Avertissement: Le blogue a changé de nom (mais pas d'adresse url) pour marquer la rupture de contrat entre son rédacteur vieillissant et son lectorat distingué qui en attend toujours plus de polémiques, à croire la courbe d'audience dont les pics jalonnent les arquebusades.
1955-1967 |
Aujourd'hui encore quand on veut élever le niveau de réflexion dans le dernier carré monarchiste, on cite d'abondance Pierre Boutang et sa bande d'Iroquois de La Nation Française. Rien ne leur était étranger, rien ne leur faisait peur. Pour saisir ce que je veux dire, je me limiterais à citer Boutang dans un libelle d'actualité d'alors, "La Terreur en question" (clic), comme une réponse au livre La Question du communiste Henri Alleg, écrit dans la prison d'Alger, qui dénonce les pratiques odieuses des autorités militaires. C'est un sujet impossible à analyser aujourd'hui sans mourir sous l'anathème. Boutang n'a pas eu peur, lui, mais ce n'était pas la même époque, il est vrai.
« La logique de la torture, en sa simple et terrible essence, est que, le jugement de la force une fois prononcé, le vaincu doit au vainqueur la reconnaissance de sa victoire, il lui doit ses secrets, son pouvoir de parler et de se taire, puisqu'il lui doit la vie. Mais la morale de notre honneur, dans l'Occident chrétien, n'accepte plus que ce jugement soit total ; elle ne tient pas la parole pour une simple part de la vie, une des fonctions dont le combat déciderait souverainement. Il faut donc que le prisonnier, une fois sa bataille perdue, se retrouve homme, libre de sa parole ou de son silence. Cette exigence est sans mesure, scandaleuse du côté de la puissance : il faut d'immenses efforts, une attention et une invention accrues, pour qu'elle ne profite pas au mal et à la mort ; pour qu'elle ne contribue pas au triomphe de ce qu'elle refuse, du monde ancien où la terreur appelle la question. L'armée, nous en avons les preuves et les gages, accepte de répondre au défi, de vaincre sans avilir.»
A revenir sur terre aujourd'hui, on mesure l'orwellisation des moeurs politiques.
Sur Boutang lui-même, j'ai bien aimé la recension fouillée de Juan Asensio du bouquin de Luc-Olivier d'Algange, Pierre Boutang (clic). Copieux certes, mais on ne perd pas son temps. Extrait :
« Être monarchiste, pour Pierre Boutang, c'est comprendre, par-delà les considérations positivistes (inspirées d'Auguste Comte, d'Anatole France ou de Renan) de Maurras, que l'ordre politique et terrestre n'est digne d'être respecté que s'il reçoit humblement l'empreinte de l'Ordre du Ciel. La fonction d'Auteur monarchique que Pierre Boutang fut, avec Henry de Montaigu, un des très rares à hausser à l'exigible dignité chevaleresque, annonce ainsi sa fonction de philosophe, c'est-à-dire d'amoureux de la sagesse. Car si l'Ordre est vénérable, en ce qu'il témoigne du permanent, et s'il est préférable a priori à la subversion, désastreuse par nature, il n'en demeure pas moins que Pierre Boutang, dans la fameuse querelle sur le coup de force qui eût libéré Socrate de ses geôliers, fut enclin à passer outre aux recommandations légalistes de Socrate pour le sauver. L'Ordre est sacré, certes, mais encore faut-il qu'il ne contredise point le cri du cœur qui, en certaines circonstances, nous en révèle la nature parodique.»
Et je ne résiste pas non plus à l'amorce de Romain Debluë de sa critique (clic) de l'Ontologie du secret :
« La philosophie française est une pâture que mit en jachère le génie de Descartes, et à quoi l’intuitif labeur de Bergson ne sut point rendre sa fertilité ancestrale, égarée, durant le petit siècle qui fit suite au Grand, parmi les stériles sillons tracés par l’araire ravageur que prirent les Lumières pour le grand véhicule du Progrès. La terre fut fendue mais ne fut point retournée ; et il y eut alors, pour les veaux et les cochons, un long double siècle de pacage exclusif, au lieu même où les aigles et les taureaux, naguère, tenaient d’altissimes conciliabules. Le sarcloir français, au temps des perruques pulvérulentes, puis au temps des révolutions, était de bois : le fer puissant et rigoureux fut à la France confisqué par les Germains qui firent, dans de perverses directions, des merveilles immenses ; l’exigence de l’intelligence était alors teutonne, et si l’on n’orait plus, l’on avait pour les labeurs de la pensée un sérieux vertigineux. Par suite, au siècle des occidences ultimes, la France à sa déliquescence trouva d’onctueux délices et s’y laissa glisser en provoquant même à la pousser aux abîmes les mille secondes petites mains de la Sophistique, entortillée toute dans un voile d’Isis acheté chez Cache-Misère. La Sophistique prit alors l’Insignifiance par le bras, et les manigances d’entremanificence purent commencer pour sembler ne vouloir cesser jamais. Quelques-uns, pourtant, s’extirpèrent de cette contredanse macabre : ils furent une petite quinte diminuée à n’être pas ensorcelés par les prestiges luxueux et luxurieux de l’ère nouvelle où Satan induit le bal en incessantes tentations. Parmi ceux-ci : Pierre Boutang. »
Fasciné par le logo flamboyant de Georges Mathieu, j'avais onze ans quand j'ai ouvert ma première Nation Française que mon père laissait traîner toute la semaine sur la table basse du salon. Et j'en ai lu presque tous les numéros, sans toujours tout comprendre, jusqu'à ce que je parte en Allemagne (1967). Depuis des années, Olivier Véron prépare aux Provinciales une édition d'une centaine d'éditoriaux de Boutang publiés tout au long de la vie du journal. Doit-on le harceler ? Les Provinciales ont déjà réédité les livres importants du métaphysicien fou (voir le catalogue).
Voilà ! C'est le premier billet du Canon de Gaillon.
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