mardi 14 février 2023

Qu'il soit bien clair...

De ci de là chemine la réprobation des positions pro-ukrainiennes de votre blogue préféré, du moins l'était-il encore il y a peu. Le Piéton serait tombé du côté obscur de la Force, ne voyant pas à l'évidence l'affirmation impérialiste des Etats-Unis qui emportent les Etats-moutons européens dans leur projet de destruction de la Russie éternelle même resoviétisée. Mais, par chance, les atrocités explicites des forces russes en Ukraine (ne regardez pas le reportage complet fait par le New York Times sur Boutcha) privent nos contempteurs du nécessaire plaidoyer en faveur de Vladimir Poutine. Dur, dur de rehausser au niveau de Staline et de ses millions de morts, un tyran réélu par un peuple unanime, qui peine à faire tuer deux cent mille soldats en une seule année de guerre. Il ne reste à ceux-là que de crier comme des cabris "la paix, la paix à tout prix" fut-ce à celui de la capitulation des victimes pour promouvoir leur préférence. Je vais donc vous dire le fond de ma pensée en l'affaire d'Ukraine.

Déjà sur l'Ukraine nation :
Les explications historiques brandies par les explicateurs pro-russes (c'est un tropisme de droite que de fonder le futur sur l'histoire) ne servent plus à rien maintenant. La nation qui se bat contre l'Ours mongol est nouvelle, enfantée en 2014 par l'Euromaïdan et accouchée le 24 février 2022 par l'invasion brutale de l'armée russe. Inutile d'y chercher des gènes anciens, le bébé est tout neuf. A preuve, la dérussification fait rage jusqu'au niveau des ploucs des colonies et la lutte anti-corruption n'a plus rien à envier aux opérations mains-propres chinoises. Les colons russes de Crimée et ceux des districts conquis au Donbass caltent. Bientôt ce sera pour eux la valise ou le cercueil. Il faut donc regarder cette nation encore en construction et lâcher les pogroms d'Odessa de 1905 ou les exactions bandéristes d'il y a 80 ans (quatre-vingt). Un peuple du Mélange européen* fait aujourd'hui nation contre une civilisation régressive arriérée qui veut l'asservir à sa loi. Quoi de plus simple ?

Note*: le territoire actuel de l'Ukraine est un précipité de vieilles "nations" de souche ou de déportation au gré des changements de frontières qui amalgament Ukrainiens, Ruthènes, Houtsoules, Russes, Roumains, Moldaves, Tatars, Biélorusses, Bulgares, Hongrois, Polonais, juifs et Karaïtes, Arméniens, Tcherkessogaïs, Grecs, Roms, Azéris, Géorgiens, Allemands, Gagaouzes plus 1% indéfini du total recensé (source)


Gosses sur un obusier russe rouillé

Et la Russie dans tout ça ?
Il est bien loin le temps de Pouchkine, Dostoïevski, Tchaïkovski, Tolstoï, Pasternak ou Boulgakov. Sauf à s'en être échappé, le peuple russe de la Fédération de Russie est composé, hors les trois villes emblématiques, de familles au cerveau rincé par une propagande de tous les instants depuis vingt ans. Parvenir à leur faire accroire que la Russie est attaquée quand aucun ennemi n'a franchi la frontière, vaut toute longue démonstration. Et ils applaudissent au bombardement des quartiers résidentiels ukrainiens ! Il en reste quelques-uns quand même à aller fleurir en province des statues en hommage aux tués de Dnipro. Le délire impérial de la nomenklatura-mafieuse au pouvoir à Moscou remet une pièce dans le jukebox de la nuisance russe éternelle, la marche au soleil couchant d'un Tamerlan de légende ne stoppera donc jamais ? Et tous ses voisins autrefois sous le joug soviétique ne s'y sont pas trompés une seconde qui font bloc aujourd'hui derrière Kyiv !

L'Incorrect remet les pendules à l'heure concernant le péché originel de l'Occident dans l'affaire d'Ukraine, ce qui va désoler le ramas de russophiles compréhensifs derrière un Luc Ferry par exemple (la bande passante est trop étroite pour les citer tous). Raphaël Chauvancy (officier-écrivain engagé) y dit que « la Russie n’est pas une victime. Elle a joué une partie qui visait à rétablir son statut de très grande puissance en réaffirmant son influence en Europe. Seulement, elle l’a perdue parce que ses forces ne sont plus suffisantes pour compenser le manque d’attractivité de son modèle ». Thibault Muzergues (International Republican Institute) y dit que « c’est la Russie qui a choisi de faire de l’OTAN son ennemie, pas l’inverse. Rappelons que jusqu’au début de l’invasion de l’Ukraine en 2014, les deux parties avaient construit un Partenariat pour la Paix (PPP) et il n’est pas venu à l’esprit des Russes de dénoncer l’élargissement de l’OTAN lorsqu’il s’est produit en 1997 – il aura fallu l’invasion de la Crimée en 2014 pour que le PPP prenne fin » et Julien Ravalais Casanova (de l'UNESCO) y dit qu'« un dialogue entre l’OTAN et la Russie a été mis en place, avec l’Acte Fondateur de 1997 et le Conseil OTAN-Russie qui a fonctionné de 2004 bon an mal an jusqu’en 2014, année de l’annexion de la Crimée. Pour mémoire, l’Acte Fondateur de 1997 stipule "le respect de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de tous les États et de leur droit inhérent de choisir les moyens d’assurer leur sécurité". C’est donc la Russie qui a renié ses engagements en envahissant l’Ukraine, pas l’inverse ».

Qui ne voit le plan américain de destruction de la menace russe ?
Perso, je le vois parfaitement et j'en souhaite son succès. Et si nous avons loupé le rendez-vous au Traité de Versailles de 1919 en ne démembrant pas le Deuxième Reich en autant de royaumes et principautés qu'il en avait naturellement, il ne faut pas louper le coche cette fois encore et démembrer la Fédération de Russie selon ses frontières intérieures à quelques exceptions près de territoires non viables en autonomie. L'Empire russe nous emmerde depuis des siècles et les nations non-russes de la Fédération ne veulent pas continuer à vivre sous le joug moscovite. Stop donc !
Reste à régler la question de la force de dissuasion nucléaire qui s'avère être une force d'agression potentielle à laquelle s'adosse un chantage pervers. Tout semblant de victoire de Poutine risque de susciter des vocations de bouclier atomique chez tous ceux qui aimeraient régler leurs problèmes de voisinage de la même façon. Quoiqu'il en soit, des amis américains m'ont dit qu'il y avait des protocoles de sûreté qui laisseraient à la Russie nouvelle sa capacité de dissuasion, la maintenant dans le cercle atomique et au Conseil de sécurité des Nations Unies, tout cela en souvenir du grand sacrifice de la Seconde Guerre mondiale. Mais pour cela, il faut changer d'interlocuteur à Moscou ou attendre qu'il meure. Qui s'y colle à l'œilleton ?

Quant à la fabuleuse amitié franco-russe que célèbrent les littéraires nostalgiques du tragique russe et tous les idiots utiles français et autres otaries battant des nageoires à l'apparition du mâle slave ceinture noire de judo qui chevauche des ours, je la laisse au cercle des poêtes disparus. Il ne me semble pas qu'elle ait joué quelque rôle que ce soit le 23 août 1939 quand fut signé le pacte Molotov-Ribbentrop, pas plus que lors de la guerre d'Indochine, encore moins dans les événements algériens ni aujourd'hui dans l'espace francophone africain. Il faut être aveugle ou gaulliste pour y croire. Qu'une classe russe éduquée aime la civilisation française n'oblige pas à réciprocité, sans pour autant en faire l'ennemi héréditaire. La place est prise par la perfide Albion. De toute façon comme nous le suggère Sergueï Lavrov, il faut une bonne fois pour toutes régler la question russe.
Et s'il fallait un slogan pour terminer cette guerre, je choisirais :

"La justice avant la paix"



Postscriptum athlétique :
La volonté russe explicite de détruire systématiquement les habitations et les infrastructures essentielles à la population d'Ukraine doit disqualifier les athlètes russes au J.O. de Paris, quel que soit le drapeau sous lequel ils concourraient, parce que toute médaille pseudo-russe sera accrochée sur la poitrine de Poutine. Et Anne Hidalgo (qui n'est pas ma copine ni ma cousine) a bien raison de dire niet. Désolé les mecs, revenez quand il sera mort !

5 commentaires:

  1. Moi aussi j'ai apprécié Poutine surtout après les bombardements iniques de Belgrade, la création du kossovo et la mise en place d'un régime criminel mafieux à Pristina. Mais le masque est tombé. La loi Iarovaia sur le terrorisme persécute les minorités religieuses (notamment les protestants et autres confessions "non historiquement russes") Nous sommes de retour à l'époque soviétique version Khrouchtchev . D'ailleurs l'ONG "portes ouvertes" qui défend les Chrétiens contre la persécution dans le monde a fait rentrer la Russie dans son classement des pays persécuteurs. Notez que "Portes ouvertes" n'est pas une organisation américaine, mais a été fondée par un ancien des troupes coloniales hollandaises en Indonésie qui a commencé à transporter clandestinement des Bibles en Pologne et en URSS dans sa coccinelle. On est pas dans le soft power US. Si on rajoute les tchétchènes hurlant "allah wakbar" avant d'aller en Ukraine, ou les compromissions russes en Arménie avec les azeris et turcs, il est clair que le mythe de Poutine porte étendard de la civilisation a vécu.
    Evidemment je ne hurlerai jamais "gloire à l'Ukraine" aux cotés des bobos convertis au bellicisme, et la vue du drapeau de l'OTAN m'inquiète toujours un peu (on ne sait jamais dans quoi on peut être entrainé, il suffit de se rappeler Belgrade) mais j'appartiens à cette génération qui a toujours vu dans le communisme soviétique un ennemi mortel. Et aujourd'hui on en est sur, il n'est pas mort.

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    1. Entre parenthèses, tout le monde à l'Est détestait les Serbes, bien avant le déclenchement de la guerre de Yougoslavie. Les nations fédérées les détestaient parce qu'ils commandaient tout partout, mais les autres pays de l'Est aussi. Polonais, Tchèques, Hongrois, tous détestaient les Serbes. Cette sorte de relégation morale a certainement déteint dans les décisions prises au cours de la guerre. Aujourd'hui la Serbie est vue comme le cheval de Troie de la Russie poutiniste, ce qui ne va pas arranger ses affaires.

      Poutine n'est pas stupide mais il n'est pas un stratège non plus.
      Pour mémoire : il fait revenir les USA en Europe, il perd deux états-tampons neutres sur sa frontière nord-ouest, il renforce la cohésion européenne, ferraille la moitié de son armée de terre et ruine les investissements étrangers dans la Fédération...
      C'est quelqu'un sans foi ni loi d'une intelligence moyenne mais très retors, rancunier et jamais en repos. Il peut très bien avoir assimilé que l'état de guerre était le plus sûr moyen de se maintenir au pouvoir et donc à l'abri de La Haye, ce qui implique l'acceptation d'une guerre longue ou d'un qui-vive permanent à la coréenne. Il peut faire tuer du monde en masse ; ça ne l'émeut pas beaucoup puisque c'est un "sacrifice" nécessaire à l'accomplissement du rêve impérial lui-même sacré.
      Il n'est jamais venu sur le front où les Russes ont laissé jusqu'à maintenant 180000 morts ou blessés graves. C'est aussi un couard. De ceux que nous avons connus, les soviétiques ne l'étaient pas.

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  2. Concernant l'affaire regrettable de Belgrade, il faut remettre des choses en perspectives.
    D'abord les Américains étaient excédés par les atermoiements européens, ils sont allés au plus brutal pour hâter la conclusion.
    La France n'était pas dans le commandement intégré OTAN pour offrir au départ un traitement alternatif du défi serbe, mais elle fut acceptée à la caisse à sable quand les opérations commencèrent. C'est ainsi que Chirac parvint à sauver les ponts du Danube, mais c'est là-aussi que la sécurité du SHAPE leva un espion français (Cdt Brunel) qui renseignait les Serbes.
    Sachant qu'à l'époque, il était admis partout ailleurs dans le milieu du renseignement que les services français avaient été infiltrés par les communistes dès après la Libération, la cote de la France, seul agent modérateur crédible, n'était pas bien haute.
    Mais Srebrenica, c'était pas nous !
    Nous fûmes entrainés au pire, le cul entre deux chaises, une sorte d'"en même temps" que Macron instaure aujourd'hui. Nous ne sommes pas assez puissants pour mettre deux fers au feu.

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  3. Certes j'entends bien vos argument mais le résultat est la: les mêmes qui ont retiré le Kossovo à la Serbie sont ceux qui aujourd'hui appellent à mourir (les autres, pas eux) pour la Crimée au nom de l'intangibilité des frontières! Et puis l'état kossovar choyé par Bruxelles et Washington n'est rien d'autre qu'un état toujours mafieux ou des abominations ont été commises dans un silence scandaleux. Quant aux derniers serbes ils sont considérés comme des parias et sans la Serbie proche leur compte aurait déjà été réglé. Merci qui?

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    1. C'est la même portée de musique. Les Américains, venus à contrecoeur, ont implanté le camp Bondsteel comme QG de gendarmerie au milieu du bordel balkanique et ont installé un Etat à leur botte tout autour. Les exactions les ont certes surpris mais après ce qu'ils avaient vu, ils ont dû considérer qu'en pays de sauvages, c'était du traditionnel.
      A ce qu'on dit, Bondsteel est une ville US maintenant.
      L'Europe en a tiré peu de leçons finalement.

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