mercredi 30 mars 2022

Faits, méfaits et allégations

Toutes les guerres commencent par un mort, un premier mort, et il a partout le même nom dans toutes les langues du monde ; il s'appelle "Vérité". Ainsi l'avait dit Kipling au petit Mowgli autour d'un feu de camp au fond de la jungle.
Dans l'affaire d'Ukraine il faut toujours garder ce proverbe à l'esprit, sans qu'il ne doive empêcher non plus de comprendre la situation à l'aune des allégations fournies par les parties en conflit. Un gros mensonge en dit souvent autant qu'une simple vérité. Mais ça demande plus de temps d'analyse que n'en ont à leur guise les experts et autres professionnels de la guerre qui hantent les plateaux télévisés. Méfions-nous donc de l'assurance platronnée par les intervenants. Les meilleurs sont parfois timides.

Tout le monde s'est royalement trompé depuis le sur-bluff initial de Vladimir Poutine qui éludait toute invasion, jusqu'au pessimisme affiché du CEMA Burkhard donnant il y a quinze jours, quinze jours justement aux forces ukrainiennes pour capituler ; lequel pronostic était repris en boucle sur la piste aux étoiles des commentateurs en 2ème section. Bon, on ne va y passer tout cet article non plus.

Dans ce combat contre la vérité il y a les justifications historiques de la russification de l'Ukraine pour endosser les discours de Poutine niant toute originalité à cet "assemblage" de pays issus des partages européens et de la guerre froide. S'y mêle l'Orthodoxie, tout un roman ! Des conférenciers ou éditorialistes de notre bord ont acheté la boîte à outils historiques du Kremlin parce qu'elle instrumentalise l'histoire à l'explication de la situation présente qui s'oppose à la logique découlant de la saccade d'événements antérieurs voire carrément anciens. Il ne laisse de m'étonner que nos penseurs ait gobé si facilement les reconstructions historiques d'un dirigeant, à la limite inculte, sans creuser un peu plus sous le vernis de la propagande. Chaque lecteur les reconnaîtra sans qu'il soit besoin de les nommer. Sauf qu'une fois encore leurs savantes conclusions croisent à angle droit les réalités du terrain. Et plus que toutes autres, la nation niée mais précipitée en bloc par la guerre ! Que vient faire la Galicie polonaise reprise par l'Autriche dans la schmilblick de 2022 ? la fondation du port d'Odessa par Catherine II quand la ville fut dépeuplée plusieurs fois et la dernière de tous ses juifs ? Les appartenances territoriales du passé ne sont pas pertinentes tant les populations ont été brassées, tuées, rebrassées en ces contrées. A l'exception aujourd'hui de la municipalité fédérale de Sébastopol et des enclaves russes sur la côte du Donbass (les Russes y remplaçant jadis les Ukrainiens morts de famine, et à nouveau en 2014 vidées des derniers Ukrainiens de souche) toutes les villes sont passées à l'Ukraine, même les villes russophones de Kharkiv (quatre fois détruite dans le passé), Marioupol et Odessa. Et les petits bleds partout, même indécis au départ de la crise, ont rallié rapidement la Résistance, toujours derrière leur maire, quel que soit l'idiome employé au marché du coin. Il faut dire que l'animosité criminelle déployée par l'Union soviétique en Ukraine est facilement remontée des profondeurs de l'histoire à force de bombardements russes. Subitement, on se souvint des contes de la veillée parlant des horreurs d'avant-guerre ! Parlant de l'holodomor !

S'il est un match dans le match que l'Ukraine a gagné c'est celui de la communication, et ce, grâce au président Volodymyr Zelensky dans le rôle de sa vie, comme au maire de Kyiv, Vitali Klitschko dans le combat de ring de sa vie. Comme quoi, l'Ecole de Guerre n'est pas l'alpha et l'omega de la capacité à vaincre : un peu d'intelligence, un peu de résilience mentale ne nuit pas. Le pays en ce moment a la chance de les avoir ! Mais ne laissons pas croire que la communication du Kremlin a échoué en Russie : le peuple adhère à la fable de la menace de destruction des Russes par l'Occident diabolique.

table de négociation Istanbul

Que penser de l'échange de bons procédés entre les délégations russe et ukrainienne à Istanbul ? On se souvient des trains de blindés russes remontant soi-disant vers leurs casernes d'origine avant que ne soit lancé l'assaut vers le Sud avec d'autres. On imagine les mêmes colonnes blindées quittant leurs position retranchées autour de Kyiv et faire demi-tour, s'il ne s'agit pas de la relève de la garde par des unités recomplétées et réinstruites. La Vérité a la chance de disposer d'un réseau satellitaire de renseignement qui compte les points et les compare à ceux échangés sur le tapis vert d'Istanbul. Tenons-nous en aux faits et ne conjecturons pas plus que de raison. Poutine ne peut pas faire la paix à son détriment. Ça le tuerait ! Mais il est une hypothèse crédible : les pouparlers de paix, s'ils sont connus des unités élementaires russes, vont déclencher une certaine inappétence au combat de l'infanterie russe chez laquelle nul ne voudra jouer le rôle du dernier mort avant clairon de l'armistice.
On parlera bientôt de la neutralisation stratégique garantie de l'Ukraine telle que la propose Kyiv.

1 commentaire:

  1. A la question de choisir son camp, un certain Philippot a répondu sur une chaîne télé qu'il choisissait le camp de la paix et qu'il ne fallait donc pas armer une partie contre l'autre. En français facile cela revient à opter pour l'écrasement définitif des Ukrainiens afin d'obtenir la paix des cimetières. Ce monsieur Philippot est une crapule.

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