mercredi 2 août 2023

L'empreinte glisse au Niger...

Sur l'affaire de Niamey nous ne dirons rien de plus que nous n'ayons déjà dit depuis l'intervention de François Hollande au Mali en 2013. En cliquant sur le libellé "Mali" le lecteur lira treize billets ad hoc sur l'OPEX française au Sahel, avec des développements sur les confrontations ethniques, la tactique proactive, la stratégie perdante, l'africanisation du défi, l'opportunisme russe etc. En résumé, il faut repenser notre rapport à l'Afrique une bonne fois et je doute fort que notre adepte du "en même temps" soit calibré pour atteindre le cœur de cible. M. Macron est bien trop arrogant, en général et en particulier avec les dirigeants d'Afrique francophone, pour reconstruire une relation normale. Sa seule inovation fut de tenter d'européaniser le défi sahélien pour voir en vraie grandeur ce que donnerait sa chimère d'une défense européenne sous commandement français. En fait, rien !

enfant Haoussa
Si le péché originel fut la décolonisation ralentie par Foccart et ses réseaux mafieux, outre le mauvais découpage des ethnies que nous laissions à découvert par notre retrait, le péché d'orgueil fut de faire croire tant à l'ONU qu'aux élites africaines impliquées, que nous allions régler le problème islamiste avec nos amis européens et avec un concours circonstancié des forces locales, bien qu'elles soient entraînées surtout à mater les foules. Dix ans plus tard, les Freux du califat courent partout. Nous avons échoué. On ne tient pas des millions de kilomètres-carrés avec des powerpoints et des drones. D'où la colère des peuples qui se sentent floués et croient que notre combat n'est qu'un prétexte pour se maintenir chez eux, pas plus ! Il est si facile de les en convaincre que c'est risible de s'apercevoir maintenant de l'inefficacité du Renseignement français. Dans le cas d'aujourd'hui, l'évacuation précipitée des blancs signifie aux locaux que nous avons déjà perdu contre la junte de Niamey. C'est irrattrapable ! A noter le quant-à-soi du Kremlin qui redoute de devoir saisir le bâton merdeux de la sécurité des putschistes par le biais d'une milice désormais peu sûre qui pourrait l'embarquer où il ne veut pas aller (la base américaine d'Agadès).

La tectonique des plaques stratégiques annonce le retrait des armées françaises d'Afrique à terme et la normalisation de nos relations économiques. Il serait temps que le pouvoir à Paris anticipe un peu en commençant par en rabattre - Macron attaque un jour, se couche le lendemain - et cesse de péter plus haut que son cul : nous n'avons plus les moyens de déployer une gendarmerie continentale en Afrique et le faux-nez des accords bilatéraux de défense va tomber. Qu'on se rassure - façon de parler - à part quelques ressources minières, les pays du Sahel (français) sont accablés de misère et de naissances ; ce ne sont pas des investissements d'avenir. Si les Russes y jouent une partition d'hostilité systématique à notre endroit sans se soucier de l'effondrement économique qu'ils provoquent partout, les Chinois n'y verront rien à gagner et resteront en dehors du schmilblick. Imaginons que sans ressources, le Niger aura presque 80 millions d'habitants en 2050 (en réduisant drastiquement sa natalité - clic). Qui va les nourrir ? Les Russes, les Chinois, les Freux ? La messe est dite.

Veux-t-on encore que ces pays participent à la Francophonie, dont le Niger fut un des pays-fondateurs ? Il faudrait redéployer des écoles de français dare dare car les systèmes éducatifs nationaux sont en cours d'effondrement partout, nous dit S.E. Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux Nations Unies. Une dernière réflexion : un trait commun aux trois coups d'Etat : ils sont soutenus à fond par la jeunesse de ces pays. De quoi méditer sur la nôtre.


Postscriptum du 13 août 2023

Les books de Tombouctou (ne pas confondre) peuvent prendre les paris : il ne se passera rien à Niamey que nous puissions comprendre.
Les fiers-à-bras de la CEDEAO n'ont aucun moyen d'engager la bataille avec une éventuelle coalition quadripartite des juntes (Guinée, Mali, Burkina Faso, Niger) renforcée de quelques appuis aériens pilotés par qui l'on sait.
La France est tétanisée par une condamnation panafricaine de néo-colonialisme pour peu qu'elle bouge les compagnies qui protègent les deux bases françaises nigériennes du dispositif Barkhane, faisant mine d'aider l'opération spéciale des pays de l'ouest.

Une fois encore, M. Macron a méjugé la situation réelle du pays-hôte. Avec un âge moyen de sa population de quinze ans (les images des manifestations le montrent bien) ce pays pauvre n'est pas pour autant dépeuplé avec 23 millions d'habitants. Sans ressources importantes, sans rente minière autre que celle de l'uranium, le défi est colossal ; et on reprochera toujours à la France de ne l'avoir pas résolu. Les sanctions africaines sont dures mais ne peuvent aller jusqu'à augmenter durablement la misère du peuple nigérien qui est déjà grande. Donc elles seront levées sur injonction de l'Union africaine avec un emballage africain typique de l'équilibre des ethnies calculé au pouvoir de nuisance.

Finalement, que lui chaut un califat sahélien à notre président houppe-au-vent ? Les plus hautes autorités musulmanes sont venues aujourd'hui à Niamey. Tout se terminera sous l'arbre à palabres où la France sera exclue comme elle vient de l'être du sommet des BRICS en Afrique du Sud. Les ethnies concurrentes trouveront un modus vivendi qui sera périodiquement brisé par l'une des parties, ce qui convoquera tout le monde à de nouveaux bavardages, et le cycle tournera, c'est sa définition. Ça fait mille ans que ça dure. Macron dégage !

manifestation à Niamey contre les bases étrangères

Notre vrai problème est de dégonfler la pression à l'émigration. La nature politique des régimes sahéliens n'y contribue pas car le développement nécessaire n'est pas lié directement à la "démocratie" mais aux capacités de réception et gestion des fonds et compétences par les autorités locales. La France peut parfaitement participer dans un cadre international (projets ou banques), et à l'occasion arguer de son passé colonial pour n'y pas toujours venir. L'intelligence au pouvoir ? C'est peut-être beaucoup demander aux technos playmobil que nous avons ; on n'est pas sortis des ronces !

Il faut demander aux Tchadiens ce qu'ils comptent faire avec la coopération française et dans le doute, faire le paquetage et laisser le Sahel dans la tenaille géopolitique entre l'Algérie au nord et le Nigeria au sud... et basta ya !
Comme l'a dit tout récemment le président centrafricain : "Nous n'avons rien contre les Français, nous voulons simplement gouverner chez nous !"

19 commentaires:

  1. Petit rappel à l'usage des naïfs ou des ignorants : l’Afrique, qui compte aujourd’hui 1,5 milliard d’habitants représentant 18 % de la population mondiale, en totalisera près de 4,5 milliards à l’horizon 2100, soit 40 % de l’humanité...Combien de temps pensez-vous que nous pourrons tenir face à ce tsunami d'affamés ?
    Quant aux avis de Gérard Araud... méfiance, méfiance à l'égard d'un ami très proche d'Emmanuel Macron, condamné par la HATVP pour ses accointances avec la société éditrice du logiciel espion israélien Pegasus.

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    1. Le lien précité sur la démographie du Niger indique que si la natalité passe de 6,2 enfants/mère à 2,5 à la fin du siècle, la population du pays atteidndra 79 millions de bouches à nourrir en 2050. Sinon, au rythme actuel, c'est une bombe humaine d'un milliard de gens en 2100. Qui anticipe quoi et comment ? Juste des barbelés concertina ?
      L'uranium ça ne se mange pas.
      Concernant l'ambassadeur Araud, j'écoute ce qu'il dit quand c'est étayé et ne m'intéresse pas à ce qu'il pense.

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    2. A propos de Gérard Araud et de ses frasques : Souvenir, souvenir... Cet article est édifiant mais aussi, plus subtile encore, celui associé du Washington Post dans le corps du texte : https://www.lemonde.fr/big-browser/article/2019/04/19/avant-de-partir-l-ambassadeur-francais-aux-etats-unis-epingle-une-derniere-fois-donald-trump_5452726_4832693.html
      JYP

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    3. L'article du Monde confirme ce que je soupçonnais. Emmanuel Macron est venu tardivement sur les thèses de Gérard Araud. Au moment des folles soirées de l'ambassadeur, le président était dans la phase "nous sommes des potes qui nous comprenons sans mot dire", jusqu'à ce que Trump le renvoie dans ses 22 avec sa réflexion terrible : « Tout ce qu’il touche devient de la merde ».
      Alors il a compris l'approche analytique de son diplomate et considéré que l'autre était un vrai con. Je ne sais pas si aujourd'hui ils sont si proches que ça au plan politique.

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  2. Je crois comme vous qu'il y davantage de distance entre eux. Mais c'est souvent comme ça avec Macron qui ne comprend rien à rien. Ce type est une calamité pour la France et les Français. Mais nous les avions prévenus.

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  3. D'autant qu'il vit maintenant à Manhattan et qu'il est, depuis son ambassade en Israel, très (très, très) lié à l'Etat d'Israel et à son économie parfois souterraine. C'est une personnalité intéressant, cultivée mais d'une extrême ambiguïté. J'avoue qu'il sent un peu trop le soufre à mon goût.

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    1. Alors, sa conversation intime avec l'Etat hébreu l'a plié au principe de réalités qui gouverne la progression d'une nation vers son but essentiel.
      C'est ce qu'il nous manque ici.

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  4. Le site d'info WakatSéra de Ouagadougou dresse un portrait du Niger post-putsch et ce n'est pas reluisant, du moins pour la population.
    L'argent disparaît, celui de l'Etat est à la BCEAO de Dakar, les importations alimentaires sont bloquées au port de Cotonou, le courant est coupé par le Nigeria et tous les travaux publics ou industriels sont arrêtés (pas de salaires).
    (source : https://www.wakatsera.com/coup-detat-jusquou-iront-les-militaires-pour-alleger-la-souffrance-des-nigeriens/)

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    1. Le coup d'Etat de Niamey semble finalement une aventure personnelle du général Tchiani que les autres autorités militaires ont suivi pour ne pas rater le band-wagon.
      Mais après une semaine, la réalité est, qu'à part les proclamations gratuites des juntes du Mali, de Guinée et du Burkina Faso, nul pays ne viendra aider le Niger qui a passé le cou dans le garrot des sanctions régionales et internationales (blocages des virements).
      La Russie sans doute pressentie a marqué l'arrêt devant ce qu'elle considère comme une rebellion sans avenir à divers motifs, et à commencer par l'Algérie, tous les Etats africains (sauf les 3 précités), condamnent le coup de force et vont mener la vie dure aux rebelles.
      Il est temps de parler, c'est le message qu'est venu délivrer à Niamey le jeune président tchadien dont l'armée est respectée au Sahel.
      Pourvu que Macron se taise !

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    2. Mais, Bon Dieu, laissez-les se démerder. C'est le meilleur service que l'on peut encore leur rendre et que l'on aurait dû leur rendre depuis longtemps. L'Afrique, c'est le temps long, très long, qui n'a pas grand chose à voir avec nos sprinters de pacotille. JYP

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    3. Le défi migratoire ne peut être affronté réellement qu'au stade de l'émigration. Partir de ces pays oubliés des dieux n'est pas avisé.

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    4. Ne pas manquer la très lucide analyse de Bernard Lugan sur toute cette affaire dans son blogue : https://bernardlugan.blogspot.com

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    5. Sur la grille ethnique de Bernard Lugan, la décolonisation gaullienne a été complètement ratée. On en paie encore le prix. Mais parce qu'elle était dans le vent de l'histoire, il fut interdit de la critiquer.

      Quant on pense que la Guinée-Conakry fut sévèrement punie pour avoir répondu "non" au référendum sur la Communauté, on mesure l'arrogance indépassable du grand général et de ses exécuteurs testamentaires.

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    6. Une dernière remarque pour la route et je m'arrête. Voici deux informations discrètes, des détails en somme, parues le même jour dans le quotidien officiel du pays, sans faire de bruit et qu'il n'est pas inintéressant de rapprocher bien que, au fond, ça ne serve plus à grand chose puisque la démographie a déjà parlé... JYP :

      https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/08/04/le-taux-de-natalite-en-france-a-baisse-de-7-au-premier-semestre-2023_6184482_3224.html?xtor=EPR-32280629-[a-la-une]-20230805-[zone_edito_2_titre_8]&M_BT=46502418071141

      https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/08/05/a-briancon-l-accueil-des-migrants-de-plus-en-plus-complique-ce-n-est-plus-gerable_6184494_3224.html

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    7. Dans les deux cas, ce n'est que le début.

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  5. Si la France intervient à Niamey elle cassera le pays entre ethnies bistres et noires, celles qui manifesrent pour la junte, et elle déclenchera une guerre ethnique entre Touaregs Toubous et Haoussas comme avant la conquête. Il est possible alors que le Tchad s'en mêle. On est dans le piège à cons.

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    1. Ce que vous annoncez est du domaine du possible. Le Sahel est une cohabitation forcée de peuples ennemis héréditaires. C'est un peu notre faute et nous n'avons jamais nous en extraire. On va payer notre incurie.

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  6. Un article édifiant de Lugan sur le site de l'ASAF :
    https://www.asafrance.fr/item/apres-le-mali-et-le-burkina-faso-aujourd-hui-le-niger-et-demain-le-tchad.html
    René

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  7. Fin de la blague.
    Le Niger aux Nigeriens ! Oui !
    La France aux Francais ! Euhhh...

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