lundi 22 mai 2023

Le mâle alpha n'est pas celui qu'on croit

Le contraste est saisissant entre un comédien ayant sauté la rampe de l'avant-scène pour s'investir à fond dans la défense de son pays en guerre, avec une allonge diplomatique que bien de ses alter ego peuvent lui envier ; et là-bas, le gnome maléfique confiné dans son bunker anti-atomique étanche à toute réalité, qui ne réagit qu'aux déférences de cour. Un homme sain, intelligent et pugnace malgré l'usure de la guerre ; un culturiste de la virilité rongé par ses échecs.

drapeau séoudien
Après sa tournée européenne d'augmentation du courage occidental, on attendait une forme de consécration personnelle au G7 d'Hiroshima mais c'est à Djeddah, au 32è Sommet de la Ligue arabe que l'effet le plus négatif pour Poutine a été produit. Des analystes sérieux nous donneront-ils les raisons tortueuses qui ont poussé le prince héritier séoudien à faire venir M. Zelensky dans cette enceinte, lui donnant la primeur tant au pupitre qu'à l'exposition médiatique ? Normalement, c'était la Russie poutinienne qui devait bénéficier indirectement du retour à la banque du tyran prodigue, en faisant un pied de nez à la coalition occidentale que l'Alaouite doit affronter encore par procuration. Or, mis à part la déclaration "téléphonée" du refus des ingérences étrangères dans les affaires intérieures par le raïs syrien, il fut question comme à l'accoutumée des éruptions géopolitiques qui minent le monde arabe, telles que l'apartheid israélo-palestinien, la révolte syrienne, la révolte houthie, la guerre civile soudanaise et les vœux pieux habituels sur la corruption et la répression des opinions publiques (clic). Mais on ne parla que de Zelensky.

Pour notre part, j'y vois trois raisons :

(1)- par le traitement très ordinaire réservé à Bachar al-Assad, MBS montre à la Russie qu'elle ne gouverne rien plus loin que ses frontières et surtout dans l'OPEP+ ; la Ligue arabe ne lui doit rien et n'entend pas se charger de ses intérêts ;
(2)- par le traitement exceptionnel réservé au bras armé du G7, montrer à l'Occident global que le monde arabe ne lui est pas hostile pour peu que l'ingérence dans les affaires de l'Orient compliqué diminuent sensiblement ;
(3)- par la réintégration de sa bête noire de Damas, montrer à Israël que les Accords d'Abraham ne lient pas les Etats signataires au-delà des textes approuvés, surtout depuis la rencontre sinoportée des dirigeants iraniens et séoudiens qui doit tout changer... au Yemen, en Syrie et en Irak (mais il y a loin de la coupe aux lèvres).

separation

A Hiroshima, le président ukrainien a eu la possibilité de parler à des "clients" de la Russie comme l'Inde et le Vietnam (voir la liste des participants) mais pas au Brésilien Lula - que faisait-il là ? - qui met les belligérants dans le même sac et qui s'est retrouvé bien seul assis quand tous les autres se sont levés pour l'accueillir. Par sa seule présence, il a aussi endossé la mise en garde du G7 à la Chine populaire d'arrêter de se payer de mots dans le champ diplomatique tout en déstabilisant des régions entières par des moyens déloyaux. La même Chine qu'il observe dans son agitation diplomatique en Asie centrale dans une concurrence ouverte mais niée avec Moscou.

Sergueï Lavrov peut maugréer tant qu'il voudra dans sa barbe, son influence diplomatique n'est désormais proportionnée qu'à son pouvoir de nuisance (essentiellement le grain), pouvoir que les alliés de l'Ukraine ont entrepris de réduire à presque rien. La Russie de Poutine-Patrouchev n'a plus de projet à vendre à ses partenaires autre que celui de répandre la mort, à son occident pour commencer. Cet obsession morbide va couper la Russie du reste du monde et l'enfermer dans sa paranoïa que bientôt plus personne ne voudra partager. Une puissance régionale, disait Obama, un empire érémitique enfermé aujourd'hui sur sa désolation. Quel contraste ! A Kyiv, un homme crédible dans sa lutte contre l'agression étrangère, montrant un esprit ouvert, présidant un pays libre de gens libres ; là, une jachère immense qui fonce vers son destin coréen sous la férule d'un tyran fébrile et peureux qui se déplace d'un bunker à l'autre dans un train blindé, et ne sortira plus de chez lui depuis son incrimination à La Haye. Ici, on déborde d'ingéniosité pour palier les carences et vaincre dans son bon droit ; là, une jeunesse éduqué est en fuite, une logorrhée risible dans sa primitivité ou déspérante de bêtise se répand sur les ondes, des savants sont emprisonnés parce qu'ils n'ont pas livré au despote l'arme fatale commandée, des élites sont à l'affût de combines pour sortir du piège ! (info +) La Russie de Poutine est presque un album de bandes dessinées. Ils en sont venus à cartographier les nœuds et fuseaux de communications sous-marins européens et les champs d'éoliennes pour instrumentaliser une menace latente, à défaut de faire vraiment peur par ce qu'ils ont montré jusqu'ici en vraie grandeur. On se rengorge ce soir à Moscou de la "prise de Bakhmout", un abcès de fixation de moindre importance tactique, après huit mois d'assauts acharnés et combien de dizaines de milliers de morts ! Est-ce fini ? Le casse-noix est en place.

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Entretemps, j'entendais réciter le catéchisme russe par des analystes du microcosme royaliste et assimilé, tout à leur adoration du Grand Mâle Blanc contrarié par l'Amérique dégénérée, croyant, sans rien savoir au fond, que la guerre d'Ukraine n'est pas notre guerre. Ils nous rappellent les grands anciens qui pensaient que l'affaire des Sudètes n'était pas non plus notre affaire, avant que le tyran de l'époque ne se jette sur ses voisins, l'encre de Munich à peine sèche. Que deviendraient les Baltes et la Moldavie si la paix par capitulation - la seule acceptable par Moscou - aboutissait, sachant que la signature russe est sans valeur depuis 2014 ? Ce ne serait toujours pas notre guerre ? Difficile de faire plus lâche. Le microcosme a une fâcheuse tendance à entrer dans tous les tunnels bouchés de l'histoire, à la poursuite de ses anachronismes, sans rien connaître de la charpente stratégique du monde réel. Hélas ! Trois fois !

7 commentaires:

  1. Cette propension à ne rien apprendre comme à ne rien oublier m'étonnera toujours. JYP

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  2. Le président Lula s'est dit "contrarié" de n'avoir pas pu rencontrer Zelensky au G7 d'Hiroshima, en oubliant, comme vous l'avez justement noté, qu'il était resté assis quand le président ukrainien est entré dans la salle.
    C'est ce que dit le Figaro :
    https://www.lefigaro.fr/flash-actu/sommet-du-g7-lula-se-dit-contrarie-de-ne-pas-avoir-pu-rencontrer-volodymyr-zelensky-20230522

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    1. Qui douterait encore que Lula (que faisait-il là !) soit un imposteur ? Mais il est vrai qu'il y en avait d'autres...JYP

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  3. Deux milices russes venues de l'oblast de Kharkiv ont attaqué deux villages sur la route de Belgorod. Poutine est attaqué. Il va creuser plus profond.

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  4. Ce qui va bien avec les dictatures c'est que les pantalonnades les plus burlesques comme l'affaire de Belgorod n'ont pas de prise sur la réputation du tyran. Le ridicule n'y tue pas.

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  5. Cit :[ mais pas au Brésilien Lula - que faisait-il là ? - qui met les belligérants dans le même sac et qui s'est retrouvé bien seul assis quand tous les autres se sont levés pour l'accueillir. ]
    Bonjour ,
    Je tombe par les hasards des moteurs de recherche sur votre article .
    L'expression est libre mais quand on se pique de commenter un événement , on se documente à minima ailleurs que dans " Le Figaro " et " Le Monde " !
    Réponse : Il a été invité dans ce que les moins informés des commentateurs considèrent comme une tentative des " havings " d'influencer le " Sud Global " !:
    https://www.dw.com/pt-br/o-significado-do-retorno-do-brasil-ao-g7-depois-de-14-anos/a-65678501
    Cette rencontre aurait été planifiée depuis la visite du Conseiller Celso AMORIM dans la capitale Ukrainienne :
    https://www.gazetadopovo.com.br/republica/breves/lula-reuniao-zelensky-ucrania-celso-amorim-entrevista/?ref=link-interno-materia

    Et c'est bien la diplomatie Ukrainienne qui a refusé les trois créneaux proposés par la diplomatie Brésilienne Là c'est même en Français
    https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/dans-la-presse/20230522-loi-de-programmation-militaire-de-l-argent-pas-d-audace

    Conclusion pour le Président Lula Da SILVA : " Le ZELENSKY est un adulte majeur ( lire " grand garçon " ) qui sait ce qu'il fait " !
    https://g1.globo.com/politica/noticia/2023/05/21/lula-diz-que-nao-se-reuniu-com-zelesnky-porque-presidente-ucraniano-atrasou-e-nao-apareceu-para-encontro.ghtml

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    1. Merci de ce paquet d'informations qui ne change pas la question : que vient faire le Brésil dans un conflit européen ? il n'y a pas d'intérêts géostratégiques, et sur le marché mondial des denrées, il est un concurrent sérieux des deux belligérants.
      En plus, son plan équidistant appelant à la paix renforce la demande de capitulation émise par Moscou, donc le disqualifie comme médiateur.
      Personne n'attend Lula.

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