mardi 20 septembre 2022

Longue vie au roi !

cercueil d'Elizabeth II porté à l'épaule

La succession huilée d'Elizabeth II à Charles III n'étonne personne ; c'est juste une question d'instant. Ce transfert illustre la supériorité de la monarchie héréditaire sur toute autre forme de gouvernement des hommes. Un de nos présidents, plus ou moins démocratiquement élu, eut-il succombé à l'âge ou à la maladie, voire même à l'attentat personnel, qu'aurait été déclarée dans l'heure la guerre de succession. Et les millions d'euros d'accourir de partout pour monter dans le train du futur vainqueur. Ici les choses se passent dans les règles, sans tonitruance, le roi depuis le premier matin a rencontré son premier ministre et enclenché l'exercice de ses droits constitutionnels sans tapage, en pleine dignité. Dans un billet resté fameux, Royal-Artillerie avait dépeint la monarchie anglaise dans les fonctions du titulaire de la charge de roi. Le voici actualisé et dépouillé des contingences polémiques d'alors (source).

British coat of arms
Le souverain anglais occupe trois fonctions. Il est le chef de l'Etat britannique et à ce titre préside les dominions du Commonwealth ; il est le chef de la nation anglaise ; il est le gouverneur de l'église anglicane.

Le souverain chef d'Etat assume une fonction constitutionnelle en légitimant la politique générale du gouvernement choisi par les Communes. C'est le discours du Trône qui ouvre les sessions parlementaires convoquées par le roi.
Le souverain assume aussi une fonction de représentation. S'il visite assez fréquemment les pays étrangers où il dispense des conseils de bonne gouvernance, le chef d'Etat reçoit les missions diplomatiques, les lettres de créances des ambassadeurs, et les délégations étrangères dans son palais. On peut comprendre qu'on n'y parle pas que de gastronomie. Surtout en Angleterre.

La fonction de chef d'Etat la plus discrète n'est pas la moins importante. Il reçoit chaque semaine le premier ministre en tête-à-tête politique pour échanger leurs idées ; le souverain y exerce ses droits : "the right to be consulted, the right to encourage, the right to warn". Plus de mille projets de loi ont été modifiés sous le règne précédent en exerçant le Queen's consent. Cet "exécutif informel" est complètement illisible par les Français qui manquent d'accoutumance au débat d'idées qu'ils transforment en rixe verbale. On peut déjà dire que la fonction de chef d'Etat britannique n'est pas neutre, qu'elle est même l'archétype du soft power.

La seconde charge assumée, chef de la Nation, est de loin la plus importante. Comme elle ne s'inscrit pas dans les minutes d'une constitution sauf pour la justice haute où il est considéré comme la "source primaire" du Droit, nous ne la voyons pas. Le souverain est le point de convergence de l'identité nationale. Quel que soit le document de nationalité que vous ayez en poche, votre acceptation à Buckingham ou votre bannissement donne ou retire votre "anglicité". Le souverain incarne aussi par l'unité de sa personne, l'unité de la Nation, et justement parce qu'il est délivré du gouvernement quotidien du pays, il surmonte les divisions politiques et les fractures sociales. Ainsi ont-ils pu s'offrir Boris Johnson sans casser le ressort national quand nous avons dû nous fader un Sarkozy (sinon c'était un DSK!) ou maintenant un Macron investissant sans vergogne tous les compartiments sociaux et personnels, ceux qui laissent en sortant la maison dans un état pire qu'ils ne l'avaient trouvée en entrant.

Par sa propre attitude le roi incarne enfin la fierté britannique. Selon son tempérament, il ajoute au sentiment de continuité de l'Etat la diffusion d'une considération certaine pour le service public qui agit en son nom, On His Majesty's Service, et pour les forces armées dont il reste le chef.
C'est enfin le souverain qui distribue honneurs et récompenses civiles et militaires. L'effet est sans doute plus fort d'être distingué par le chef pérenne de la Nation que par un politicien de rencontre sous le regard mort d'une mariane en plâtre !

Le système de gouvernement monarchique tire sa force de ce qu'il sépare les devoirs officiels du chef d'Etat de la vie tumultueuse des partis politiques. La stabilité institutionnelle est assurée par la pérennité incarnée dans son roi qui préside au carrousel des cabinets démocratiques.

Le journaliste Bagehot écrivait au XIXè siècle : « The nation is divided into parties, but the crown is of no party. Its apparent separation from business is that which removes it both from enmities and from desecration, which preserves its mystery, which enables it to combine the affection of conflicting parties ». Les deux étages sont bien distincts et cette séparation permet au peuple de se tromper en élisant un bouffon qui n'aura jamais la haute main sur l'essence même de la nation. La Grande Bretagne vit au milieu d'un foisonnement de libertés civiles gérées démocratiquement. Ce sont ces libertés que notre République, obsédée par sa survie, ne peut pas produire. Tout le contraire, elle les restreint partout au bénéfice de la pensée unique et de l'égalitarisme.

S'ajoutent aux fonctions officielles de la couronne, des charges de bienfaisance qui sont universellement appréciées. Toute la famille royale est mise à contribution dans ce domaine. Observant le rôle de la famille royale, Bagehot avait bien perçu l'intérêt de la pipolisation en disant : « A family on the throne is an interesting idea also. It brings down the pride of sovereignty to the level of petty life ».
Charkes III à son nouveau bureau

Pour enfoncer le clou, nous rappellerons que le budget public de la maison de Windsor est bien moins onéreux que celui de la présidence française puisque c'est moitié prix pour le contribuable, sans compter en plus l'orgie financière des campagnes quinquennales chez nous. Ils ont désormais un roi investi de longue date dans les défis de ce siècle, écologie, climat, nature. Il sera facile de le croire demain puisqu'il a montré déjà son engagement assidu sur plusieurs années dans ces domaines. Ce ne seront pas des thèmes de campagne électorale comme ici.
Vive le roi !

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