un pied dehors, d'autant que l'espace géographique français renationalisé diminuait considérablement les arrières du théâtre d'opérations. Tous les exercices OTAN postérieurs à cette décision furent dédoublés pour tenir compte de l'hypothèque du « French Denial », ce qui signifiait à tous que l'allié n'en était pas un, à quelqu'article du pacte qu'on se réfère. Et les dirigeants français ont accepté dans tous les exercices OTAN les deux hypothèses, signifiant s'il en était besoin, qu'ils ne viendraient pas automatiquement dans un conflit eu Europe occidentale. Cette félonie est encore présente dans les esprits anglo-saxons qui ont vécu cette époque.

Depuis 1966, l'OTAN a beaucoup changé, et depuis 2003 les Etats-Unis ne convoquent plus leurs alliés. Les pays guerriers sont désormais en Europe orientale et la profondeur de champ française est moins importante même si elle compte. On se battra sur la Baltique au lieu de reculer derrière l'Elbe. Il n'est pas sûr que les alliés acceptent à nouveau notre retrait du commandement intégré de concert avec la réassurance de notre implication dans l'Alliance. Beaucoup de pays pouraient exiger qu'on nous foute dehors carrément pour ne pas compliquer plus encore la stratégie européenne. Et nous serions seuls ! Complètement seuls. Je ne sais jusqu'où Eric Zemmour a creusé la question atlantique ou s'il a seulement repris une posture gaullienne qui lui fabrique l'image de l'homme de Londres. Il faudra cependant qu'il comprenne que le retrait du SHAPE ne sera pas une décision ponctuelle mais l'allumage d'une mèche lente qui va courir très loin, depuis nos usines d'armement jusqu'à nos outremers sans doute. Surtout s'il y ajoute des grâces envers le pouvoir poutinien et une certaine compréhension de la famille Assad. Il aura créé dix fois plus de problèmes avec ce retrait qu'il n'avait d'avantages à en retirer. Résumons-nous, soit nous discutons avec l'administration Biden-Harris d'un meilleur réglage de l'intégration militaire (avec les collatéraux de l'industrie stratégique européenne), comme le font Macron, Le Drian et Parly, soit nous coupons le cordon et essayons de survivre à notre isolement... en doublant le budget de la défense nationale par transfert de crédits sociaux. Vais-je adresser l'argument au directeur de campagne ?

Brisons là. A Villepinte hier, le portrait de Macron était saisissant de cruauté mais assez fidèle. Nous nous autorisons à le replacer en conclusion, au prononcé sans les effets de manche :

« En 2022 ce n'est pas seulement la personne d'Emmanuel Macron que nous allons vaincre, mais mieux, son idéologie, ce système dont il est le porte-drapeau, le porte-parole et l'exécutant. La personne Emmanuel Macron ne nous intéresse pas parce qu’elle est fondamentalement inintéressante. Trouvez-moi un seul Français qui puisse expliquer la pensée d’Emmanuel Macron. Un seul ! Il n’y en a aucun, pas même lui. Personne ne sait qui il est parce qu’il est personne. Derrière le masque de la parfaite intelligence technocratique, derrière la montagne d'idées superficielles, derrière les slogans contradictoires, derrière le "en-même-temps" synonyme de désordre et le "quoiqu'il-en-coûte" synonyme de ruine, il n'y a personne, il n'y a rien ! Macron a vidé de leur substance notre économie, notre identité, notre culture, notre liberté, notre énergie, nos espoirs, nos existences, il a tout vidé parce qu'il est à lui tout seul le grand vide, le gouffre. En 2017 la France a élu le néant et elle est tombée dedans. Mes amis, il est temps de sortir notre pays et notre peuple de ce puits sans fond. Nous laisserons dans sa vitrine ce mannequin de plastique, cet automate qui erre dans un labyrinthe de miroirs, ce masque sans visage qui défigure le nôtre. Nous laisserons cet adolescent se chercher éternellement. Oui, laissons-le, avec son obsession pour lui-même.»


A partir de maintenant, le candidat Zemmour doit observer attentivement la couleur des feux de trafic avant de s'engager sur un passage-piétons. Notons que la course à l'audience a fait retransmettre tout le discours de Villepinte sur les chaînes d'info en continu. Pareillement pour Mélenchon à la Défense qui le précédait. En feront-ils autant pour le meeting d'Anne Hidalgo le 12 décembre à Perpignan ? Ne pas se moquer !


[1989°]

5 commentaires:

  1. Le point de divergence sur l'Otan n'est quand même pas mineur, comme le montre votre pénultième billet à ce jour au sujet entre autres de la menace russe sur l'Ukraine. Le tropisme poutinien de Zemmour ne fait pas de doute. Et va bien au-delà de l'image de montagnes russes (sic) censée illustrer le patrimoine naturel... français à sauver, de son clip d'entrée en campagne (voir l'article des Helvètes du Matin d'il y a 5 jours). Or ce tropisme poutinien est un tropisme tchékiste. Vladimir n'a jamais caché sa fierté d'avoir appartenu à cette organisation ni sa volonté de restaurer l'URSS, la Tchéka dans cette restauration prenant seulement la place du Parti qui lui avait donné naissance. La date du 20 décembre (7 décembre du calendrier julien en 1917) reste d'ailleurs en Russie aujourd'hui celle de la fête des travailleurs du FSB après avoir été jusqu'en 1992 celle des valeureux Tchékistes (les historiens devront un jour travailler sur la façon dont la Tchéka a su traverser les années 1990 sans sombrer corps est bien ou presque, à la différence du PCUS, mais les archives évidemment ne sont pas près d'êtres ouvertes). Une Tchéka qui bénéficie désormais de toutes les techniques d'intelligence artificielle. En 1981, Mitterrand avait dû rassurer Reagan inquiet de la nomination de ministres communistes en France. L'affaire Farewell lui en avait donné une occasion tangible. Une victoire de Zemmour serait bien plus inquiétante pour nos alliés, son loyalisme étant bien plus douteux que celui de Mitterrand sur ce point.

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    1. Je vous remercie d'abord de votre commentaire développé.
      Je ne crois pas qu'Eric Zemmour ait réellement bossé la question atlantique. "Le retrait du commandement intégré" est pavlovien à l'extrême-droite comme à l'extrême-gauche, et quand on leur demande pourquoi, aux royalistes par exemple, leurs motifs signalent qu'ils ne connaissent pas le sujet.

      Le pouvoir poutinien est dangereux parce que l'équipe au Kremlin a bloqué pas mal de ballons visant sa cage mais n'a marqué aucun but en face. Il y a du dépit, bien masqué. Le défi de l'industrialisation du seul pays au monde ayant toutes les matières premières à disposition chez lui est manqué, parce qu'intellectuellement les "gens de la Forêt" que vous, vous appelez tchékistes, sont limités, incapables de concevoir cette transformation. Ca les rend agressifs parce qu'ils ne savent rien faire sans utiliser la force, et qu'ils n'apprennent rien de leurs échecs. Trente ans pour obtenir le Pib de l'Italie !

      Si Zemmour ouvre un dialogue avec ces types, il comprendra vite que ce ne sont pas des partenaires sérieux, mais des brutes, ce qui ne veut pas dire que dans le futur, la Fédération de Russie ne puisse devenir un allié privilégié de la France dans plusieurs domaines car le courant passe entre les peuples russes et français, mais sans les tchékistes !

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  2. Je fais un rêve: E. Zemmour au deuxième tour avec Macron et donc un (ou deux) débat de niveau quant au futur immédiat de notre pays.
    Je cauchemarde: le même Macron, échangeant à travers un langage poli, des banalités creuses etconvenues avec V. Pécresse.

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    1. Même si ça peut surprendre, je préfèrerais la dialectique calme et posée mais très efficace d'Eric Ciotti à la véhémence compilatoire d'Eric Zemmour poussée jusqu'à l'injure. Le débat y gagnerait en clarté et dignité, mais "les jeux sont faits - rie ne va plus !" et la roulette tourne :
      La démocratie produira comme d'habitude des banalités creuses et convenues.

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  3. On fera son profit de la critique du meeting de Villepinte par Frédéric Saint Clair dans la Revue politique et parlementaire.
    C.

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