samedi 17 septembre 2022

Une main devant, une main derrière

Poutine

There is a crack in everything, that's how the light gets in ! Anthem de Léonard Cohen (en pied d'article) est l'hymne adapté à la situation au Donbass que l'armée ukrainienne reconquiert. Le corps expéditionnaire russe ne retraite pas, il fuit vers l'abri des tranchées de 2014, en voiture, en camion, à vélo, abandonnant tout ! Où sont les commissaires soviétiques d'abattage des fuyards qui ont gagné la seconde guerre mondiale ? Le front se disloque. Le monolithe patriotique russe craque au point que d'aucuns, ayant vu l'effondrement des empires mal assurés, anticipent la ruine du château de cartes poutinien et font leur valise pour quitter la zone occupée. Qu'on en juge à l'effronterie des conseillers municipaux de grandes villes comme Moscou ou Saint-Pétersbourg qui appellent la Douma à destituer le petit csar dont tous les maux du pays procèdent. Il faut les avoir bien accrochées pour défier l'Etat FSB qui pique les oligarques à la javel augmentée ou les jette par la fenêtre, qui fait tuer les leaders de l'opposition, les journalistes rétifs et ceux qui localement déplaisent ou détiennent des biens confiscables ; sinon se sentir nombreux. Et cette masse que le ministère de la guerre n'arrive plus à porter en Ukraine pour soumettre Kiev, sera-t-elle celle de la révolte civique des faucons, conjuguée à la résistance passive des colombes ? Les soviétologues nous signalent que plusieurs autres municipalités ont fait la même requête outrageuse après avoir lu la lettre de Saint-Pétersbourg.

L'armée russe ne combat pas, elle bombarde de manière indiscriminée, elle se venge en choisissant de détruire à distance les infrastructures civiles d'un pays qui lui échappe. Ce sont des Huns ! Les crimes de guerre s'accumulent qui finiront par être jugés dans quelque cour pénale transnationale. Mais le plus bonnard est le pâlissement de l'étoile rouge qui signe la "décolonisation" de l'Asie centrale sous surveillance désormais de la Chine populaire. Une séquence parle mieux que d'autres :

- le 2 août dernier, Dmitri Medvedev (ancien président et premier ministre de la Fédération de Russie) affirmait que le Kazakhstan était un "Etat artificiel" et qu'il s'adonnait au "génocide" de sa minorité russe. Le message fut retiré ensuite de son compte VKontakte. Ce sont les mêmes termes que ceux qui furent employés pour justifier l'attaque de l'Ukraine au mois de février (source Newsweek).

- ce 14 septembre, Xi Jinping fait escale à Nur-Sultan (Kazakhstan) sur le chemin de Samarcande où va se réunir l'Organisation de Shanghaï. Ce pays immense est l'espace le plus étendu où se déploie la principale route de la soie chinoise et le président Xi a assuré le président Tokaïev qu'il garantirait l'intégrité territoriale et la souveraineté de son pays. Contre qui ? devinez ! (source CCTV/La Libre Belgique).

- Ce 15 septembre, Xi Jinping s'adresse publiquement à Poutine en ces termes : « La Chine est prête à travailler avec la Russie pour jouer le premier rôle en démontrant la responsabilité des super-puissances, et pour insufler stabilité et énergie positive dans un monde en ébullition...» (source Reuters).

Y voir un encouragement à terminer la guerre (bien sûr en la gagnant contre l'hydre atlantique) comme le laissent croire les chroniqueurs de Moscou, c'est ne pas savoir lire la prose diplomatique chinoise. Il faut plutôt comprendre que le cirque poutinique doit cesser et vite. Xi se pose en leader incontesté désormais de l'Asie centrale - toutes les anciennes républiques soviétiques se sont ralliées - et la Russie devient un junior partner (comme l'avait pressenti Obama). Xi rencontre Erdogan ce vendredi 16 pour que les choses soient claires aussi dans le projet turcique du sultan d'Ankara associant la Turquie industrieuse et l'Azerbaïdjan énergétique dans une fédération à naître. En passant, Narendra Modi a signalé à Poutine que la période actuelle ne se prêtait pas à la guerre, et Poutine de lui répondre qu'il faisait de son mieux pour qu'elle cesse ; en la perdant ?
Autant dire que derrière les mains serrées, il en est peu de secourables. La haine de l'Occident fait moins recette que ne pouvaient le penser les thinktankistes en chambre qui voyaient les deux tiers de la planète faire bloc derrière le petit csar aux Nations Unies. En fait les deux tiers de la planète se foutaient bien de la guerre des blancs jusqu'à ce qu'ils découvrent que les silos à grains étaient là et qu'on les prenait pour des pigeons ! La désorganisation de l'économie mondiale s'accroît en même temps que l'armée russe s'enlise. Il serait temps aussi que le Tiers-monde se sorte les doigts et se fasse à manger !

Pendant les travaux diplomatiques la vente continue : l'Azerbaïdjan (turc) teste la garantie russe donnée à l'Arménie chrétienne, sans réaction de Moscou. Les Tadjiks et les Khirgizes (ex-républiques soviétiques) se tapent dessus après le départ de la force russe d'interposition rappelée en Ukraine. Avec le refus du Kazakhstan de concourir au bonheur russe - Tokaïev vient en novembre à Paris rencontrer Macron - la Fédération de Russie ne tient plus rien du territoire steppique entre le fleuve Oural et les Monts Altaï. La main a passé à la Chine populaire, et il va se voir rapidement que Poutine a dilapidé l'héritage soviétique parce qu'il n'est stratège en rien, ni à la guerre, ni à la bourse. La déclaration finale de Samarcande sera à coller dans votre piaule avec ce qu'il vous reste de bons russes. Poutine rentre à Moscou avec rien de concret dans la main, et ce ne fut pas faute de la tendre. Le doute n'est plus métaphysique, Poutine l'incapable veut vivre sur la guerre, à n'importe quel prix payé par les autres et ça se voit : son oriflamme porte déjà les noms de ses victoires : Boutcha, Marioupol, Manhouch, Buzova, Vynohradne, Staryi Krym, Motyzhin, Izioum... L'altermonde a finalement rencontré son fout-la-merde qui le nie !

7 commentaires:

  1. Il suffit de voir une carte de la zone Sibérie-Mandchourie d'avant 1858 pour se dire que les habitants de Vladivostok devraient se mettre au mandarin sans trop tarder!

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    1. Il y a quelques années la municipalité de Vladivostok avait donné le port de commerce en régie à une société chinoise du Heilonjiang parce que Moscou ne mettait pas un kopek dans le développement du kraï. Le Kremlin fit annuler le contrat mais ne mit pas plus d'argent. En 2015 il créa le Port franc de Vladivostok pour faire autofinancer le développement et attirer les manufacturiers chinois qui ne sont pas venus. Il n'est toujours pas question d'argent et logiquement l'extrême-orient russe tombera comme un fruit mûr, les Russes s'y sentent abandonnés par Moscou (comme le reste de la Sibérie).

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  2. Les pères étaient à Katyn, les fils à Grozny, les leurs à Mariupol, Izium et cetera. C'est la race !

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  3. A la déclaration rassurante de Poutine expliquant dans son point de presse à Samarcande que la Fédération de Russie n'a engagé qu'une faible partie de l'armée russe, et que l'affaire évoluait lentement mais sûrement, on peut opposer le bilan fait par Oryx des pertes russes documentées depuis le 24 février dont on trouvera le détail image par image par ce lien.

    Au résultat :
    - 1132 chars de bataille (dont 363 capturés et 51 abandonnés par leur équipage)
    y compris 229 chars T-80 et 23 T-90
    - 591 blindés d'attaque (dont 166 capturés)
    - 1270 blindés d'infanterie (dont 387 capturés)
    - 163 transports de troupe blindés (74 capt.)
    - 33 camions blindés (10 capt.)
    - 127 VL blindés (38 capt.)
    - 141 blindés de commandement et communications (61 capt.)
    - 204 vahicules du Génie (81 capt.)
    - 20 mortiers de 120 (11 capturés)
    - 39 blindés de commandement et soutien de l'artillerie
    - 90 canons tractés (30 capturés)
    - 203 lance-missile de 120 à 240 (79 capt.)
    - 109 lanceurs multiples de 122 à 220 (41 capt.)
    - 10 DCA
    - 92 systèmes sol-air (27 capturés)
    - 13 blindés-radar (8 capturés)
    - 56 avions
    - 48 hélicoptères
    - 127 drones (43 capturés)
    - 11 navires de guerre (dont 8 coulés)
    - 3 trains de carburant
    - 1595 camions, camions-citernes et jeeps (393 capturés)

    ces statistiques ne concernent que les pertes documentées (image, date et localisation)
    Pour une opération spéciale, c'est vraiment une opération spéciale de refonte des stocks !



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    1. Oryx est un site d'enquête néerlandais dont les deux animateurs viennent de chez Bellingcat, une référence dans le journalisme d'investigation.

      Les pertes russes sont évidemment supérieures aux statistiques documentées et il est impossible que ces chiffres ne posent pas questions dans les milieux militaires et politiques moscovites. Sachant que Poutine s'investit dans la conduite des opérations jusqu'au niveau des régiments, il ne faudra pas longtemps pour que la destruction du corps expéditionnaire russe lui soit attribuée.

      Pour mémoire, Oryx documente aussi les pertes ukrainiennes (voir le site Oryxspioenkop.com) .

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  4. Complètement cornérisé, Poutine remet la bombe sur la table quand ses nouveaux parrains chinois et indien la lui interdisent. A qui de plus fera-t-il avaler la supercherie de l'annexion des oblasts orientaux d'Ukraine ?

    Mais tout était écrit, comme dans Mein Kampf, dans le livre d'entretiens d'Oliver Stone : la défense des communautés russes laissées à découvert par le reflux de l'Union soviétique sera le prétexte à revenir.

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