vendredi 11 novembre 2022

Kherson !

Les officiers généraux russes engagés dans la guerre d'Ukraine ont fini par convaincre le Conseil de défense à Moscou que la catastrophe annoncée dans l'oblast de Kherson par l'entêtement stupide des siloviki à se maintenir sur la rive droite du Dniepr, était à l'aube de sa réalisation. C'était début novembre. Et le ministre Choïgou de faire avant-hier 9 novembre un clip télévisé pour mettre en scène le repli de toutes les unités initialement prévues pour fondre sur Odessa, mais qui au bout du compte s'usaient à contenir la poussée ukrainienne qui les faisait reculer pied à pied.

Apparemment le général Sergueï Sourovikine, nouveau commandant en chef des opérations, est parvenu à appliquer son plan d'établir une ligne infranchissable sur la rive gauche du fleuve, et d'y déployer une artillerie lourde capable d'asséner à l'ennemi des tirs d'interdiction de toute approche de la rive opposée. Il ne s'agit rien moins que de barrer la route vers l'isthme de Crimée et de mettre toute la zone en état de défense pour parer le risque de contournement aéroporté. C'est du moins ce que montrent les images de satellites. Autant dire que l'affaire se complique, pour les deux parties.
Sourovikine n'a plus d'espace de manœuvre entre le fleuve et la Sainte Crimée, et il ne commande plus le canal d'eau douce, mais il est capable de tenir tout l'hiver entre les lignes de tranchées et les coupures naturelles, tout en forçant l'instruction des recrues envoyées par Moscou depuis la mobilisation. Reste à recevoir le matériel et les munitions, et à remotiver les cadres.

Que Poutine et ses affidés aient mordu la poussière de l'humiliation n'est pas douteux, mais ces mecs sont sans honneur et donnent maintenant de bon cœur le bâton merdeux de la guerre de dénazification à qui veut bien le saisir, prêts à le charger d'opprobre si ses lignes sont enfoncées. Une chose est claire : les décideurs de cette cagade, qui dure depuis neuf mois bientôt, sont clairement disqualifiés. Et chose curieuse, ceux qui jusqu'ici critiquaient sans répit les états-majors tactiques (les Soloviov, Prigozhin, Kadyrov...) approuvent désormais la décision des mêmes généraux d'arrêter les frais à Kherson, ce qui déporte la honte sur le Kremlin. Seul Douguine rue dans les brancards. Mais l'évolution tactique n'est pas une victoire ukrainienne décisive qui puisse hâter la fin de la guerre. Je vous explique ?

La coupure du Dniepr est infranchissable sous le feu des canons russes même si l'âme des fûts est suralésée par l'intensité d'emploi. L'accès à la Crimée par le nord est désormais fermé et la presqu'île restera russe aussi longtemps que Moscou sera capable de tenir sous les sanctions internationales. Au nord-est, plus les Ukrainiens avancent, plus ils tapent dans le dur, et le plus probable est qu'à la sortie de l'hiver, les belligérants se retrouveront sur la ligne de partage Donbass/Ukraine de janvier 2022, derrière laquelle le territoire oriental est complètement russifié. Mais l'état-major de Kiev a montré une agilité stratégique supérieure à celle de son homologue russe. Le seul axe utile est celui de Zaporizhzhia-Marioupol afin de couper la Via Poutinia qui part de Lougansk vers Sébastopol. Casser les provinces côtières en deux blocs étrécis ruinerait la réputation du stratège russe, ramenant le résultat de l'opération spéciale à presque rien, sinon que dalle ! Si, quand même : l'armée russe se sera ridiculisée dans tous les compartiments du jeu sauf dans celui des destructions aveugles sans intérêt militaire et dans les crimes de guerre ; l'OTAN, que notre miquet à moumoutte disait morte, a montré qu'elle n'était pas accessible au compromis et s'avérait capable de défendre ses membres ; les Etats-Unis, obsédés par l'imperium de la Chine populaire qui conteste le sien, sont revenus en Europe foutre la branlée à la Russie de Poutine en guise d'avertissement mondial. C'était tentant, ils n'ont pu résister !

carte 2020 du Donbass en guerre
- Donbass 2020 -


C'est sans doute pour éviter cette rupture du continuum au droit de Marioupol que le Kremlin fait passer quotidiennement le message des pourparlers d'armistice : de paix il n'en sera, Poutine vivant, jamais question. Il faudra attendre qu'il crève de rage. Pour le reste, il est plus que probable que lorsque les lignes seront revenues plus ou moins à ce qu'elles étaient le 23 février 2022, les alliés feront pression sur le gouvernement de Kiev afin que l'Ukraine et la Russie se parlent pour désamorcer la bombe atomique et vivrière. Erdogan est prêt, immédiatement et sans délai, la médiation russo-ukrainienne est le dernier atout dans sa manche avant les élections turques qu'il devrait perdre.

Si Sourovikine réussit son pari, il sera en pole position pour remplacer le trouduc Poutine qu'il parfumera au novitchok. En plus, il a une gueule plus crédible pour faire traverser à la Russie une période très difficile pendant laquelle elle devra se réinsérer dans les flux économiques et financiers mondiaux sans bouffer la baraque diplomatique.

Wohin auch das Auge blicket
Moor und Heide nur ringsum
Vogelsang uns nicht erquicket
Eichen stehen kahl und krumm
Wir sind die Moorsoldaten
Und ziehen mit dem Spaten
Ins Moor

Hier in dieser öden Heide
Ist das Lager aufgebaut
Wo wir fern von jeder Freude
Hinter Stacheldraht verstaut
Wir sind die Moorsoldaten
Und ziehen mit dem Spaten
Ins Moor

Morgens ziehen die Kolonnen
Durch das Moor zur Arbeit hin
Graben bei dem Brand der Sonne
Doch zur Heimat steht der Sinn
Wir sind die Moorsoldaten
Und ziehen mit dem Spaten
Ins Moor

Heimwärts, heimwärts jeder sehnet,
nach den Eltern, Weib und Kind.
Manche Brust ein Seufzer dehnet,
weil wir hier gefangen sind.
Wir sind die Moorsoldaten
Und ziehen mit dem Spaten
Ins Moor

Auf und nieder geh'n die Posten
Keiner, keiner kann hindurch
Flucht wird nur das Leben kosten
Vierfach ist umzäunt die Burg
Wir sind die Moorsoldaten
Und ziehen mit dem Spaten
Ins Moor

Doch für uns gibt es kein Klagen
Ewig kann nicht Winter sein !
Einmal werden froh wir sagen
Heimat du bist wieder mein !
Dann zieh'n die Moorsoldaten
Nicht mehr mit dem Spaten
Ins Moor
Dann zieh'n die Moorsoldaten
Nicht mehr mit dem Spaten
Ins Moor
(Johann Esser, Wolfgang Langhoff, Rudi Goguel, Börgermoor 1933)

5 commentaires:

  1. Bonsoir.
    Dans les résultats probants de "l'opération spéciale", vous oubliez la perte des meilleurs clients de Gazprom qui, à part la Hongrie, ne reviendront jamais ; surtout s'ils sont obligés d'accélérer la transition énergétique. La Russie avait un grand marché solvable à sa porte. Elle l'a perdu. et ne le remplacera pas, ni en quantité ni aux mêmes marges.
    René

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    1. L'autre effet désastreux est la perte de confiance des investisseurs. Or, sans eux, ce pays ne fait rien... que des chars.

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  2. Sur le réseau Telegram, Douguine a appelé hier à se débarrasser de Poutine le foireux :
    (un article du Mirror).
    Le post a été retiré ensuite par les modérateurs.

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  3. Finalement je paierai plus cher mon gasoil de bon coeur: les Taiwanaïs gardent espoir, la Crimée reste russe et les Uniates d' Ukraine comme les Luthériens des Carpates restent libres. Je n arrive pas encore à me dire que l ' OTAN c est le top, mais, ça viendra , parce qu au final, il n y rien d autre d' efficace contre les psychopathes !

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    1. L'OTAN déploie une qualité essentielle en polémologie : depuis les années 60 elle fait peur. On peutt dater ça du déploiement des Pershings.Et c'est la première mission d'une organisation défensive supranationale : foutre les jetons.
      Les pays d'Europe de l'Est qui ont vécu cette peur jusqu'à la dissolution du Pacte de Varsovie savourent aujourd'hui que la peur de l'armée conventionnelle russe ait disparu par l'incurie du commandement. Ils sont du bon côté du manche.
      La Russie avait effectivement la deuxième armée du monde ; le seul problème fut que ses "élites" n'ont pas su s'en servir. La connerie est irrémédiable.

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