jeudi 23 juin 2022

Minus inter pares

Les danseurs mondains faisaient valser les femmes finissantes sur des musiques languissantes dans toutes les villes d'eau d'Europe occidentale au mois de juillet 1914. On avait bien tué un archiduc d'Autriche le mois précédant celui-ci, mais dans un pays si paumé que ça ne prêtait pas à conséquences. Puis en trois tours de manivelle on démarra la guerre continentale qui allait devenir "Grande" par le jeu des alliances imprudentes. C'était le 3 août. Personne ne l'avait vue venir, sauf peut-être chez les services d'espionnage, tous les contemporains s'accordaient sur ce point. "Tac tac badaboum ! Ça allait swinguer dans les nuées", des morts par millions.

En ce mois de juin finissant, j'ose espérer que les tenants de la défaite russe à outrance qui comptent sortir Poutine de sa trajectoire paranoïaque avant qu'il ne fasse sauter le bouchon de champagne nucléaire, ont toutes les billes et les synthèses offrant la certitude d'une queue de trajectoire favorable. Partant du principe que "nous" ne savons rien de significatif - ce sont des super Cray-One qui tournent au Pentagone - nous sommes conviés à nous en remettre à l'expertise des professionnels de la profession ; qui eux savent déjà où sont les points "omega" du colonel Goya. Les facteurs de l'équation sont trop nombreux pour que nous les intégrions dans un essai de synthèse et chacun de vous les connaît déjà. Nous n'entrerons pas en polémologie. Mais si ça foire ?

L'hypothèse B est que la pègre de sociopathes qui sévit au Kremlin décide de ne pas perdre la guerre déclarée, jusqu'à transformer la Fédération de Russie en gigantesque terrain de défense opérationnelle, dut-elle revenir deux siècles en arrière en acceptant la ruine de son économie marchande, au prétexte d'éternité imparable de la nation. Mais c'est peut-être là que pêche le chat : comme son nom l'indique, il y a beaucoup de nations dans la Fédération que nous allons citer pour faire savant, et pour comprendre que tout le monde ne se lèvera pas au coup de sifflet du petit Csar, planqué dans son bunker, le jerrycan d'essence dans l'armoire : Adyguès, Arméniens, Altaiens, Kazakhs, Bachkirs, Tatars, Tchouvaches, Bouriates, Caréliens, Finnois, Darguines, Avars, Lesghiens, Koumiks, Lacks, Tabassarans, Azéris, Yakoutes, Kabardes, Balkars, Kalmouks, Karachaïs, Tchékesses, Abazes, Khakasses, Komis, Maris, Mordves, Oudmourtes, Ossètes, Géorgiens, Tchétchènes, Ingouches et les slaves russes, ukrainiens et biélorusses, les plus nombreux. Pour faire simple, il y a aussi des minorités au sein de la République de Russie. La Russie est un vaste pays multiethnique, multilingue, multiculturel et multiconfessionnel, composé de plus de cent soixante-dix nationalités établies dans ses frontières et beaucoup de sous-groupes autochtones réputés peu importants par Moscou (+). Vous vous demandiez pourquoi Poutine n'avait pas déclaré la mobilisation générale ? Pour une guerre sans but, dans laquelle aucun agresseur n'a pénétré le territoire de la Sainte Russie sans en montrer non plus l'intention ? La mosaïque peut se briser, le puzzle impérial se défaire. On en a vu d'autres.

Nous sommes au seuil de trois guerres chaudes : la guerre russe, la guerre de la farine, la guerre climatique. Impréparés comme nous le sommes, ce n'est pas le moment de convoquer des miquets à la passerelle. Or c'est bien ce que le peuple français a laissé faire. Revenons donc chez nous.

Jeudi 30 juin, M. Macron rend les clés du camion "Europe". Après son semestre à nul effet, ses déboires électoraux et sa molle réaction - en avoir ou pas - il redevient minus inter pares avec le stigmate du double-jeu dans l'affaire d'Ukraine où la France ne pèse rien, sauf par les mots, malheureux parfois. Puis il y a la pose condescendante, la main protectrice sur l'épaule du président Zélensky, lors du voyage des quatre dirigeants européens à Kiyv. Toute l'Ukraine, et les pays de l'Est qui se saignent aux quatre veines pour founir de l'armement et accueillir des réfugiés en nombre, ont vu cette tartufferie ! Volodymyr Zélensky est un chef d'Etat, ô combien, mais notre yuppie national ne le perçoit pas comme tel, qui se prend pour l'assurance-vie d'un vrai chef de guerre au charbon, lui, 7/24. Heureusement que l'Ukrainien a souscrit des contrats chez d'autres compagnies plus sûres. Pour qui se prend M. Macron ? Quelque modèle d'in-fini.

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