vendredi 2 septembre 2022

Le bouillon de onze heures

Michelle Bachelet HCDH

Telle Cendrillon, un quart d'heure avant minuit, Michelle Bachelet, Haut-Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies, édite son rapport sur la gouvernance chinoise du Xinjiang après son voyage à Ouroumouchi de mai 2022. C'est une retentissante paire de gifles aux pouvoirs régional et central chinois dont les mensonges sont établis. Au douzième coup de minuit, Mme Bachelet a rendu son tablier et s'en est retournée au Chili. Elle a survécu (l'article ONU ici) et la condamnation est édictée depuis Genève, pas New-York.

Pourtant le voyage du mois de mai s'était passé le moins mal possible (cliquer là et comprendre) pour les autorités chinoises. Sans être sûres d'avoir réfuté définitivement les allégations de camps de rééducation, torture et travail, de stérilisation des femmes, de punitions diverses et variées, de destructions ou désacralisation d'édifices islamiques, de disparitions inexplicables, elles pensaient avoir suffisamment instillé le doute dans la délégation onusienne pour pouvoir couvrir son compte-rendu du bruit augmenté de sa propagande à haute fréquence. Las, la vieille les a vus venir dans leurs tentatives directes et détournées pour enterrer son rapport avant qu'il ne paraisse. Plein la gueule : « L’ampleur de la détention arbitraire et discriminatoire d’Ouïghours et de membres d’autres groupes essentiellement musulmans (…) dans un contexte de restrictions et de privation des droits fondamentaux tant individuels que collectifs peut constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité. »

Les casuites chinois vont s'exercer à contester le texte, mot à mot, en y cherchant l'intention de nuire, mais l'important n'est pas dans ce qui est dit ou ce qui est ignoré : le "scandale" pour Pékin est le levier qu'offre aux dissidents chinois et ouïghours une institution mondiale officielle comme le HCDH. Le mal est fait ! L'ONU y dénonce l'art de gouverner par la seule force et elle ringardise la diplomatie casque-à-pointe-et-boulons des loups combattants. Il va être difficile pour le ministère chinois des affaires étrangères de contenir l'impact en dénigrant le Haut-Commisaire sortant. Mme Bachelet, d'ascendance française - la souche vient de Chassagne-Montrachet en Côte d'Or - fut présidente de la République du Chili, un pays désaligné important dans l'Océan pacifique sud, et garde de son ancienne fonction une fierté bien placée capable de résister à la marée montante de l'impérialisme chinois.

Ce ne sont plus Raphaël Glucksmann et sa jolie copine qui tiennent meeting au théâtre Edwige Feuillère de Vesoul ; mais le monde entier qui va compulser les horreurs du communisme en action, et surtout celles de la bataille démographique réduisant par tous moyens, absolument tous, les naissances dans les familles musulmanes. C'est le plus écœurant. Seront cherchées aussi les statistiques d'attrition des pratiques concentrationnaires chinoises. Pas bon pour les Instituts Confucius ! Pas bon non plus pour les pays islamiques qui ont dans le passé soutenu le pouvoir de Pékin contre les "tentatives de déstabilisation" exogènes au seul motif de terrorisme du parti ouïghour de l'étranger. Désastreux aussi pour l'exportation des productions du Xinjiang réputées fabriquées par des esclaves. Fallait-il matraquer des millions de gens pour se venger de quelques centaines d'irrédentistes enragés, facilement débusqués ? il est sûr que la haine anti-han a grandi au Turkestan oriental et qu'il ne faut pas désormais se fier à l'eau qui dort. C'est le vrai résultat de la campagne de pacification brutale et indiscriminée : la haine !

Le Xinjiang est une conquête chinoise récente. Qui se souvient de l'éphémère République du Turkestan de 1933 luttant contre la République de Chine du Kuomintang ? C'est par ici. D'ailleurs il avait été remarqué à l'époque que les cartes impériales échangées avec les puissances étrangères ne délimitaient pas ce "bout du monde" désertique mis en coupe réglée par des seigneurs de la guerre à leur seul bénéfice. Les choses décantèrent dans l'entre-deux-guerres quand se leva un désir d'organisation politique des musulmans de la région. Le pays fut plusieurs fois mis à feu et à sang. La province gagna son autonomie en 1955, avec le bilinguisme, mais des agitateurs formés dans le Golfe persique ont imaginé qu'ils pouvaient créer une république islamique, mitoyenne du Kazakhstan (complètement laïcisé), du Kirghizistan et du Tadjikistan (tout aussi corrompus). Pourtant le Prophète leur avait interdit de boire ! Après la mise au pas par l'armée et la police chinoises du Tibet des neiges éternelles, le projet du MITO (Mouvement islamiste du Turkestan oriental) est pur délire, Pékin ayant montré qu'il en tuerait autant que nécessaire. Mais à partir d'aujourd'hui, c'est sûr et prouvé.
Un peu plus de géopolitique ?

Carte économique du Xinjiang et pays limitrophes
Sources : Atlas of the people’s Republic of China, Foreign languages Press, Pékin, 1989 ; Jacques Leclerc, Aménagement linguistique dans le monde, université de Laval, Québec, Canada ; Central Intelligence Agency (CIA), Maps and publications, Washington DC ; Recensement chinois de novembre 2000 ; ChinaOnline, Chicago.

7 commentaires:

  1. Le point positif pour la Chine est qu'elle s'attaque à une composante religieuse qui génère peu de pitié hormis chez certains extreme-gauchistes occidentaux. Je ne vois pas trop le Texan de base, l'electeur RN, le gouvernement indien, les coptes ou tant d'autres aller protester contre les traitements faits aux musulmans. "Toujours les mêmes" ai-je déjà entendu sur ce sujet précis. On n'a pas beaucoup entendu de pleurs quand les Rohingya en ont pris plein la figure ces dernières années; la Palestine, à part à la NUPES et à France Inter n'intéresse plus personne. Je me rappelle des commentaires amers d'une ONG française en 2005 qui cherchait à lever des fonds suite au tremblement de terre au Pakistan et qui constatait que les Français qui avaient énormément donné lors du tsunami en Thaïlande ne lâchaient rien. A part dans les pays musulmans (et encore), il n'y aura pas foule pour s'émouvoir.

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    1. Il y a deux queues de trajectoire à ce rapport explosif. D'abord le boycott des productions "ouïghoures" exportées par le Laogaï, les corporations d'Etat et les grosses maisons de commerce chinoises ; et en second lieu, le front intérieur où vit une autre communauté islamique bien plus puissante que celles du Turkestan, les Hui. Ils sont présents à plusieurs étages de la pyramide économique parce que ce sont des Han.
      Les Hui ont déjà organisé de grandes manifestations à Shanghaï contre le PCC qui voulait régler leurs affaires religieuses. C'est une communauté soudée et plutôt à l'aise. Le rapport du HCDH renforce leur prise de distance avec le PCC, surtout au niveau des petits chefs.
      Je ne suis pas à même de juger l'impact sur le Croissant vert, mais il y en aura un, maintenant que c'est "officiel".

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  2. Il y a des limites à ce que les opinions extérieures peuvent accepter contre une population distincte, et la "solution finale" chinoise pue le four froid.

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  3. Il n'y a aucune limite à ce que les opinions peuvent accepter. Une fois que l'émotivité est retombée, tout est acceptable. Regardez aujourd'hui, il n'y a plus beaucoup de volontaires étrangers pour s'engager militairement à Kiev , plus beaucoup de particuliers prêts à accueillir des familles ukrainiennes. A peine 6 mois de guerre et l'enthousiasme est retombé!
    Attendez que le gazole arrive à 3 euros ou que le courant soit coupé cet hiver entre 18h et 20h et vous verrez le nombre de pro-russes augmenter de façon exponentielle. S'il vous reste des illusions rappelez vous des réactions de "l'opinion" en 94 suite au massacre à la machette ou au couteau rouillé de 800 000 rwandais en 3 mois: RAF! (c.à.d. rien à foutre) ! Et les autocollants "Free Tibet" avec le drapeau , vous en voyez encore beaucoup sur les coffres de voitures de bobo? Vous pensez sincèrement que "l'opinion" va réagir pour des chinois qui prient Allah ou des crypto-turcs encore plus blédards que des Anatoliens? On en reparlera!

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    1. Je ne parlais pas des opinions européennes ou de la Rue arabe, mais des nations musulmanes de Malaisie, Indonésie, Mindanao etc. qui représentent des millions de gens pratiquants radicaux et qui voient le génocide culturel comme une colonisation jaune impitoyable.
      Ici l'enthousiasme n'est pas retombé pour l'acueil des Ukrainiennes et de leurs enfants, justement parce que les hommes combattent au pays. Pour le reste on verra, mais ici toujours, les gens prennent leurs précautions pour un hiver difficile. Au sud, je ne sais pas, je ne suis pas descendu cette année.

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  4. Le sort des Rohingyas musulmans maltraités par les bouddhistes birmans n'a pas heurté grand monde dans les années 2015 . Malais, indonésiens et bengalais pourtant musulmans n'ont pas trop bougé. A part pour les expulser ou les parquer dans des camps. Concernant l'Ukraine , sans me prétendre sociologue, je vois bien qu'ici le soufflet est retombé. Fini le compte rendu du front en temps réel. On parle plus à la machine à café de Sandrine Rousseau que de Zelynski D'ailleurs on sent que la pression médiatique toujours plus alarmiste doit monter dans les tours pour essayer de conserver l'intérêt de l'opinion .Quitte à friser le grotesque. Vous conviendrez que le dernier commentaire prononcé par l'AIEA ( "L'intégrité physique de la centrale nucléaire a été violée par les Russes") et repris comme un mantra par tous les journaleux est un peu abusif dans ses termes. Après le féminicide, le centralicide!

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    1. J'avais suivi l'affaire des Rohingas à cause de Aung San Suu Kyi. Cette communauté bengalaise s'est installée progressivement en Arakan sous le Raj anglais et après, sans titres et sans y être invitée. Le greffon n'a jamais pris et des aller-retours incessants ont été subis par la Birmanie selon le niveau de désordre au Bangladesh (ex-Pakistan oriental).
      Tous les pays de la région les considéraient comme des squatteurs et l'énième exode fut pour tous du déjà-vu. Mais il y a eu cette fois des reportages et une large diffusion.
      Aung San Suu Kyi dut choisir son camp et prit le parti des autorités légitimes birmanes et de toute la nation en fait.
      Au Turkestan oriental, les Ouïghours et les autres clans musulmans sont sur le territoire depuis toujours, ce sont les Han qui l'ont colonisé, à cause du pétrole. C'est donc la proposition inversée, ils sont chez eux !

      Pour l'Ukraine, c'est complètement différent. Il ne s'agit pas du malheur d'un peuple mais d'une guerre ouverte non déclarée entre les Etats-Unis et le gouvernement de Poutine. J'apprends que Kadyrov le Grand s'est décidé à jouir de sa retraite, avant que ça merde complètement.
      La centrale atomique de Zaporizhia n'a jamais été bombardée dans son enceinte critique. Les journalistes aimeraient bien ! Par contre il est prouvé que les deux parties en bombardent les abords (la queue du missile mal percuté indique la direction du départ de coup) et que les Russes y poussent parfois des orgues de Staline pour tirer au-delà du Dniepr (on a la vidéo).
      Ceci dit, je ne trouve pas que l'attention faiblisse ici pour l'instant. L'heure est aux économies d'énergies chez les particuliers, dans l'industrie et les services. Autour de moi, c'est accepté.

      Jusqu'aux Mid-Terms américaines ça sera intense... jusqu'à Kherson.

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