Appelé par le Sud pour "affaires vous concernant" j'ai meublé mon voyage de l'inédit posthume de Louis-Ferdinand Céline dont toute la presse a parlé : "Guerre". La quatrième de couverture de Gallimard en est un bon résumé. Elle dispensera aux nécessiteux d'acquérir l'ouvrage au prix mirobolant de 19 euros, mais permettra de tenir le crachoir intelligemment lors du prochain dîner de la Préfecture. La voici à titre gracieux :
Parce que mon grand-père, descendu au Col du Bonhomme en août 14, subissait au pied des Vosges la même séquence de l'ambulance, tel qu'on nommait les hôpitaux provisoires de campagne, j'ai acheté ce livre, attendant un récit pour soi-même d'une période douloureuse, récit désencombré de l'ordure dont Céline se fit une spécialité, mais tout de même enlevé et plutôt provoquant. Hélas, sa gouaille fameuse dans l'insulte-comme-un-art, est toute là, à nous décrire heurs et malheurs du lâcher de salopes sur Hazebrouck. Le plaisir de l'auteur dans l'emploi de mots crades, de jurons, d'injures salaces est tout entier, mais malgré ratures et repentirs, on sent l'ouvrage en cours, ni poli, ni fini, à juger finalement la démarche des éditeurs foutrement déloyale !
A quel motif s'arroge-t-on le droit de publier le travail en chantier d'un auteur disparu qui, en 1934, jugeait l'ouvrage inachevé - un mauvais livre cochon - pour le remettre déjà à son éditeur ? Certes, on viole les tombes antiques au prétexte de "connaître" l'histoire de civilisations disparues et les Anglais eurent des moulins à momies pour engraisser leurs champs. Faut pas gâcher ! Souvent les ayant-droits poussent au crime pour faire de la monnaie sur le génie familial qui, de son vivant parfois, les en avait privés pour des caprices personnels ou pour des "créatures" finalement moins chères, comme disait Sacha Guitry. Le dernier ayant-droit de Céline fut sa veuve Lucette, décédée, criblée de dettes en 2019. En remontant les ascendances, sans doute en a-t-on trouvé d'autres, affamés.
La liberté d'un auteur, surtout célèbre, est de disposer à sa guise de ses propres travaux d'écriture. Le piller après sa mort pour du fric est immoral, surtout dans l'inachevé, et doublement quand sa bibliographie suffit, ô combien dans ce cas, à la gloire planétaire de l'auteur. N'achetez pas !
Parmi les manuscrits de Louis-Ferdinand Céline récemment retrouvés figurait une liasse de deux cent cinquante feuillets révélant un roman dont l’action se situe dans les Flandres durant la Grande Guerre. Avec la transcription de ce manuscrit de premier jet, écrit quelque deux ans après la parution de Voyage au bout de la nuit (1932), une pièce capitale de l’œuvre de l’écrivain est mise au jour. Car Céline, entre récit autobiographique et œuvre d’imagination, y lève le voile sur l’expérience centrale de son existence : le traumatisme physique et moral du front, dans l’« abattoir international en folie ». On y suit la convalescence du brigadier Ferdinand depuis le moment où, gravement blessé, il reprend conscience sur le champ de bataille jusqu’à son départ pour Londres. À l’hôpital de Peurdu-sur-la-lys, objet de toutes les attentions d’une infirmière entreprenante, Ferdinand, s’étant lié d’amitié au souteneur Bébert, trompe la mort et s’affranchit du destin qui lui était jusqu’alors promis. Ce temps brutal de la désillusion et de la prise de conscience, que l’auteur n’avait jamais abordé sous la forme d’un récit littéraire autonome, apparaît ici dans sa lumière la plus crue. Vingt ans après 14, le passé, « toujours saoul d'oubli », prend des « petites mélodies en route qu'on lui demandait pas ». Mais il reste vivant, à jamais inoubliable, et Guerre en témoigne tout autant que la suite de l'œuvre de Céline.
Parce que mon grand-père, descendu au Col du Bonhomme en août 14, subissait au pied des Vosges la même séquence de l'ambulance, tel qu'on nommait les hôpitaux provisoires de campagne, j'ai acheté ce livre, attendant un récit pour soi-même d'une période douloureuse, récit désencombré de l'ordure dont Céline se fit une spécialité, mais tout de même enlevé et plutôt provoquant. Hélas, sa gouaille fameuse dans l'insulte-comme-un-art, est toute là, à nous décrire heurs et malheurs du lâcher de salopes sur Hazebrouck. Le plaisir de l'auteur dans l'emploi de mots crades, de jurons, d'injures salaces est tout entier, mais malgré ratures et repentirs, on sent l'ouvrage en cours, ni poli, ni fini, à juger finalement la démarche des éditeurs foutrement déloyale !
A quel motif s'arroge-t-on le droit de publier le travail en chantier d'un auteur disparu qui, en 1934, jugeait l'ouvrage inachevé - un mauvais livre cochon - pour le remettre déjà à son éditeur ? Certes, on viole les tombes antiques au prétexte de "connaître" l'histoire de civilisations disparues et les Anglais eurent des moulins à momies pour engraisser leurs champs. Faut pas gâcher ! Souvent les ayant-droits poussent au crime pour faire de la monnaie sur le génie familial qui, de son vivant parfois, les en avait privés pour des caprices personnels ou pour des "créatures" finalement moins chères, comme disait Sacha Guitry. Le dernier ayant-droit de Céline fut sa veuve Lucette, décédée, criblée de dettes en 2019. En remontant les ascendances, sans doute en a-t-on trouvé d'autres, affamés.
La liberté d'un auteur, surtout célèbre, est de disposer à sa guise de ses propres travaux d'écriture. Le piller après sa mort pour du fric est immoral, surtout dans l'inachevé, et doublement quand sa bibliographie suffit, ô combien dans ce cas, à la gloire planétaire de l'auteur. N'achetez pas !
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