mardi 5 septembre 2023

L'abaya, le gag !

La petite maison de couture Al Haya Paris réinvente l'abaya et le kimono pour ses clientes du Golfe. En arabe, "al haya" veut dire la pudeur, et son premier défilé à Dubaï en 2021 mérite qu'on s'y attarde. Les modèles sont très chics, parfois suggestifs, les mannequins plus en chair que les arincades de l'agence Elite. Jugez-en :


Qui parle le mieux de cette aventure innovante d'une jeune créatrice de mode ? Le site d'entraide musulmane Go Muslim bien sûr, dans un long article illustré qu'on lira ici.

Entretemps, le fougueux ministre de la Fabrique du Crétin a décidé d'interdire la modest fashion islamique dans les classes, ce qui a levé la tempête de la rentrée, tempête bienvenue si elle efface tous les dysfonctionnements de l'institution laïque et républicaine. Trois mille profs manquent ; le métier dégoutte, personne au Capes ; deux centaines d'écoles ont brûlé parce qu'on n'a pas voulu tirer à balles caoutchouc dans le tas des incendiaires ; le programme scolaire est toujours capable de nous faire descendre l'échelle de Shanghaï ; le niveau du crétin est le plus mauvais d'Europe. Ah si, on a une deuxième grenade fumigène pour cacher la misère, l'uniforme ! On ira jusqu'à la Toussaint avec ça.

Au risque de déplaire - mais la lecture de ce blogue est gratuite et sans cookies - le Piéton du roi n'a rien à carrer de la vêture des écolières et lycéennes, quand bien même celle-ci marquerait l'appartenance à une religion quelconque, car aucune d'entre elles n'est méprisable, sauf l'Ordre du Temple solaire, tant qu'elle élève l'esprit. Les laïcards à éclipse - ils le sont moins en période électorale - hurlent au prosélytisme parce qu'il occulte le leur. Faite de lâchetés et dépravations au motif d'une liberté totale de chacun, la promotion d'un modèle social woke et équivoque se heurte au contre-pouvoir de la raison exprimée, timidement par la morale chrétienne, et avec une certaine arrogance par la charia islamique. Les bouddhistes ne sont pas mal non plus mais ils ne communiquent pas, se contentant de se laisser voir en robe safran, le visage pénétré de bonheur.

jeune fille musulmane aux yeux bleus
Ainsi peu me chaut le voile, le fichu, l'abaya du Golfe, le hijab ou le caftan marocain si l'élève est studieuse, ce qui ne va pas forcément avec. Passons maintenant au prosélytisme. La manifestation publique de cette appartenance musulmane ne convoque rien moins que les six piliers de la religion et les cinq devoirs du fidèle (clic clac) si tant est que les filles soient pieuses, ce qui n'est pas sûr non plus. Sinon c'est une marque identitaire qui vise à se distinguer de la morale sociale majoritaire, réputée permissive, un poil décadente. Et contre une démarche de pudeur et pureté affirmée ou simplement mise en scène, il va avoir du mal notre fringant ministre de la jaquette. D'autant que la fashion musulmane est devenue déjà une puissante industrie de la confection et qu'elle va défendre ses intérêts économiques par un lobbying adapté.

En fait, c'est la dérive de l'institution nationale de l'instruction à l'éducation qui crée ces bouffées de contestation chez des communautés qui estiment suffisant qu'on les instruise sans vouloir en plus régler leurs mœurs. De quel droit osons-nous régler les mœurs d'autrui ? Pour obtenir une société caporalisée où aucune tête ne dépasserait ? Cette "petite union soviétique qui a réussi" (comme disait Váçlav Havel) a-t-elle encore le projet d'un homme nouveau, le sursapiens qui éradiquerait le dernier des Mohicans et autres Néandertals ? Toute religion est perçue comme l'ennemi de la religion laïque embrassant des valeurs faisandées réputées républicaines, quand cet amalgame est pure fiction pour ne pas dire fabrication. Contrairement aux proclamations libérales des pouvoirs publics, l'application de la loi réprime la manifestation des religions, et je ne vois pas en quoi le milieu scolaire devrait être exempt de cette diversité de clientèle que de toute façon l'espace public ne peut pas confiner.

L'islamisation de la France ? Si tant est qu'elle puisse progresser plus vite que la désislamisation des familles - ils affrontent la même désertion que les églises chrétiennes - l'islamisation-marotte ne va pas passer par l'école, mais par l'économie du quotidien. Au temps des jeux vidéos et du smartphone, il faudrait un incroyable aggiornamento pour que les rites médiévaux du 7è siècle achèvent de faire la loi dans la jeunesse. Par contre les rites et produits orientaux vont se développer avec le ressac du petit commerce traditionnel et l'abandon des emplois salissants par les résidents premiers. On ne peut cacher non plus que l'affichage islamique importe des problématiques confinant au séparatisme, et c'est là que s'ouvre le champ de la réaction. La France et l'Angleterre sont les pays européens les plus "aimables" avec l'islam, ayant depuis longtemps cultivé (ou imposé) des relations spéciales aux pays du Croissant vert. Tout a commencé ici avec les vaillants Turcos de l'infanterie du Second Empire puis quand on incorpora des troupes coloniales en quantité jusqu'à la fin des années 50. Ce n'est pas d'hier matin et la Grande Mosquée de Paris est là pour nous le rappeler. Mais les funestes conneries des accords Sykes-Picot ont ouvert la voie rentrante de tous les méfaits du Proche Orient, à commencer par la querelle palestinienne. Certes nous pourrions réagir administrativement en ne faisant pas droit aux revendications identitaires exogènes sans le motiver d'ailleurs, mais le Quai d'Orsay est réputé pour cultiver un certain tropisme arabe, et en dehors de notre sphère naturelle d'ingérence, nous nous sommes mis à la colle avec des pays du Golfe jusqu'à leur proposer des accords de défense automatique très loin de nos bases. Heureusement pour nous, les riverains du Golfe persique sont en train de se raccommoder, nous évitant ce faisant de déployer notre insuffisance. Il en a découlé que les intérêts émiratis et séoudiens sont très importants en France tant dans l'industrie que dans les services et le foncier. Il n'est pas sûr que le freinage précité comme la stigmatisation de la modest fashion arabe dans nos établissements scolaires leur plaisent beaucoup, certainement parce qu'elle leur est déjà incompréhensible, comme d'ailleurs pour beaucoup de pays occidentaux.

Ce pays, sans boussole stratégique et sans projet, a l'art de se créer des complications. L'uniforme, comme dans beaucoup de pays tiers, serait sans doute une réponse adaptée pour calmer le jeu, mais voila que déjà notre président veut en même temps en diminuer l'effet et la portée, on se demande encore pourquoi. Aurait-il peur finalement ? Nous ne sortirons jamais des ronces avec des gens pareils.
Encore quatre ans !

14 commentaires:

  1. Une sociologue française d'origine marocaine, au passé universitaire déjà lourdement chargé, Kaoutar Harchi a donné un long article au Guardian sur l'interdiction de l'abaya. L'angle d'observation est intéressant : Muslims are already excluded from French political life: that’s the real issue in the school abayas row. Pas sûr que les lecteurs britanniques en aient tout compris.

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  2. Il fallait oser. Vous l'avez fait et, en plus, vous avez raison. Dire qu'il n'est même pas sûr que les Français (comme on continue abusivement d'appeler ceux qui vivent en France) réaliseront dans quatre ans la connerie qu'ils ont faite en 2017 puis répétée en 2022. JYP

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    1. Quelle que soit l'issue finale de cette interdiction surjouée par le pouvoir, il n'en reste pas moins que deux prosélytismes s'affrontent ou s'affronteront dans le domaine sociétal, puisque la religion allogène visée est éminemment intrusive dans l'espace social.

      D'un côté la libération débridée des moeurs en tout genre (littéralement), la promotion du blasphème, la sexualisation à outrance de la jeunesse mais aussi la lutte pour l'égalité des sexes, la démocratie confondue avec la liberté, l'éveil aux problématiques nées d'un passé honteux et finalement une grande arrogance puisqu'aucun de ces thèmes n'est à débattre. Tous des fachistes !

      De l'autre, un mode de vie traditionnel (nos années 50) dans le respect de la puissance divine et du patriarcat, la hiérarchisation des genres voire leur spécialisation, la charité généralisée, les rites anciens anachroniques ; au final une règle de vie répulsive quand on l'a trop longtemps vécue. C'est l'histoire de la chanteuse syrienne Mennel Ibtissem qui a jeté turban et mari pour respirer.

      La laïcité franco-française est un véritable religion avec ses dogmes et ses curés. C'est pour ça qu'elle est fragilisée par les autres religions.

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  3. Et qu'elle finira peut-être par en mourir. Sera-ce une perte ?

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    1. C'est le biais laïcard qu'il faut éliminer car il facilite l'intrusion d'un athéisme militant (Libre Pensée départementale) dans la société française et combat ses traditions. Je n'ai pas dr''avis sur la Séparation, sans ignorer non plus que l'Alsace-Moselle est attachée à son statut concordataire.

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  4. Je discutais dernièrement avec un pasteur et un responsable de centre de colonie de vacances protestant et ils me firent part du problème suivant: les pouvoirs publics par le biais des préfectures et de du ministère de la jeunesse et des sports tentent de faire de l'entrisme sur les contenus dispensés aux enfants et adolescents dont ils ont la responsabilité. Si l'etat a un pouvoir très réduit sur les associations cultuelles "loi 1905" , il tente d'agir sur celles "loi 1901". Il faut savoir que toute congrégation religieuse est séparée de façon stricte entre entre ces deux types d'association (cultuelles et culturelles) selon la nature des activités. L'état cherche à renforcer son contrôle sur les enseignements dispensés aux mineurs. Exemple le plus frappant car c'est ce qui semble le tarauder le plus, enseigner que selon la Bible, l'être l'humain est crée homme OU femme, que l'homosexualité est un péché ou l'avortement un crime pourrait bientôt s'apparenter à une infraction pénale, et donc les agréments qu'il délivre pourraient être suspendus. Contacté à plusieurs reprises, le pasteur en question a refusé de bénir des mariages homos, demandes formulées par des couples étrangers à l'église qui cherchaient une" prestation sociétale". Jusqu'à présent il a pu passer entre les gouttes. Je pense de plus en plus que la principale menace pour la liberté de culte des chrétiens dans ce pays n'est pas due à des salafistes de banlieue mais que le danger est bien cette république qui, dans tout son spectre politique se wokise de plus en plus.

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    1. C'est le syndrome de la madrasa. Des fois qu'on enseignerait hors-contrat que la terre est plate. De toute façon le tripatouillage des programmes est récurrent. Il y a une doxa réglementaire .

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  5. Il y a 6 millions de collégiens et lycéens en France. Difficile de réaliser que 300 d'entre-eux ont réussi le tour de force d'imposer un débat sur l'abaya lors du prochain réveillon de fin d'année

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    1. A la fin de l'année scolaire il y en avait beaucoup plus, peut-être dix fois plus, mais l'intensité des convictions est variable et des familles ou des élèves ont dû réagir avant la mise en place de l'exclusion.
      Dans la communauté musulmanne, une proportion importante prend la règle pour une manifestation d'hostilité assumée par les pouvoirs publics.
      Le parti islamique est sur la rampe de lancement.

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    2. Atteintes à la laïcité en 2022 : 396 signalements par mois en moyenne dont 172 par mois pour des questions d'habillements ou signes religieux. Au total sur l'année scolaire (8 mois cumulés) 3162 signalements dont 1372 pour "port de signes ou tenues".
      Même en imaginant que que ces 1372 "infractions" ont été le fait de 1372 personnes différentes, ça fait pas bézef par rapport au 6 millions de collégiens et lycéens.
      C'est d'autant plus vrai qu'on peut facilement imaginer qu'il y a chaque mois pas mal de récidivistes et que les 396 signalements mensuels sont en bonne partie le fait des mêmes individus, ce qui fait que le chiffre réel est probablement plus proche des 300 ou 400 individus que des 3000.
      Attention à ne pas instrumentaliser un phénomène qui n'en est même pas un.

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    3. Je rajoute un point à ma dernière intervention sur les chiffres : Il y a 10700 collèges et lycées en France : 400 signalements par mois, cela signifie que moins de 4 % des établissements connaissent ce genre d'infractions et cela en considérant que un seul individu se manifeste par établissement. Si ils sont deux dans le même établissement cela fait 2% et si ils sont 10 cela ne concerne que 40 établissements sur 10700.
      C'est vrai qu'on est vraiment menacé, l'uniforme s'impose.

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    4. Le charme des statistiques est que le meilleur confort est obtenu les pieds dans le four et la tête dans le frigidaire. Plus sérieusement, la statistique en cause mériterait une analyse plus fine et des corrélations. On peut choisir ainsi de n'étudier que les établissement publics en ZEP et exclure tout établissement privé de la population statistique. Je pense que les abayas étaient plus fréquentes que les signalements en zone "difficile" (les directeurs d'établissement répugnent à signaler) et que la mesure Attal a cassé une progression.
      L'uniforme quant à lui participe de l'agitation gouvernementale qui prend tout le temps disponible entre deux plateaux télévisés.

      PS: la grève générale au lycée Maurice Utrillo de Stains dénonce le manque criant de moyens éducatifs et retoque la question de la vêture identitaire. Tandis que le Conseil d'Etat valide la règle Attal.
      Donc, c'est "en avant le bordel". Il n'y a plus qu'à tuer un gosse au refus d'obtempérer pour qu'on en reprenne une petit lichette. On me dit dans l'oreillette que c'est déjà fait à Elancourt (78).
      Les planètes s'alignent.

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  6. C'est ce que je pensais. Mettre au numérateur le collège du Val Fourré, le lycée de Trappes, celui des Minguettes, celui de la Grande Borne et cent autres ; puis au dénominateur tout le reste du pays jusques et y compris le lycée d'Aurillac, le collège de Mende, celui de Rodez, Neuilly-s/Seine ou l'autre d'Auch, revient à solliciter fortement la conclusion. Mais si on réunit tous les établissements des zones dites de non-droit et qu'on y compte les atteintes à la laïcité, on va voir que le pourcentage est bien plus fort...
    cf. https://www.linternaute.com/actualite/education/1208199-zep-rep-la-liste-des-colleges-en-zone-d-education-prioritaire/

    Pour le reste en ces matières, nul ne devrait avoir besoin des réflexions de CNews, Causeur, et moins encore celles de Zébulon Premier. Se fier à ce que nous avons entre les oreilles :)
    Traverser aujourd'hui la grande banlieue tranquille de Paris, hors-zones donc, permet de voir que hijab, abayas et voiles sont devenus très présents. D'aucuns s'en offusquent, d'autres s'en moquent, j'en suis, à cause sans doute de la Coloniale.

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  7. L'Egypte s'y met aussi, qui interdit aux filles le port du niqab à l'école dès la fin de ce mois-ci. Les motifs de pédagogie en classe et de sécurité à l'accès sont invoquées, mais la pression des milieux fréristes sur les filles est aussi relevée.
    (source Al Jazeera : https://www.aljazeera.com/news/2023/9/12/egyptians-divided-over-recent-niqab-ban-at-schools)

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