vendredi 1 décembre 2023

La crécelle aux deux états

J'ai lu ce matin chez Michel Goya que la libération de prisonniers cisjordaniens en nombre par le Hamas via Netanyahou allait favoriser grandement les candidats de l'organisation terroriste aux élections palestiniennes, celles que tout le monde demande pour arracher l'Autorité palestinienne à sa torpeur coupable. Les Jordaniens, qui restent malgré tout les spectateurs les plus impliqués dans le conflit, nous rappellent que le Hamas (acronyme de résistance islamique) est un idée et qu'on ne tue pas les idées. Facile à comprendre en plus puisqu'elle se résume à un slogan très simple : « du fleuve à la mer ! ».

Le slogan symétrique du sionisme l'est tout autant puisqu'on le résume de manière inversée « de la mer jusqu'au fleuve ! ». C'est une idée qu'on ne tue pas non plus. Si les partis de la droite israélienne expansioniste ne cachent pas que le but à atteindre dans leurs actions est la totalité de la Palestine biblique, déjà plus grande que la Palestine mandataire, on se doute moins que la majorité silencieuse en Israël partage en elle-même cet objectif, quand seule une fraction plus petite du peuple juif s'abandonne à la chimère du partage.

photo d'Yitzhak Rabin
Yitzhak Rabin 1922-1995
Les forces en présence dans l'action sont totalement antagonistes. Brandir une "solution" qui contrecarre la volonté essentielle des belligérants est pure agitation médiatique. Quand vous croisez un politicien qui affirme de manière péremptoire qu'il n'y a que la "solution à deux états" qui vaille, comprenez qu'il n'en sait foutre rien et récite le mantra imposé par la conscience internationale dans les enceintes de bavardage. En plus ça pose le discours car la proposition fait l'équilibre entre les deux entités. C'est le miracle des accords d'Oslo (1993) qui a fait croire à cette issue raisonnable, sans prendre en compte la fermentation des haines recuites de part et d'autre soutenant des intentions très différentes. Yitzhak Rabin en mourut, tué par l'un des siens. Ce jour se fête par endroit en Israël.

Depuis lors, l'eau n'a pas coulé sous les ponts du Jourdain car l'agriculture coloniale a pompé toute l'eau, mais les positions se sont durcies de part et d'autre et ce billet n'a pas vocation à dérouler les événements de Palestine le long de ces trente dernières années, de grands journaux s'y consacrent. Juste dirons-nous que l'attaque ignoble du 7 octobre et la riposte disproportionnée qu'elle a provoquée ont bétonné les positions de principe fondateur dans chaque camp. La Haine règne et a tué jusqu'à la Bêtise. Il faut être Joe Biden ou Emmanuel Macron pour ne pas le voir et rester scotché au mantra onusien des deux états. Si les Etats arabes de la région ne sont pas contre une normalisation israélo-arabe, quoiqu'il en coûte aux pouilleux palestiniens, la Rue arabe n'y consent pas.
Nous allons vers un combat à mort à défaut de guerre ouverte, une troisième intifada de la dernière chance dans laquelle les Européens n'ont plus rien à faire selon certains. Soixante-quinze ans d'attentions diverses et beaucoup de milliards n'ont rien donné. C'est vrai. Faut-il pour autant laisser les fils d'Abraham entre eux, au risque peu probable de les voir un jour s'entendre ? Rien n'est moins sûr. Lequel lâchera le premier la cueillère de la grenade dégoupillée ? La déflagration en Palestine convoquera à son spectacle les Etats les plus mal intentionnés de la planète, et puisqu'il faut bien la commencer un jour quelque part, cette troisième guerre mondiale, que le Sud global réchauffe en son sein pour anéantir son déclassement, détendra les ressorts sur-bandés du stress diplomatique international. Nous serons revenus à l'époque des empires ivres de sang. Sauf que l'Europe actuelle n'en est plus un !

Demain, c'est la Saint-Austerlitz! Vous la voyez la chute !

4 commentaires:

  1. Un parallèle entre l'obstination des Israéliens à mater les Palestiniens en les écoeurant sous les bombes et celle des Français en Algérie (de 1945 à 1962) est déroulé par un ancien conseiller onusien de Kofi Annan, Moncef Khane.
    Il reprend une intervention du sénateur JF Kennedy au moment de la guerre d'Algérie :
    "La seule et la plus puissante force dans le monde d'aujourd'hui n'est ni le communisme ou le capitalisme, ni la bombe H ou les missiles guidés, c'est l'éternel désir de l'homme d'être libre et indépendant".

    En soutenant les yeux fermés la guerre à outrance d'Israël contre les Palestiniens, Joe Biden se fourvoie dans un processus d'auto-destruction d'Israël, le colonialisme n'ayant aucun avenir.

    Ca se discute et le lien est ici : https://www.aljazeera.com/opinions/2023/12/11/israel-should-learn-from-french-mistakes-in-algeria

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  2. La déclaration de Benyamin Netanyahou excluant jeudi 18 janvier 2024 toute souveraineté autre qu'israélienne à l'ouest du Jourdain, signe la mort du projet d'Etat palestinien (tant que la coalition du Likoud est au pouvoir) et proclame à sa façon l'état d'apartheid dont il se défendait jusqu'ici. Les conséquences seront grandes, sur l'opinion internationale, dans le monde universitaire, sur la diaspora juive.

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  3. Lire l'article indispensable de Marc Lefèvre sur Telos (clic).
    Extrait : "...Graduellement, insidieusement, les contraintes imposées par un maintien de l’occupation des nouveaux territoires conquis en 1967 ont produit leurs effets pervers : incapacité à voir dans l’adversaire un être égal dans ses droits ; tolérance grandissante à l’intolérance ; affaiblissement de nos valeurs morales ; excès de confiance pour masquer les incertitudes...."

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  4. Hubert Védrine sur la solution à deux Etats dans Le Figaro :
    https://www.hubertvedrine.net/grand-entretien-le-figaro-2/

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