Note d'ordre : Ceci est le résultat d'un travail personnel de longue haleine et sans intérêt public mais accessible à tous. Il est sauvegardé sur ce blogue par commodité et susceptible d'augmentations/corrections. On n'y trouvera pas de carte détaillée de toutes les voies romaines du Midi, ni les modes et techniques précises de construction standardisée de ces routes, juste une évocation ; de nombreux ouvrages spécialisés en parlent d'abondance pour qu'il ne soit pas nécessaire de mimer l'érudit. Ce n'est donc pas une "thèse de dynamique spatiale" comme on appelle aujourd'hui les monographies de transport.
Dans une vie antérieure, j'ai appris qu'un consul romain décréta la construction d'une Via Rutenorum de Nîmes à Rodez à travers une contrée coupée en tous sens de montagnes et de cours d'eau parfois encaissés (Vidourle, Rieutord, Hérault, (Arre) Vis, Tarn, Viaur, Aveyron), avec de grandes déclivités (accès au plateau du Larzac). Je la date du IIè siècle post-Christum et on la retrouve dans l'histoire régionale sous différents noms en sus du précité, selon les tronçons : Cami Romieu, Cami Farrat, Route des Rutènes, Chemin Royal, Chemin Vieux, Grand Chemin. A noter que la section Larzac-Nîmes n'est pas sur la Table de Peutinger, ni sur l'Itinéraire d'Antonin (guide du routard du IVè s.). Elle est notée comme "diverticula" par l'archéologue Louis Bousquet.
Des géographes donnent pour acquis que cette "route" est un tronçon d'une voie romaine transversale qui allait de Arles à Saintes en bifurquant de la voie domitienne à Nîmes pour franchir les Cévennes. Elle se continue après Rodez vers Cahors etc... En fait, le même service est aujourd'hui rendu par l'aboutement d'est en ouest des routes D999 (de Nîmes à La Cavalerie du Larzac), N9 (de La Cavalerie à Millau) et D911 (de Millau à La Primaube - Aveyron) puis la N88 (de La Primaube à Rodez).
Quelle pouvait être l'intention du consul romain à lancer pareils travaux en Narbonnaise ?
Il a toujours existé un chemin à travers les basses Cévennes reliant les Volques aux Rutènes. A l'époque gallo-romaine, Segodunum ("le piton des plus forts"), bien qu'excentrée, était une ville relativement plus importante qu'aujourd'hui, capitale d'un pays riche tant en mines, cultures qu'en industries, et gouvernée par des élites éduquées qui n'eurent aucun mal à prendre en charge l'administration impériale à leur compte après la Conquête. S'il reste très peu de vestiges romains sur l'oppidum de Rodez (planchers carrelés de villas, mosaïques, hypocauste, amphithéâtre, fondations du grand forum, acqueduc, cloaque voûté), plusieurs voies romaines importantes en rayonnaient avant la construction de la Via Rutenorum, qui permettaient déjà l'accès à Toulouse par Gaillac et Rabastens, à l'Aquitaine par Cahors, à la Narbonaise maritime par Clermont l'Hérault et à Lyon par Javols. Il aurait existé aussi une voie Nîmes-Lodève (par Sommières, St Martin-de-Londres (départementale D1) et continuant sous la Séranne par La Vacquerie (-St Martin de Castries) permettant d'éviter le chaos du piémont de l'Aigoual (Lingas) et d'attraper à Soubès la pénétrante sud-nord vers Millau en direction du nord et la Domitienne en direction du sud. Mais sur le Larzac, notre route est identifiée comme différente de celle de Lodève qu'elle rejoindrait à hauteur de La Cavalerie (?!). Quand on connaît le territoire traversé entre Le Vigan et La Cavalerie, on élimine tout intérêt fiscal voire même administratif. Par contre, connaissant les têtes dures des Cévennes et les caboches du Rouergue, il est pensable que la voie facilitait les opérations de police de l'empire, la circulation des ordres impériaux et du courrier.
On ne doit pas négliger les motifs économiques d'échanges interprovinces et au-delà. Nîmes est à cette époque le pôle le plus attractif du Midi et une bourgeoisie d'affaires y est très influente. Descendent du Massif Central, des minerais triviaux et précieux, des articles métalliques, de la poix, de la vaisselle en quantité industrielle (céramique sigillée de la Gaufresenque près Millau), des bœufs (salers rouges), des moutons, de la laine, du drap et des fromages ; proviennent d'Aquitaine et d'Espagne, ânes et chevaux, des peaux tanées, des fourrures, des fruits secs, des minerais raffinés ; d'Italie, de l'huile (d'olive), des produits de l'agriculture élaborée, du vin ; et importés par le port de Narbonne, arrivent des épices, des herbes de sacrifice (myrrhe, encens), des parfums (musc), de la soie, de l'ivoire provenant de Méditerranée orientale (Alexandrie et les échelles du Levant) ; sans oublier le trafic du sel de mer indispensable aux salaisons.
Reste l'hypothèse d'une voie de recul stratégique permettant de faire marcher des légions depuis Arles vers le bassin fluvial de la Garonne sans passer par les voies littorales faciles à conquérir pour l'ennemi du moment. A ce sujet, il faut rappeler que la voie ferrée Tournemire-Le Vigan par le Larzac (1879-1971), tronçon d'un Rodez-Lunel, répondait aussi au défi stratégique de basculer en sûreté des moyens entre les bassins du Rhône et de la Garonne. Mais plus probablement tous ces motifs se sont rejoints pour ouvrir une voie coûteuse entre la capitale économique du pays et l'oppidum ruthénois d'où repartaient d'autres voies vers l'ouest et le nord.
Il est quasiment certain que les ingénieurs de l'empire ont suivi le plus souvent possible les drayes à bétail ou les chemins gaulois que l'on nous dit nombreux. Ainsi parle-t-on souvent de voies "gallo-romaines". Pour terminer ce paragraphe, il faut souligner qu'avant la Conquête, il existait des voies gauloises empierrées dites charretières, capables de trafic à grand débit. César en fera bon usage pour faire marcher ses légions, comme plus tard les hordes barbares feront leur profit des belles voies romaines comme autant d'axes de pénétration rapide de leur cavalerie et de leur charroi.
Nous allons donc nous limiter à sa description et oublier son intention initiale. Le contrôle de l'itinéraire est fait sur la carte Michelin n°80 au 200.000ème (éd.1990 d'avant l'autoroute A75). Pour mémoire, les Ponts & Chaussées romains ont construit plus de 320.000 kilomètres de routes ! Elles furent la première armature impériale et à ce titre, il semblerait que ces constructions ne cessèrent pas tant que l'Etat prévalut jusqu'au IVè siècle.
Itinéraire
La Route des Rutènes "Nîmes-Millau-Rodez" commence dans le bassin drainant du Vidourle (fuseau de la départementale D999 du Gard) jusqu'à Moulès (près de Ganges). Elle franchit à sec le torrent du Rieutord pour remonter vers Sumène* et bascule à Cap-de-Coste dans le bassin drainant de l'Hérault qu'elle franchit à Pont-d'Hérault. Elle évite les emportements de l'Arre en passant par Bréau et le col de Mouzoulès et par Aumessas rejoint Alzon où elle franchit la Vis, puis se hisse par le causse de Campestre sur le plateau du Larzac au col de la Barrière près de Sauclières (frontière gauloise entre Volques et Rutènes), vers Saint-Martin du Vican. Soit elle rejoint à l'Hospitalet du Larzac ou à La Cavalerie la voie Cessero-Luteva-Condatomagos-Segodunum qui remonte de Saint Thibéry depuis la Voie domitienne vers Rodez, mais plus probablement elle tire droit à travers le camp militaire jusqu'à l'est de Creissels d'où elle tombe sur le Tarn qu'elle passe à gué. A noter l'alignement SE-NO de St Martin du Vican, Les Liquisses, Les Agastous, La Blaquière et St Michel.
*une option intéressante à vérifier serait le chemin en hauteur Ganges-Cap-de-Coste qui suit la ligne de partage des eaux entre Rieutord et Hérault et qui évite les crues du torrent. Il s'embranche en continuation du Chemin des Cades à Ganges et vers le nord devient le GR 60. C'est dans l'autre sens une large piste forestière desservant les Jumeaux de Sumène. Cet itinéraire évite la côte si raide qui, passant de Sumène à Pont-d'Hérault, fit tant parler d'elle sous l'Ancien régime.
De Millau vers Rodez on la suit sur le fuseau de la D911 (Millau-Villefranche de Rouergue) jusqu'à la tour d'Azinières, puis vers Comberoumal, les Vernhes (lac de Pareloup), Camboulas, la Baraque du Pouget, Viel-Vayssac, Briane, Hyars, La Vayssière et par la D62 au Monastère sous Rodez pour franchir l'Aveyron et monter à l'assaut du piton jusqu'à la porte Sainte-Catherine. Les passages attestés existent** mais sont peu nombreux. Une pratique des travaux publics permettrait de diriger aujourd'hui la voie entre les côtes montueuses, les gués et les toponymes romains comme Lestrade. Combien de "baraques" dans les deux fuseaux successivement considérés ! Mais sur notre itinéraire, il ne reste aucun pont romain franchissant les fleuves et rivières précités. De Rodez le réseau continue vers Cahors, vers Toulouse d'une part, et vers Javols (et Lyon) d'autre part. Pour mémoire, des drayes destinées à la transhumance, qu'il ne faut pas confondre avec des voies romaines, sillonnent le territoire et peuvent prêter à confusion.
Technique des chaussées
Le tracé privilégié par les ingénieurs impériaux est la géodésique s'affranchissant des déclivités par le déblai-remblai du sol primaire. Si le souci de la pente est présent, celui de la ligne droite l'est tout autant et l'on s'étonne de trouver des pentes raides qui convoquaient parfois un renfort d'attelage pour franchir le col.
Nous confions ce paragraphe à l'érudition des grands anciens qui savaient tout sur la voie romaine standard (avec beaucoup d'exceptions): 22 pieds romains de large, bordés de 2x14 pieds non edificandi (50 pieds d'emprise totale), chaussée perméable sur ballast, parfois bombée, parfois non, dégorgeant dans des fossés ou drains d'évacuation. Les voies qui nous occupent en pays rutène n'étaient pas pavées comme les voies prestigieuses de la plaine de Languedoc, mais empierrées et sablées (viae glarea stratae), donc plus difficiles à détecter de nos jours, même si parfois sous la terre arable rapportée par le vent, on retrouve l'ouvrage multi-couches presque intact, avec son profil légèrement convexe.
Bornes milliaires :
Les distances que l'on trouve sur les bornes kilométriques rescapées de l'antiquariat se comptent en lieues gauloises romanisées ou en milles romains. Après d'épiques empoignements au millimètre près entre sociétés savantes, l'académie s'est accordée sur les valeurs suivantes :
La grande lieue gauloise (7500 pieds) vaudrait 2468 mètres d'aujourd'hui et le mille romain 1481 mètres (1000 double-pas).
Le pied romain dont on connaît des étalons vaut 0,296 mètre ce qui porte l'emprise inaliénable de la voie standard à 15 mètres et la largeur carrossable de la chaussée à presque 6 mètres. Sur le camp militaire du Larzac, on a fouillé un tronçon à grand débit qui faisaient 7,40 mètres de large.
**Passages attestés :
Le Monastère et Layoule pour l'Aveyron (2 bretelles inexplicables d'accès à la ville mais déjà constatées ailleurs en Rhénanie, se rejoignant à la Baraque du Pouget-D911)
Mas Marcou (Flavin)
Hyars (Flavin)
Camboulas (pour le Viaur)
Crespiaguet
Canet de Salars
Les Vernhes (Pareloup)
Curan
Comberoumal (vallon romain)
Azinières
Les Aumières (GR62)
Millau (Condatomagos = place de marché du confluent)
Gué de Saint-Thomas (Tarn)
Route de Brunas (lacets)
(on n'a pas retrouvé l'embranchement des deux voies du Larzac entre L'Hospitalet et La Cavalerie, mais les bâtiments romains de services aux voyageurs sont peut-être sous les villages bâtis)
Sauclières
Col de la Barrière (D999 x D273)
Alzon (pour la Vis)
Mouzoulès (col de) du taillable de Mars (le chemin des Rutènes signalé en surplomb de la vallée de l'Arre ressemble plus à un chemin gaulois empierré qu'à une voie romaine)
Le Vigan (Avicantus - chant d'oiseau)
Le Rey (pour l'Arboux) Pont-d'Hérault (pour l'Hérault)
Sumène
Gué de Ganges (Aganticum) (pour le Rieutord)
Mandiargues
Sauve (pour le Vidourle)
Quissac (Quintiacum)
Montpezat
Chemin vieux de Sauve (Porte de S. à Nîmes)
Le doute qui persiste sur certains tronçons de la voie pourrait être levé en faisant une randonnée à cheval (avec quelques instruments de géodésique) et en se mettant dans la peau de l'ingénieur romain, sachant qu'il privilégiait la ligne droite ou les larges courbes prenant en écharpe la déclivité plutôt que des lacets moins abrupts, pour des considérations économiques et de visibilité du trafic. Le territoire n'a pas été bouleversé, on est dans les conditions d'époque. En selle !
borne milliaire à Rodez |
Sources :
- https://www.nationalgeographic.fr/histoire/les-voies-romaines-reseau-routier-dun-empire
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Voies_romaines_en_Gaule (dont Arles-Saintes en Charente maritime)
- https://fr.taylrrenee.com/obrazovanie/85077-rimskaya-doroga-opisanie-istoriya-osobennosti-i-interesnye-fakty.html
- https://aquitania.u-bordeaux-montaigne.fr/_jumi/pdf/1385.pdf (p.333 et s. - voies et chemins en Rouergue)
- http://www.nemausensis.com/Gard/TopoGard.htm
- http://www.lesportesdutemps.com/archives/2019/08/01/37536008.html (distances)
- https://www.st-jacques-aveyron.com/ititour/objects/poi/documents/E01-livre-sur-voie-romaine-Lestrade.pdf
- http://www.nemausensis.com/Nimes/ViaDomitia/MilliairesVoieDomitiene.pdf (bornes milliaires)
- https://www.persee.fr/doc/galia_0016-4119_1999_num_56_1_3011 (lieue gauloise)
- http://voiesromaines35.e-monsite.com/pages/elements-de-toponymie.html
- https://journals.openedition.org/gallia/596 (St Thibéry-Rodez)
- https://issuu.com/loubatieres/docs/9782862666280 (itinéraire en Basses Cévennes)
- https://www.archeo-rome.com/voies/voies05.html (centuriation pratique)
- https://www.jstor.org/stable/44744702 (relais routiers romains entre St Thibéry et Rodez)
- https://www.persee.fr/doc/sracf_1159-7151_2009_act_35_1_1422 (vestiges romains de Rodez et de Millau)
- https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96163310/f1.item (Le Gautier de la construction des chemins - 1755)
- https://www.journaldemillau.fr/2023/11/28/histoire-et-patrimoine-a-la-decouverte-de-la-voie-antique-entre-millau-et-nimes-12-11608508.php (page 1 sur 2)
- https://www.journaldemillau.fr/2023/11/29/histoire-et-patrimoine-a-la-decouverte-de-la-voie-antique-entre-millau-et-nimes-22-11608553.php (page 2 sur 2)
- https://www.jstor.org/stable/41643360 (Les Rutènes d'Alexandre Albenque - recension par Marcel Renard)
Commentaires ? Les corrections étayées sont bienvenues.
Petites notes en lisant :
RépondreSupprimer(1) Atterrages à Rodez de la voie romaine de Millau.
Nos inlassables érudits (Albenque, Bousquet,...) ont reconnu deux itinéraires d'arrivée à Rodez qui partent de la Baraque du Pouget (sur la D911). L'un part vers le causse de Sainte-Radegonde. Il est balisé GR62-620 (on a la trace dans la châtaigneraie de Layoule) et descend sur l'Aveyron au pont de Layoule (le gouffre de l'idôle) ; l'autre traverse le causse de Flavin (plusieurs témoignages cités dans l'article) et descend sur l'Aveyron au pont du Monastère.
Si on sait que ce dernier entrait en ville après une ascension assez abrupte par la porte Sainte-Catherine (la rue de ce nom existe toujours) ; le premier par Layoule est plus facile : après la côte un peu raide de Layoule, on aboutit au carrefour actuel de Saint-Cyrice et il ne reste plus qu'à poursuivre gentiment sur la longue courbe de la Rue Béteille (route des Gabales) qui, passant au-dessus de l'amphithéâtre, aboutit par la Rue Marie actuelle au grand forum gallo-romain (place de la Cité). On a retrouvé un joug de trait gallo-romain dans des fondations rue Béteille.
L'autre itinéraire par la porte Sainte-Catherine débouche sur la place rectangulaire dite aujourd'hui du Bourg, de tout temps une place de marché aux victuailles.
Petites notes en lisant :
RépondreSupprimer(2) Distances et temps
La distance entre Rodez et Nîmes à l'époque romaine est estimée à 220 kilomètres environ, soit 148 milles romains ou 89 lieues gauloises. On ne peut pas la vérifier sur la table de Peutinger ni sur l'Antonin.
Combien de temps durait donc le voyage ? En se basant sur la ballade équestre de la Route du Sel entre Salmiech et Aigues-Mortes, on peut extrapoler et annoncer sept jours de chariot et neuf ou dix jours à pied selon l'impedimenta et le temps qu'il fait.
Avec des relais de chevaux frais, la poste impériale (le cursus publicus ou vehiculatio) pouvait rejoindre en 4 ou 5 jours selon la météo des plateaux (Larzac et Levézou) et les crues éventuelles des nombreuses coupures humides.
(source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cursus_publicus#Organisation )
D'accord, on ne parle pas des meutes de loups du Lagast.
Bravo pour cette passionnante contribution. J'en suis d'autant plus ému qu'elle me rappelle le plaisir que j'ai eu à participer, en 1958, à des fouilles archéologiques en Aubrac, au cours d'un camp scout, sur le trajet de la voie romaine qui traversait le plateau de Rodez à Javols !
RépondreSupprimerJYP
Des quatre voies qui rayonnaient de Rodez, c'est celle des Gabales à Lyon par Javols qui a été la plus fouillée. Le plateau de l'Aubrac n'est pas labouré et donc l'usurpation paysanne des chemins n'y sévit pas.
SupprimerCes dispositions auraient dû prévaloir sur le plateau du Larzac et pourtant mis à part l'exhumation de rares tronçons vers Lodève, aucun vestige probant n'a été retrouvé entre Millau et le tombant du col de la Barrière (Sauclières) vers Le Vigan.
Petites notes en lisant :
RépondreSupprimer(3) Ressources en eau des relais routiers des voies romaines du Larzac.
Abreuver la traction fut de tout temps le premier souci du voyageur avant de se restaurer soi-même. Il est intéressant de faire un inventaire rapide des ressources hydriques du plateau calcaire qui a pour premier inconvénient d'absorber rapidement l'eau des précipitations.
Les sites agricoles en exploitation sont une bonne indication de point d'eau, et les réservoirs de pluie n'ont pas été inventés par les fermiers de l'ouest sauvage. Mais la santé des équidés est préservée par l'eau courante et non par l'eau croupie des auges de pierre.
Entre le col de la Barrière et Creissels on relève les sources suivantes :
- Sauclières : la Virenque et divers petits affluents tributaires de la Vis
- Entre le Liquier et Saint-Martin du Vican, on traverse deux cours d'eau, le Roubieu et le Durzon (source exploitée dès la paléolithique) qui sont tributaires de la Dourbie.
A noter en passant que sur la D7 entre Sauclières et Combe-Redonde passe la ligne de partage des eaux entre le bassin drainant versant dans l'Atlantique et celui versant dans la Méditerranée.
Vers le sud (et Lodève) il y a de l'eau à La Pezade (source du Bauras et un lac variable aux Rives (D142) avant d'arriver à la Lergue.
En direction de Millau depuis Sauclières, c'est un peu le désert de la soif, sauf à l'Hospitalet et à La Cavalerie, sites qui n'auraient pu se développer autant à l'époque gallo-romaine sans point d'eau. Mais on peut objecter que les hameaux agricoles alignés que sont Les Liquisses, Les Agastous, La Blaquière et Saint-Michel, et que l'on soupçonne implantés en bord de voie, n'auraient pu subsister eux non plus sans eau.
Donc les deux thèses d'atterrissage de la voie du Vigan soit sur l'Hospitalet soit directement sur Creissels se tiennent. Une hypothèse crédible est que depuis Saint-Martin du Vican, cavaliers montés voire piétons pouvaient aussi tirer droit sur le causse en s'affranchissant de la voie empierrée. Il suffit de traverser le camp du Larzac pour comprendre qu'il n'y a pas besoin de "chemin tracé" pour avancer sur les prés à mouton. En revanche, cet itinéraire seulement piétiné expliquerait pourquoi nul vestige n'en est parvenu jusqu'à nous.
Le reste du parcours vers Rodez traverse la plateau du Levézou qui est très arrosé et ne pose aucune difficulté à se ravitailler en eau ; pas plus d'ailleurs que le tronçon de plaine entre Nîmes et le Vigan coupé de rivières.
Petites notes en lisant :
RépondreSupprimer(4) Vestiges ou mirages
Même si des passages de la Route des Rutènes entre Sauve et Creissels (Millau) sont attestés dans diverses publications , on n'a pas retrouvé d'empreinte de cette voie au sol ou sous le sol actuel. Je rappelle que la voie gallo-romaine de Nîmes au Vigan et à Millau n'est pas répertoriée sur les tables de Peutinger, pas plus que sur l'Itinéraire d'Antonin. En revanche la dorsale Cessero (St Thibéry) - Segodunum (Rodez) y est, tant sur les cartes qu'au sol. On parle bien de ce tronçon particulièrement montueux après le Vigan. On prétend qu'un chemin empierré à écartement de charette au-dessus du Vigan vers Alzon serait un tronçon de cette voie ; mais l'assertion relève peut-être de la consolidation du patrimoine touristique local.
Par contre, comme il est dit dans l'article, le chemin des Volques (arécomiques) aux Rutènes passait par là avant même la Conquête, les deux tribus ayant marqué leur territoire au col de la Barrière (Sauclières) disent les archéologues. Est-ce à dire que la voie romaine Sauve-Millau n'a jamais existé ? Que les chercheurs ont pris un chemin charretier (empierré) qui pouvait apparaître ci ou là, pour les vestiges d'une voie romaine ? On n'a pas non plus retrouvé de borne milliaire sur ce trajet (mais elles étaient devenues rares dès le XVIIIè siècle). S'il ne s'agissait (pour le fisc ou la légion) que d'atteindre Avicantus (Le Vigan), dernier village latinisé sur l'axe avant de retrouver Lestrade (près de La Cavalerie actuelle), un chemin plus ou moins carrossable suffisait. D'autant que le trafic du cheptel (et la tranhumance) profitait de deux grandes drayes collectrices que sont toujours celle de la Lusette venant de la garrigue de Montpellier et montant du Rey à l'Espérou (GR60) pour continuer vers l'estive jusqu'au plateau de l'Aubrac, et l'autre presque parallèle, dite de l'Asclier (GR6-67), montant de la plaine du Vidourle vers le mont Lozère et la Margeride.
Les érudits se seraient-ils recopiés pour un mirage ?
Petites notes en lisant :
RépondreSupprimer(5) On the road again !
Par les voies romaines ou les routes royales, impériales, les drayes de transhumance, les chemins charretiers ou creux, on a marché très longtemps dans l'histoire, et ce n'est qu'après-guerre que les lignes d'autocars purent drainer des clients jusqu'au moindre bourg ; mais cela avait quand même un prix.
Quand dans l'entre-deux-guerres, mon arrière-grand-père maternel² montait des Cévennes pour voir sa fille à Paris, qui avait épousé le fils d'un cabaretier, il faisait son sac, y serrait son bâton de montagne et passait le col de la Triballe puis l'Asclier, laissait l'Aigoual à sa gauche, montait vers la Corniche (N106) pour rejoindre Florac en laissant le Lozère à sa droite, passait le causse de Mende vers Saint-Flour, puis Clermont, Moulins (N7), Nevers, Montargis, Fontainebleau. Il comptait, à pied et sans beaucoup de numéraire, une lunaison sauf imprévus. La distance à vol d'oiseau est de 550 kilomètres jusqu'à la Porte d'Italie et plus ou moins 700 par les chemins de jadis.
Ce voyage (aller-retour) était organisé tous les trois ans environ selon les travaux d'été exigés par la propriété. Comme les pèlerins de Compostelle aujourd'hui, les voyageurs pédestres cheminaient en sûreté en formant des groupes selon affinités et l'allure de marche. Sans doute savaient-ils profiter de temps en temps de quelque carriole charitable, mais l'essentiel se faisait pedibus cum jambis. A l'étape, la paille d'une étable offrait le luxe mérité et ils payaient la ventrèche de la soupe. Il est mort de vieillesse le 26 juin 1941, après avoir sonné de la conque sur sa terrasse pour qu'on vienne le prendre au capmas dans la montagne. Il avait 75 ans.