vendredi 12 août 2022

Le "vai te foder" brésilien

le ministre Guedes
Dans l'A-Propos du 15 août 2008 qui ouvre ce blogue, j'avais osé une assertion digne d'Hubert Védrine à la différence près qu'il convenait, lui, que la France était certes une puissance moyenne mais d'influence mondiale. Sous la statue d'Alphonse XII, j'écrivais donc dans les jardins du Retiro au quinze-août 2008 :
« (1) La France est une ancienne grande puissance de taille moyenne, dont le prestige est mis en péril par l'affaissement moral et mental de ses peuples et par une gestion inqualifiable de sa république.»

Je crois bien avoir eu raison sur ce prestigieux penseur de la diplomatie française, et m'en désole d'autant plus que le péril annoncé est aujourd'hui bien visible : l'influence mondiale de notre pays n'est fait que de communication française sans application concrète au dehors. En fait, elle disparaît lentement et sûrement. A preuve l'absence de tout effet dans les cas suivants :
  • M. Paulo Guedes, ministre brésilien de l'économie, nous envoie officiellement "nous faire foutre" depuis Brasilia, après avoir déclaré auparavant que Mme Macron était vraiment moche ! La dispute vient du blocage des accords UE-Mercosur par M. Macron à Bruxelles au motif d'une gestion inadéquate des incendies d'Amazonie. On attend les appréciations étrangères sur les feux de Gironde, immaîtrisables faute de moyens adaptés.
  • Vladimir Poutine n'a tenu aucun compte du harcèlement téléphonique du même, jusqu'à le marginaliser en mettant au centre du jeu diplomatique Recep Erdoğan, à qui justement M. Macron fit les gros yeux en 2020 lors de la campagne d'exploration gazière en mer Egée. Le Turc, pas impressionné par les pattes Village d'Emmanuel Macron, l'homme équivoque qui épousa sa "mère", annonce reprendre les recherches sismiques avec un navire plus gros cette fois. Il se fout complètement du groupe aéro-naval français, si tant est qu'on le bouge à portée des missiles de Tartous.
  • La junte malienne, dont M. Hollande a sauvé le pays du califat, nous pisse à la raie en soutenant même que nous avons renseigné les groupes djihadistes qui attaquent leurs positions. Pis encore, elle importe de Russie un système de DCA avec radars (source Africom) qui n'est d'aucune utilité pour lutter contre l'EIGS ou le GSIM mais lui permettra d'interdire le survol de son territoire par les avions alliés, lesquels jusqu'ici n'écoutaient rien de ses menaces ; outre la protection anti-aérienne des résidences de la junte.
  • Devant l'incapacité de la France paternaliste à parer la disette annoncée, le président Macky Sall (Sénégal et UA) va à Sotchi négocier en personne le déblocage des grains et fertilisants de la Mer noire avec Vladimir Poutine, et y parvient finalement. Sergueï Lavrov va de ce pas en Egypte, au Congo-Brazza, en Ouganda et en Ethiopie ramasser les jetons des succès de la négociation directe entre l'UA et Moscou.
  • On ne reviendra pas sur le soufflet diplomatique reçu de nos alliés anglais, américains et australiens dans l'affaire des sous-marins, qui ont considéré que payer le dédit suffirait amplement à calmer les vapeurs de la vieille nation éconduite. Ce qui fut vrai. Cela ne prive pas les cerveaux du Château d'échafauder une alliance militaire dans la zone indo-pacifique avec les mêmes et l'Inde, alors qu'aucun de ceux-là ne nous y attend, le tonnage français disponible sur zone étant ridiculement faible.
  • Avant de finir, faisons la liste des aides militaires au régime ukrainien pour s'apercevoir que nous sommes très loin derrière les autres pays européens bien moins bruyants que nous, sans parler de la Grande Bretagne et des Etats-Unis ; mais il n'est de jour que nous ne donnions notre avis.
  • Dernier clou dans le cercueil de l'influence, l'inefficience totale de la France dans la solution de la crise libanaise, dont nous nous prétendons le "parrain" sans qu'on ne nous ait rien demandé. Les rodomontades de Macron sur les ruines fumantes des silos en sont restées au stade des actualités cinématographiques.
Etait-ce la faute exclusive de M. Macron ou la dérive d'insignifiance vient-elle de la tendance de fond d'un inéluctable destin ? Charles de Gaulle n'a rien réussi de probant dans les affaires étrangères, il n'a pas fait cesser la guerre du Vietnam malgré le discours de Phnom-Penh ; il n'a pas détaché le Québec du Canada ; nos relations avec l'Algérie devinrent exécrables dès le début et nous nous mîmes à dos nos voisins européens et atlantiques à force de vouloir imposer à tous notre Europe française qui sentait bon le Premier Empire. Les chimères gaulliennes disparurent avec lui. Sans doute parce que les chiffres sont têtus et, n'en déplaise aux philosophes, l'économie prime. Or, si on la classe dans les listes mondiales, la nôtre est en recul depuis la mort du président Pompidou. S'y ajoute le cancer de la Dette et les trois cancers des déficits, budgétaire, commercial et social que rien ni quiconque ne semble pouvoir résorber, sauf à déclencher une révolution des assistés. Aucun pays, si riche soit-il, ne résiste longtemps au drainage continu de sa valeur ajoutée dans le tonneau sans fond du bien-être social. Le monde nous regarde nous liquéfier, certains avec attendrissement, d'autres avec ravissement mais la plupart avec indifférence. On attend l'ultimatum des Comores, un jour wagnérisées, à "libérer" Mayotte.

Pour prolonger l'illusion, nous cherchons à intervenir ci et là de notre propre chef à tout motif, pour exister sur la scène internationale, mais quand y sommes-nous appelés ? Tout nous montre que c'est notre président qui se propose de lui-même, comme à Beyrouth l'an dernier ou à Yaoundé, Cotonou et Bissau fin juillet. Avec tant d'insistance qu'il faut venir avec le carnet de chèques pour être bien reçu. Nous devons accepter et faire dire à nos dirigeants que la France est une puissance moyenne européenne, mais disposant d'une zone exclusive maritime très étendue, trop étendue peut-être pour ses présentes capacités de défense. Il n'est plus que temps de taire notre insupportable arrogance et de recalibrer nos moyens dans tous les compartiments diplomatiques et militaires en réduisant nos ambitions et en renforçant nos interventions dans le champ de nos intérêts de proximité et sur notre outremer. Souvenons-nous de la maxime : qui peut courir longtemps et loin avec des galoches de 44 s'il chausse du 41 ? Laissons les empires s'affronter à leur guise. Nous ne sommes plus de taille. Nous avons trois jours de munitions pour faire une guerre du modèle ukrainien. Un point c'est tout. La grandeur c'était au IVè siècle. Nous sommes au Vème, celui du Bas-Empire finissant.

2 commentaires:

  1. Tout ça les français le savent. Les premiers à l'avoir compris sont les travailleurs frontaliers qui se retrouvent comme des mexicains en Californie. Les riverains de l'Espagne et de l'Italie ont vu le fossé se combler avec les voisins que l'on traitait autrefois avec suffisance. Les étudiants, enfin ceux qui font de vrais études et pas de la sociologie à Tolbiac sont systématiquement confrontés à leurs congénères de tous pays. Le grand déclassement est visible du monde entier des que les visiteurs sont confrontés à nos services publics "que le monde entier nous envie": une gare de train, une salle d'attente des urgence, un hall de commissariat: locaux comme service, tout transpire la tiers-mondisation. Ajoutez y une insécurité qui n'a rien d'un sentiment et qui traduit l'abandon visible de la maitrise de l'ordre public. La "favelisation" est en marche. Bref, mis à part l'élite et ses affidés médiatiques, quasiment tout le monde a déjà fait ce constat. Le seul préalable à une remonté du pays vers la surface, c'est avant tout un traitement efficace de la dite caste. Mais l'exprimer trop concrètement serait une infraction pénale, donc on n'en dira pas plus!

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    1. Une des erreurs majeures de la république fut de déconsidérer le travail manuel après la guerre, au prétexte d'élever le niveau général d'instruction. Comme les emplois manuels ne diminuèrent pas, il a fallu parer l'inappétence des jeunes à se fatiguer en important des morts-de-faim.
      Certes il reste encore des courageux mais en nombre largement insuffisant. Il aurait suffi de mettre les salaires manuels au niveau nécessité par le recrutement comme par exemple chez les éboueurs de Paris où on voit des souchiens au cul des bennes. En Savoie et au Pays basque aussi.
      Le problème d'aujourd'hui est que la situation est irréversible par défaut de ressources humaines appliquées au défi.

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