lundi 21 novembre 2022

Où l'on reparle d'aficion

Un texte porté par l'anarchiste anti-spéciste Aymeric Caron, interdisant la corrida sur tout le territoire de la République française, a été déposé par des députés insoumis et écologistes, et doit être débattu le 24 novembre à l'Assemblée nationale. Et la guerre taurine s'est rallumée avec les mêmes arguments, le même lobbying, les mêmes menaces, la même sensiblerie, le même happening ridicule qu'il y a dix ans. Ce blogue défend l'aficion, contre tous les délires de progrès, au double motif de supercherie du temps et de conservation des arts. Supercherie car il n'y a pas de progrès. Les valeurs propres à la société humaine naquirent avec elle et dureront jusqu'à la fin de ce monde. Il n'y a pas de quatrième dimension en matière de valeurs qui viennent de la nuit la plus profonde de l'antiquité des espaces sociaux. Le temps est une convention adoptée par une espèce mortelle pour séquencer les événements. Les événements sont surmontés par l'impermanence des choses qui créé le séquençage. C'est pousser trop loin pour une histoire de vache, mais en fait, l'art tauromachique est intrinsèque à la condition humaine, finie. Il conjure notre finitude. Dans un article resté fameux en pleine guerre taurine, ce blogue disait jadis :

La corrida canal historique conjure la Mort. Même si ce n'est pas vendeur, sa liturgie mérite une explication et ses manifestations publiques une protection patrimoniale. Faisons un peu d'explication : depuis la nuit des temps, le taureau est une idole méditerranéenne comme le dragon en Asie. Il incarne la force obscure dans toute sa brutalité et sa rencontre est le plus souvent fatale. De notre côté, la mort est la seule certitude de l'homme et depuis l'Antiquité nous ne concevons d'autre existence que celle du corps physique. Même si le désespoir et sa révolte nous appellent vers des "explications" rassurantes, le cortex reptilien nous fait comprendre en conscience que la fin s'approche chaque jour. On se vengera de notre inexorable destin en tuant le taureau, après avoir regardé la Mort en face, les yeux dans les yeux, et en avoir cette fois encore réchappé. La liturgie - le matador est un prêtre - n'impose pas la loi de l'homme au taureau, on ne dompte pas la Mort. On la trompe...

taureau Miura


Le bien-être animal tel qu'on l'entend chez les éveillés qui démonisent la "corrida", ne s'applique pas encore à l'élevage des animaux de consommation courante dont la transformation en produit de boucherie est un vrai scandale de cruauté, bien que derrière le mouvement anti-corrida se devinent les obscurités végétariennes et la contrainte sociale qu'elles annoncent en prétendant le contraire. Sardine Ruisseau a déjà commencé avec le barbecue machiste à viande rouge. Mais c'est sur le fond de l'affaire qu'il faut insister : le mouvement anti-corrida participe de l'entropie des mœurs que certains veulent accélérer pour voir une globalisation heureuse de leur vivant. Sur un site de débats disparu, Nach Mavidou avait cerné le grisâtre de l'uniformisation des mœurs dans l'interdiction des courses taurines :
« Cette sécession tranquille se veut justifiée (il parle de l'autonomisme) en Flandre comme en Catalogne, par l'impérieuse nécessité de rentrer dans le rang des pays européens normaux et civilisés, par l'alignement sur les plus petits dénominateurs communs entre tous les composants des multiples cultures formant l'Europe. Ce serait l'intégration dans un projet plus vaste (de Reykjavik à Ankara) et plus noble que celui que porte une culture nationale. De cette sorte, la culture européenne ne se caractériserait plus par son exceptionnelle diversité, mais par une uniformité définie sur ses points les plus bas. Dans cette nouvelle Europe, une culture locale se distinguerait par la négative envers la culture nationale, et non plus par l'existence positive de telle ou telle particularité venant l'enrichir ou l'élargir. »

Quel que soit le sort fait à la proposition de loi d'Aymeric Caron à l'Assemblée nationale, le Sud prendra l'intention comme une attaque délibérée ciblée, une ingérence des gens du Nord dans les affaires patrimoniales du Midi. En l'état de fermentation du mécontentement social actuel, il serait avisé de la part des législateurs de ne pas ajouter une fracture à toutes celles qui strient déjà la société française.

carte tauromachique de France

5 commentaires:

  1. En étant plus pragmatique, on parle d'une centaine de taureaux. A l'heure des coupures d'électricité, de l'inflation, de la guerre en Ukraine, de l'immigration, savoir nos députés occupés du sort d'une centaine de bestiaux, c'est au minimum déplacé.
    D'autre part, on peut aussi se demander si le sort du taureau, qui meurt en pleine gloire, rapidement et proprement, avec qq souffances certes, n'est pas préférable à une longue agonie sur un lit d'hôpital, suspendu à sa pompe à morphine en espérant la crise cardiaque qui mettra fin à toute cette douleur....

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    1. Effectivement notre modèle social à guichets ouverts n'est plus financé - sauf par les émirs du Golfe - et entre dans une phase de restrictions des prestations de base faute d'acteurs professionnels sur zone et bientôt de stocks.
      C'est un défi hors de portée de la représentation nationale, et plus encore de notre miquet à la houpe, obsédé par sa communication.
      Simultanément le FMI nous tance comme il le fait du Malawi.
      Pause ! On s'occupe des vaches.

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  2. Pschiiiiiiit ! M. Caron ne supporte pas les contrariétés de l"hémicycle, comme Quattenens d'ailleurs. Leur législature est terminée.

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