lundi 1 mai 2023

Vlad Ze Minus

Tapis ! Je vois ! L'affaire va se jouer en un seul pot comme au poker. La guerre ukrainienne de déception est à son comble et augure une offensive générale depuis que les Etats-Unis ont déclaré que 98% des armes promises avaient été livrées à Kyiv. La belle assurance des plateaux-télé moscovites a cédé le pas à des interrogations de plus en plus angoissées, chacun se demandant s'il verra un jour la victoire, surtout depuis que sautent des bombes dans les grandes villes, comme jeudi à Moscou où un centre financier très récent a couvert le ciel d'un gros panache de fumée noir anthracite pendant plus d'une heure ; et samedi dans un parc pétrolier de Sébastopol, ville sacrée de la vache éponyme. L'eurasiste Douguine a été raté mais sa fille a payé pour lui ; le milblogueur Tatarskii (500k abonnés) a recu le cadeau attendu qu'il emporte en enfer ; Igor Guirkine se dit menacé ; d'autres suivront. En face d'eux, les oligarques fortunés tombent comme des mouches, par les fenêtres. Bientôt, puissants et fonctionnaires du Kremlin commenceront à avoir peur ; peur d'une défaite en Ukraine qui ruinerait le pacte de famille à la sicilienne déclenchant la lutte de tous contre tous, peur de la Résistance infiltrée capable de les tuer comme des blaireaux. Cette peur se communiquera-t-elle au leader suprême ? Déclenchera-t-elle l'armaggedon tant redouté s'il est cornerisé ?

Vladfimir Poutine en avril 21 pour 20minutes

Poutine s'est mis tout seul dans la seringue. Il n'a jamais été au niveau que méritait la Russie avec son histoire, ses vraies élites scientifiques et culturelles et ses rentes minières inépuisables. Tout était là pour développer une industrie de biens de consommation à proximité du marché de consommation le plus solvable de la planète, l'Union européenne. Il n'a rien compris au film et, comme un ado de 16 ans dans un jeu de rôle, il a voulu jouer Ivan le Terrible à lui tout seul, après avoir décidé que faire peur était plus à sa portée que de faire intelligent ! Il n'est pas le stratège que d'aucuns célèbrent. Le serait-il que depuis son avènement au pouvoir il y a vingt-trois ans, il aurait lancé pour de bon la transformation de l'économie russe. C'est certes un opportuniste, adroit, tacticien, mais finalement adepte du petit jeu parce qu'il le maîtrise. En fait c'est au départ un agent lambda des services spéciaux qui a vu de la lumière passant par une fente dans un immeuble de pouvoir. Il s'y est glissé. A le voir engloutir des milliards dans une flotte de combat alors que, sortie des métropoles, la Fédération de Russie est une Afrique froide (le chancelier Schmidt disait "une Haute Volta avec des fusées"), on mesure la puérilité de ses obsessions. Il a refusé la mondialisation pour la même raison que les souverainistes français : le défi n'est pas à sa portée, intellectuellement, et il ne sait pas comment rehausser ses capacités économiques dans une autarcie choisie. Ça le dépasse complètement.

Il y a neuf ans jour pour jour, j'écrivais un pamphlet contre Poutine que la droite dure et jusqu'à ses extrêmes adorait. Contrairement au rédacteur, il n'a pas pris une ride. Voici le papier, salut à François Davin :

[Vladimir force B - 1er mai 2014]
L'empire de la Force remplace-t-il au Kremlin l'empire de l'intelligence ? L'équation ukrainienne n'est pas soluble dans la géométrie primitive du pouvoir actuel qui n'a pas compris l'énoncé du théorème. Il ne s'agit plus entre les nations du monde de comparer les tonnages des flottes, le blindage des chars, la portée des canons, même s'il est prudent d'en garder l'essentiel ; la force brute d'antan est remisée aux magasins d'accessoires à défilé, pour nourrir le rêve des chasseurs de décorations. Ce qui compte et classe les nations les unes par rapport aux autres c'est la richesse économique, l'innovation et les capacités financières. L'acier de Stalingrad est oxydé. C'est ce que leur dit l'ancien cadre du parti communiste allemand Merkel au téléphone chaque jour.

Monsieur Poutine appelle à la confrontation de force qui valorisera son mandat et provoque sans relâche son cousin du sud qu'il sent mal affermi, mal allié. Il guette le faux-pas qui lui donnera le prétexte - la bombe du chemin de fer de Moukden - il sent la victoire facile, rapide, criméenne. Le chef des "coalisés" - car le nouveau Csar se croit cerné - est un nègre, élégant certes, prolixe au pupitre, mais de peu d'histoire en bagage et d'un tempérament non violent, finalement un démocrate américain à l'emblème de l'âne, un Carter. Lui Poutine, est dans la trace des empereurs de la Sainte Russie, qui voit l'opportunité d'une revanche à la liquéfaction de l'Union soviétique. Il prendra la pose pour la postérité sous les aigles décroisés. Les "occidentés" ne se battent pas ! Il en est averti par la retraite de Syrie. Les pleutres, les lâches brandissent des menaces virtuelles mais la VI° Flotte n'a pas passé les Détroits. Elle a peur, c'est sûr. Ils n'osent pas toiser la puissance nucléaire russe. La Tchétchénie, la Géorgie leur ont montré ce qu'est une Russie en guerre ! Hélas, Monsieur Poutine n'a rien compris au film, et ses thuriféraires français pas plus !

La force brute est périmée, Barack Obama le sait, Angela Merkel le sait, Xi Jinping le sait, Shinzō Abe va le comprendre, Poutine le saura trop tard (l'opinion des autres est sans importance). Dans notre globalisation, dans notre monde interconnecté en permanence à la vitesse de la lumière, la vie et la bonne santé des nations dépendent de tous les autres. Comme le dit de la Chine Qiu Xiaolong in Cyber China, "le monde se transforme en un gigantesque réseau de relations où chaque maillon, étroit ou distendu, visible ou invisible, unique ou multiple, ne tient que grâce au tissage serré de l'ensemble". Les exemples sont nombreux. Les hypothèques pourries détenues par Freddie Mac et Fannie Mae aux USA ont mis le feu à la planète. Le tsunami japonais a arrêté les chaînes automobiles européennes. Un krach immobilier d'une mégapole chinoise entraînera immédiatement un bridage du crédit de la BPC qui se répercutera en quelques semaines partout. Alors, quand ça ne marche plus, quand l'espérance s'éteint, quand le futur est plus gris que le présent, les peuples d'aujourd'hui se lèvent, s'organisent et remplacent leur dirigeants, dans le sang s'il le faut. Les régimes les mieux affermis tombent ; et, à l'exception du pouvoir alaouite de Damas, la liste des "tyrans" balayés s'allonge. Le chantage russe est de déchirer le gigantesque réseau qui ne pense pas comme son président et fait mine de le menacer, la Russie dut-elle en périr ! Folie.

Vladimir Poutine est un homme des années cinquante, un brejnévien qui compte ses fusées, un fana du balcon stalinien. Il a d'ailleurs stoppé les négociations de réduction du nombre d'ogives, c'est le signe d'un décalage mental. Il ne veut pas assimiler l'hypothèse que les Occidentaux puissent plier l'économie mondialisée russe à relativement peu de frais, et que, si la "folie" dénoncée par Frank-Walter Steinmeier ne cesse pas, ils vont le faire. A quoi serviront les quarante mille pions de la Sainte Russie disposés en troupes d'occupation du Donbass quand les capitaux russes et étrangers se seront faits la malle ? Avec quel argent se développera une industrie de fabrication incapable de croître seule ? D'où viendront les ingénieurs étrangers indispensables à la modernisation de l'immense fédération perdue dans les classements internationaux si les garanties locales sont annulées parce que le droit international est violé ouvertement et plusieurs fois ? Avec quoi nourrira-t-on in fine les « masses laborieuses et démocratiques » si l'édition des factures de pétrole et de gaz est sévèrement empêchée ? Le stratège s'en moque, l'intendance suivra, comme aurait dit l'Autre ! Mais ce temps est fini. Les peuples ne savent plus souffrir comme avant.

La situation de crise prolongée aura certes un impact sur le commerce mondial des énergies fossiles mais le désastre annoncé en zone russe rémunérera la posture démodée d'un ancien agent du KGB, poussé au faite du pouvoir par un pacte de non-agression et de protection de la coterie sortante, ne l'oublions pas. Enfermé dans le mental d'un dresseur d'ours, le président autiste n'écoute plus que les conseils qui le rassurent dans la victoire annoncée, victoire à portée de rêve. Entre-temps, l'économie s'effiloche, les coffres se vident, le chômage s'étend et le troisième acte pourrait bien être à terme, après la chute du Csar au pied petit, la transformation de cette économie de rente à l'africaine en une proie du capitalisme mondial ! Quel tombé de rideau pour une pièce créée par... l'acteur Ronald Reagan !


3 commentaires:

  1. WAOUH ! C'est Cato qu'il nous faut dans la plaine de Noyon. Hélas, nous ne sommes pas en 987.

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    1. 39 ans est l'âge limite pour le sacre à Reims. Celui de Charles X comme le couronnement de Charles III a montré l'arthrose sous la cape de l'oint, et le piéton en a le double ! Il faudrait en plus être mo-ti-vé... au moins comme Poutine :)

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  2. Le coup monté de l'attaque du Kremlin par des drones du commerce jauge le niveau de ridicule des services russes. En plus, il n'ont pas été abattus mais "explosés" par quelqu'un depuis le sol, et en pleine nuit ! Trop forts.
    René

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