mercredi 13 septembre 2023

La Droite où l'on arrive jamais...*

*C'est un titre d'Yves-Marie Adeline et Hugues de Soyecourt, disponible à l'Alliance royale (clic).

Beaucoup d'agitation dans le camp retranché de la droite pour les élections européennes, mais nul ne veut refaire le parti de la Ligue à moins bien sûr d'en être lui-même le chef. Je ne sais plus quel journaliste américain en poste à Paris, surtout au Harry's Bar, me disait devant un blue lagoon qu'il y avait trop de "chefs" en cuisine à droite pour que les plats arrivent en salle et soient bons.

Voici les sondages : Toutes catégories confondues, le score le plus fort en intentions de vote est l'abstention : ce serait du 55+/-5% puis viennent les quatre partis qui nous intéressent :
- Rassemblement national/Bardella à 25%
- Les Républicains/Bellamy-Barnier à 9%
- Reconquête/Maréchal à 6%
- Debout la France/Dupont-Aignan à 3%

Il saute aux yeux que le RN, qui devance déjà le patchwork Renaissance à 23%, n'est pas demandeur d'un renfort, qui l'amènerait fatalement sur des bordures qu'il ne veut pas piétiner. En plus, Jordan Bardella n'a pas commencé sa campagne et il est un débatteur qui peut améliorer le chiffre tant il est bon. Un 30% est à sa portée, sans qu'il ait besoin du rancisme de Zemmour ni des hypothèques de pouvoir stérile des Républicains. Qui est-il d'abord ?

Jordan Bardella avec son rictus chiraquien
Pur produit de l'immigration heureuse, né à Drancy aujourd'hui en 1995 d'une souche italo-kabyle, Jordan Bardella fera très tôt de la politique en intégrant l'UNI. Cultivant une certaine intimité avec une fille du clan du Menhir, il accèdera facilement à la rampe de lumière du FN-RN, parce qu'il est surtout foutrement intelligent et très délié dans son discours. Tout le monde comprend Jordan Bardella, et d'abord sur les sujets difficiles. C'est pourquoi nous pensons qu'il peut améliorer le score RN aux Européennes de 2024 et, si nous le pensons dans notre cuisine, d'autres ont compris aussi qu'il y avait un train à prendre qui arrivera à l'heure pour une fois. C'est pourquoi la Droite, une fois encore ne coagulera pas en une alliance de circonstance capable de la faire gagner en sièges au Parlement de Strasbourg. Plus sur l'homme, voir la Wikipedia.

L'autre pointure dans le basket c'est bien évidemment Marion Maréchal. Elle aussi est intelligente et a un esprit délié, mais il n'a pas la plasticité de celui du jeune patron du RN ; en un mot, elle ne peut (sait) pas parler de tout en restant convaincante. Avant d'en venir au porte-à-faux Zemmour, il faut quand même dire que le projet qui devait la lancer à pleine vitesse sur une ligne droite politique, a fait pschitt. L'ISSEP de Lyon (Institut des sciences sociales, économiques et politiques) est un four, pour une première raison : il y a beaucoup de concurrence dans ce secteur de grandes écoles de management et la validation des diplômes par l'Etat est primordiale pour que s'y inscrivent des élèves cotisants en nombre. Même s'il y a quelques noms connus, on n'a jamais vu non plus de vraies pointures dans le corps enseignant et sans doute trop d'éditorialistes moyens. L'autre problème de Marion Maréchal est la présence à ses côtés de Nicolas Bay et Guillaume Peltier au Bureau national du parti zemmourien. Ces ambitieux ont un agenda qui croise celui de belle blonde et leur CV les garantit sans scrupules. Mais elle a par son mari italien des connexions que les autres n'ont pas et qui pourraient compenser dans les couloirs de l'institution européenne.

Reste le syndicat des sortants, Les Républicains, réunissant toujours les deux courants du centre libéral et de la droite affaissée de gouvernement. Leur chef actuel à Strasbourg est François-Xavier Bellamy, prof de philo, intelligent et assez bon débatteur, mais - est-ce physique ? - il n'imprime pas, comme on dit chez les sondeurs. Le parti de M. Ciotti aurait-il enfin un candidat naturel ? Nul n'en voit et les tentations sont grandes d'aller faire masse chez Horizons pour profiter des bons sondages d'Edouard Philippe, si tant est qu'il y reste de la place depuis que le Petit Reître qui s'agite en tous sens avant que ne claque la trappe judiciaire, a adoubé Moussa Darmanin pour la présidentielle de 2027 sans voir qu'il ne fait pas le poids. Les malins ont vu le défaut de carres et la connivence des nains. Chez Horizons et le hamac électoral promis !

Un mot sur celui que tout le monde avait en tête jadis, Eric Zemmour. Ses qualités de polémiste n'ont pas suffi à transformer le lecteur en électeur. Son plus gros défaut, et c'est la fente de l'armure, est son inclination à solliciter l'histoire pour nourrir son présupposé. La dernière bêtise est cette affaire de Pétain sauveur des juifs français. C'est une légende urbaine que j'entends depuis mon enfance et qui n'a jamais pu être prouvée dans aucun protocole de recherche. Pourquoi s'y agripper comme la moule au bouchot ? Il semble incapable de ne pas avoir raison, surtout dans le domaine de l'histoire du dimanche. Le roman national(iste) est de plus en plus romancé. Sa prosopopée l'enferre et il semble que personne ne puisse le convaincre d'arrêter le massacre de ses idées par ailleurs de bons sens souvent. Ses travers prendront le pas sur le programme de sa tête de liste et augurent d'un petit score (3%?) après lequel les troupes se débanderont en vue des prochaines législatives.

A qui Bardella prendra-t-il des voix ? Aux Républicains bien sûr, même si le programme socio-économique de Marine Le Pen est un repoussoir pour les électeurs actifs qui se lèvent plus tôt qu'elle. Six ou 7% ? Ce sera bien payé vu le brouillard programmatique de ce parti téfalien et enterrera définitivement ses chances futures. Les affaires à droite se discutent désormais hors de lui, entre Philippe, Le Maire, Woerth, Bayrou voire Darmanin et Sarkozy. La Droite sera alors représentée par le Rassemblement national avec une politique sociale à l'Insoumise qui répond parfaitement au constat d'Yves-Marie Adeline, lequel expliquait dans son livre en titre « pourquoi la droite, même quand elle est au pouvoir, est contrainte à faire une politique de gauche » mais cette fois pour d'autres raisons que morales, par pure démagogie, le second péché capital de la démocratie après la luxure des élus.

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