jeudi 9 février 2023

Le monde n'est que chaos

Celui qui dispose d'un globe terrestre peut le faire tourner lentement en faisant l'inventaire des calamités, naturelles et humaines : il en sera saisi d'effroi. En partant de la ligne de changement de date du Pacifique vers l'est, il arrivera aussitôt sur le Pérou en révolution contre la caste qui a tous les leviers et prospère à la sueur de l'indien et juste en bas, un Chili ravagé par des incendies titanesques qui commandent aux hommes. L'Argentine, pays neuf disposant de tout, est ruinée par ses habitants. Le Brésil va laisser s'affronter les pauvres de droite et les pauvres de gauche sans qu'aucun ne sache vraiment ce que tout cela signifie, moins encore le géronte corrompu que la Cour suprême pour se garantir a remis en selle au soir de sa vie. De la Colombie jusqu'à la Basse Californie, ce sont les narco-trafiquants qui gouvernent, pillent et tuent ; les chemins sont encombrés de fuyards qui montent en famille vers la lumière américaine. Arrivé là, ce n'est pas terrible non plus. Si tu es noir, tu risques carrément ta peau en ville le soir en dehors du ghetto.

On passe l'Atlantique pour aborder aux rivages du vieux monde rationnel, héritier de la civilisation greco-romaine. Et là, un empire mythique, venu du fond de la barbarie, entreprend la conquête de ses voisins par le fer et le feu, accumulant des vies dépêchées par milliers et sans répit, pour finir par menacer tout ce qui n'est pas lui. Nul ne sait si par dépit, l'empereur nouveau, arraché à la fange soviétique, ne va pas déclencher une bombe atomique. Seuls suffiraient les noms ? en voici : Azerbaïdjan, Syrie, Hataï, Anatolie, Irak, Iran, Israel, Libye, Sahel, Congo, Kenya, Mozambique, Somalie, Yemen et plus loin, Afghanistan, Birmanie, Xinkiang, mer de Chine et Corée du Nord. Il en manque ? Peut-être en cherchant bien, mais ce n'est pas non plus un catalogue. La question qui finit par arriver est celle du pourquoi. Y a-t-il une cause majeure ou des causes non liées ?

Mon agnosticisme atterré me suggère le Néant primordial duquel tout procède et dont quelqu'un ou un meilleur principe a forcé l'espace pour construire l'Ordre. Ce Néant subsiste, me disent les Bons Hommes, et tout défaut d'ordre le laisse émerger à nouveau. Le chaos est consubstanciel à notre monde. Certains l'appellent le Mal et le griment en bouc pour faire peur aux âmes simples. Il est contenu dans le Néant par l'Ordre. Celui que nous avons sous la main est l'ordre naturel. Des thésards l'ont appelé "écologie". N'est-il pas temps de s'y mettre pour de vrai ? dans tous les compartiments de la vie terrestre, à commencer par celui de la Raison.

Après l'orgie de mort et destruction de la seconde guerre mondiale, les nations rescapées formèrent un cercle de raison. Mais il n'accueillit pas tous les pays à parité. Le camp de la force, les vainqueurs de cet holocauste - les cinq membres permanents du Conseil de sécurité - se réservèrent le droit d'approuver ce que décideraient les autres. L'intention originelle était viciée dès le départ. La raison cédait le pas, et le vieux Poméranien éternua dans sa tombe, la force primait toujours le droit. Soixante-quinze ans plus tard, la messe est dite. Il faut être payé à la ligne pour expliquer pourquoi !

L'espèce humaine, enfin plutôt terrienne, déborde de partout et d'aucuns croient que dans ce chaos elle survivra avec un effectif de neuf milliards d'individus. Des forts en calcul nous expliquent qu'au 20 août nous avons épuisé les ressources annuelles disponibles sur terre. Donc nous vivons jusqu'à la fin de l'année en consommant le stock. Le stock de tout. En même temps, la crise climatique (que nous en soyons la cause ou pas n'a plus d'importance) amplifie les caprices de la nature dans des proportions que certains pays ne peuvent plus affronter. Alors quoi ?
Alors rien !
Notre génération n'a pas compris l'ordre naturel et l'aurait-elle compris qu'elle n'aurait su l'imposer. Elle n'est pas prête à remettre en cause ses modes de vie et de pensée, ses avantages acquis. Pourquoi ou comment ? Ce n'est pas important : le résultat est là ! Nous sommes en faute. L'espèce aujourd'hui en échec doit s'en remettre aux générations montantes qui semblent plus impliquées globalement dans ces défis bientôt monstrueux, et plus capables que nous de réunir le concert des nations pour coordonner la lutte écologique et climatique. Aussi nous garderons-nous bien de donner des conseils.

Satan rouge

S'il y avait quelqu'un au Ciel, il enverrait trucider les tyrans qui ajoutent leur chaos perso au chaos global ; mais apparemment il n'y a personne, comme dit la chanson d'Alain Souchon. On peut en revanche miser sur la pérennité du Néant originel, du Mal principiel qui dérègle tout. Lui, il va bien, merci.

Terminons par la parabole de Maxime Laguerre :

J'étais seul sur le quai.
Devant moi un train magnifique qui s'appelait « Le Progrès ». Des wagons, les voyageurs faisaient de grands gestes pour m'inviter à monter. L'un d'eux baissa la glace et me dit : « Venez donc, partons tous ensemble, il faut vivre avec son temps ! »
Alors je suis monté, je me suis assis et le train est parti. La campagne que nous traversions était belle. Puis elle a commencé à se couvrir de constructions étranges dont je ne comprenais pas la signification. Cela a fini par me donner le tournis. J'ai demandé à mes voisins où allait ce train. Ils ne savaient pas. On disait qu'il allait peut-être vers un pays merveilleux.
Alors, j'ai fait tous les wagons pour trouver quelqu'un sachant exactement où nous allions. Personne ne savait rien de précis, mais comme tout le monde y allait, pourquoi se tracasser ? Voulant en savoir plus, j'ai cherché le conducteur. Il n'y en avait pas ! Alors j'ai dit aux autres : ne croyez-vous pas que nous devrions nous arrêter. Le train va trop vite et nous ne savons pas où nous allons.
Soudain silencieux les gens m'ont regardé d'un drôle d'air, comme si quelque chose n'allait pas très bien dans ma tête. Enfin l'un d'eux m'a répondu : « Mais monsieur, vous savez, on n'arrête pas « Le Progrès ».

4 commentaires:

  1. Vous devriez devenir calviniste. Partant du fait que la nature humaine est totalement corrompue depuis l'origine, la grille de lecture est bien plus simple. Si si je vous assure. Sinon il vous reste l'ataraxie des stoïciens mais je vous soupçonne d'être trop sentimental pour pouvoir être désabusé. Par contre dans votre nomenclature des pays malheureux, vous avez oublié la France avec son pauvre peuple accablé qui va devoir travailler 24 mois de plus. Quand on pense que ces pleurnichards de turcs, de syriens et d' ukrainiens osent se plaindre...

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    1. J'ai en chevet la philosophie du dualisme depuis deux mois, ça infuse très très lentement mais j'ai compris déjà le Nihil primordial et le Mal principiel. Le monde actuel est sa proie.
      Quand j'arriverai à Calvin, je vous ferai signe :)

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  2. La philosophie du dualisme, c'est bien, c'est même très bien, mais pourquoi en rester là.
    Faites le saut jusqu'au principe du Tiers inclus, avec Maitre Eckhart, Jacob Böhme et Stéphane Lupasco.
    Un petit échantillon de mise bouche :
    https://www.baglis.tv/ame/psychologie-mythes/309-psychologie-et-tiers-inclus.html


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    1. D'accord, je vais oublier cinq minutes le chat de Schrödingue.

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