vendredi 23 février 2024

Anniversaire d'une forfaiture attendue

faucon gerfaut, emblême de l'Ukraine
#2241- Cela fera deux ans demain qu'a commencé la guerre russe des trois jours ! Au Kremlin, le capominus di tutti capi sème le chaos depuis dix ans sur le limes occidental de la Fédération de Russie qui ne lui suffit pas. Pourtant il y aurait beaucoup à faire pour la rendre présentable. Au lieu de quoi, la clique en charge veut augmenter son "espace vital" comme Adolf Hitler le faisait des Sudètes, mais au moins le Führer tant aimé gouvernait un pays civilisé où les trois quarts de la population n'allait pas chaque matin chier dehors dans un trou de neige.
L'économie de guerre qui leur permet de tenir la dragée haute à l'Occident commence à détruire l'économie civile déstabilisée par les sanctions, rationnée dans ses approvisionnements, et bloquée dans ses exportations ; ce à quoi les Russes sont habitués depuis toujours. La pénurie budgétaire détisse la cohésion de la Fédération dans ses espaces perfusés de subventions, comme ils le sont tous à l'est des monts Oural. Quand Moscou ne pourra plus payer les gueux, il y aura de gros problèmes comme l'anticipait Hélène Carrère d'Encausse. Les gouverneurs seront tentés d'ouvrir des alternatives pour se maintenir à poste en "sauvant" leurs administrés. Entretemps, le budget russe entrera dans le tunnel d'une compétition existentielle lancée par le Kremlin parce qu'il va falloir tenir tête à l'implication de plus en plus lourde de l'Occident global dans la guerre d'Ukraine aux côtés de Kiev, lequel rehausse continûment le niveau technologique des armes livrées au front. Le dernier défi du même genre fut la "Guerre des Etoiles" de Ronald Reagan que le Politburo n'avait pu suivre parce qu'il était en train de s'y ruiner. Finalement, la ruine de l'Union soviétique emportera peu après la bassine, le bébé, l'eau du bain, tout ! Chaos total !

Contrairement à la doxa pro-russe française, la Russie n'a pas d'amis. La Chine populaire soutient Moscou comme la corde le pendu en surveillant l'extrême-orient sensible où elle a des revendications anciennes mais toujours réitérées. Des banques chinoises ferment leurs comptes russes. Les entrepreneurs chinois appelés à combler le déficit de production russe ne viennent pas afin de ne pas mettre en péril leurs exportations plus juteuses vers les pays de l'OCDE, et les corporations gazières ne se précipitent pas pour poser les tuyaux au Kazakhstan, si encore elles s'y décidaient réellement un jour ; les mollahs iraniens facturent les drones à prix d'ami dix fois plus chers que le tarif ; l'Inde absorbe beaucoup de brut à prix cassé qu'elle raffine avant de le revendre sur le marché mondial encaissant la marge que se faisaient les Russes auparavant. Et personne n'accepte plus les roubles. Mais l'ancien préposé aux tampons du KGB de Dresde fait campagne sur ses succès... historiques, et les otaries en réunion battent des nageoires !

Jusqu'où iront-ils ces Russes-là, car nous faisons la différence ! Jusqu'au chaos final tel que l'a connu l'URSS. La banqueroute morale et sociale de la Russie ne lui permettra pas de sauver de la dislocation la Fédération de Russie et sa coagulation forcée. Après le départ des "stans" en 1991, viendra bientôt celui des républiques ethniques à l'identité fortement marquée dont les hommes auront le plus contribué aux listes de morts et disparus de la guerre d'Ukraine. N'ayant jamais été éduquées à leur propre prise en charge, le désordre sera total, tant et si bien que se fera sentir rapidement un besoin d'ordre. Quels seront alors les pôles d'aimantation permettant de faire tourner des systèmes "solaires" de l'Oural au Kamtchaka ?

La Chine populaire est déjà à l'affût d'un anschluss économique et démographique des terres de l'Amour qui lui furent arrachées par les tsars aux siècles précédents (*). Dès la mort de Staline, cette revendication rampante a donné lieu à des conflits ouverts sino-soviétiques qui précipitèrent en un affrontement armé en 1969.
Le Caucase musulman trouvera peut-être une solution avec l'une des puissances régionales du Croissant qui manifestera son intérêt, les autres au bonheur la chance à qui paiera le plus.
Délestée d'un terrain vague immense qu'elle n'aura pas pu tenir, la Russie occidentale deviendra un tigre économique aussitôt que les réformes économiques de bon sens auront été appliquées, après destruction complète de la clique prédatrice poutinienne qui obère tout développement utile. Rien ne dit que la Biélorussie ne s'y agrègera pas ; ce serait son intérêt.
Si le nouveau pouvoir russe est assez intelligent, il décrètera zone franche l'enclave de Kaliningrad qui entrera ce faisant, comme la Norvège, dans le marché commun où est sa vraie place.

carte politique de la Fédération de Russie

Mais l'anniversaire des deux ans de guerre est aussi le moment de faire le point.

Le front oriental au Donbass est stabilisé, les belligérants essaient d'oblitérer les saillants (comme Avidiivka) mais d'aucun côté la puissance de feu n'est suffisante à maintenir une poussée décisive qui percerait le dispositif adverse. Le bombardement des lignes arrières, nœuds logiqtiques, postes de commandement, radars et conduites de tir se poursuit, les Russes travaillant au poids, les Ukrainiens au mètre. La couverture aérienne de l'Ukraine par des avions modernes facilitera la manœuvre mais ne changera pas le fond tactique. Puisque la contre-offensive de Kiev visant à atteindre la Mer d'Azov pour rompre le continuum territorial entre le Donbass et la Crimée a échoué, il semble que la zone d'effort soit maintenant la péninsule tatare. On attend donc la coupure du pont de Crimée pour demain si elle n'a déjà été faite au moment où s'écrit cet article. Les Russes s'y attendent aussi. Ne tenant plus la mer, les Russes auront un mal de chien à se maintenir en Crimée sous les bombes métriques ukrainiennes, mais les garnisons se battront sans doute jusqu'au bout pour entrer dans l'Histoire.

Sur le plan diplomatique, le fait marquant de ce mois de février 2024 est le triple accord de sécurité que l'Ukraine a signé séparément avec le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France pour programmer un soutien dans la durée (dix ans) en attendant l'intégration du pays dans l'Alliance atlantique. L'implication formalisée des trois puissances européennes du côté ukrainien aura plusieurs effets induits, le premier étant de montrer au Congrès des Etats-Unis que la Vieille Europe ne s'en laisse pas compter, ni par l'un, ni par l'autre. Le deuxième est une occidentalisation de l'armement ukrainien et une normalisation OTAN des règles d'engagement. Le troisième effet signale aux pays en retrait de la main comme l'Autriche, la Hongrie ou la Slovaquie qu'on n'a pas besoin d'eux pour contenir l'avancée de la brute qui marche ; ce qui les obligera à en rabattre lors des prochains sommets à Bruxelles. La Commission européenne est aussi et d'une certaine façon by-passée par ce mouvement stratégique des trois pays majeurs ; faut-il y voir la main de l'Angleterre ?
Sur un autre plan, on notera la mise en place à l'initiative des Etats-Unis de plusieurs "coalitions de capacités" en soutien à l'Ukraine qui spécialisent la trajectoire des efforts consentis par l'Occident. Coalition "information" de l'Estonie et du Luxembourg, coalition "artillerie" de la France et des Etats-Unis ; coalition "F-16" des Pays-Bas, Danemark, Belgique ; coalition "anti-aérienne" de l'Allemagne, France, Belgique, Danemark, Lituanie, Grèce et le Royaume-Uni ; etc.

Il ne reste plus qu'à décrypter le mystère de l'hypnose des dirigeants occidentaux qui aura duré vingt ans. Si on connaît les circonstances russes de l'ascension de Poutine, par le côté obscur de la corruption sanglante au sein d'un mouvement de captation du pouvoir par les siloviki (FSB), il est incompréhensible que l'insignifiance primitive d'un employé du KGB mal noté par ses chefs n'ait pas sauté aux yeux des services d'analyse, à moins que ce ne soient les dirigeants politiques qui aient décidé de passer outre leur avis ; mais tous à la fois ? Ce n'est pas pensable. Je suis demandeur d'une explication.

Pour terminer, rappelons les termes de l'accord négocié à Istanbul au mois de mars 2022 par les délégations ukrainiennes et russes, accord qui fut refusé par le Kremlin alors en pleine offensive :
  • Retrait de l'armée russe des territoires envahis depuis le 24 février ;
  • Finlandisation de l'Ukraine (pas d'intégration à l'OTAN);
  • Démilitarisation limitée (le format de l'armée devait être négocié à part);
  • Les oblasts séparatistes du Donbass bénéficieraient d'une autonomie semblable à celle du Pays basque espagnol ;
  • L'Ukraine s'engageait à tenir un référendum d'appartenance en Crimée (et pas dans tout le pays) avant quinze ans ;
  • Un traité de neutralité et sécurité devait recevoir l'endos de puissances européennes prêtes à s'investir dans son exécution.
Le premier avril 2022, la question pouvait être en voie de réglement, mais alors que les colonnes blindées russes commençaient à desserrer l'étau, surgissait le massacre ignoble de Boutcha ! Pourtant des contacts ténus furent maintenus jusqu'à la chute de Marioupol le 17 mai et son score atroce de victimes civiles et militaires. Terminato !

Les belligérants ne sont plus aujourd'hui dans le même état d'esprit, qui marchent sur des centaines de milliers de morts. Les Ukrainiens reçoivent enfin des armes de dernière génération qui apportent allonge et précision ; les Russes de leur côté bénéficient de la reconversion de leurs usines mécaniques à l'économie de guerre et la production est là. Les munitions ne semblent pas être un problème, surtout en 152 coréen, même si la logistique russe est régulièrement visée. Il faudrait être autour de la caisse à sable de chaque état-major pour les écouter, mais il semble que les Ukrainiens soient modérément optimistes à partir du moment où les livraisons d'armes occidentales continuent. Reste à trouver les hommes pour les servir. C'est leur problème ; par contre ils doivent absolument contrôler leur espace aérien et dans ce compartiment nous seuls pouvons les aider. Et aussi au niveau de chacun :

Volodymyr Zelensky a créé le site UNITED24 pour collecter des fonds de fondations et de particuliers pour l'effort de guerre. Chacun peut contribuer d'un simple clic à partir de 50 euros. C'est par ici. Merci. Le piéton cotise pour la fabrication des drones navals (*). Aussi, quand un bateau est envoyé par le fond au moyen de l'un d'entre eux, il peut légitimement se reservir à l'apéro un verre de muscat de Frontignan !

13 commentaires:

  1. Pour paraphraser René Grousset dans "l'Empire des steppes" parlant de Tamerlan : « il représente [...] cette étape supérieure du besoin ancestral de meurtre qu'est le meurtre perpétré au service d'une idéologie abstraite, par devoir et mission sacrée.»
    Poutine tue, c'est l'accomplssement de son destin.

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    1. Poutine tue ou plutôt fait tuer, car il n'a jamais combattu et ne pourrait faire un grenadier-voltigeur de pointe qui monte à la bayonnette jusqu'au blanc des yeux de l'autre.
      C'est un couard, sa physionomie jeune de tête-à-gifles le laissait voir.
      Wolf

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  2. Vous demandez une explication sur l'hypnose des dirigeants européens.
    C'est un affaissement mental et sans doute intellectuel dans le confort trompeur d'une paix d'intérêts économiques.
    La guerre était passée de mode dans le monde civilisé, juste une occupation de nègres. On n'a pas cru à la perversité de la paranoïa de Poutine et ses conseils.
    Pourtant ça se voyait un peu quand même.
    Aymeric

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  3. Désolé, je ne pratique pas le Muscat de Frontignan lui préférant, en dehors des bons (très bons) whiskys, le Gin Xoriguer de Mahon ! En revanche, et si je suis tout à fait d'accord avec le portrait que vous dressez régulièrement du faux tsar de Moscou, je suis beaucoup plus sceptique vis-à-vis des capacités ukrainiennes à l'exception... de la corruption et des trafics en tout genre. C'est pourquoi je demeure réservé quant à l'admission dudit pays au sein de l'Union européenne (encore que cela pourrait peut-être la faire mourir plus vite) et plus encore en ce qui concerne ma participation à la collecte financière de Volodymyr Zelensky. Même si je reconnais que ses drones navals ont de la gueule et pas que.

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    1. La barbarie des combats m'a fait choisir un camp. C'est l'Ukraine, et pour ne pas rester sur l'Aventin, je cotise pour noyer les équipages qui lancent des missiles de croisière sur les villes paisibles. C'est simple.

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  4. Ce scrupule vous honore.

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  5. L'Elysée lit manifestement vos billets ! Et voici Tartarin de Tarascon qui nous annonce vouloir partir en guerre sur le sol ukrainien. Il rêvasse bien sûr, comme souvent, mais ça lui permet de mettre en oeuvre "la tactique du chat mort" et de détourner l'attention des gogos ici même. JYP

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    1. Outre le fait que l'armée française serait bien en peine de tenir un seul oblast d'Ukraine sous le pilonnage russe, à moins de détruire les bases aériennes en Russie, M.Macron est dévoré par sa propre communication au point de dire n'importe quoi pour rester sous les feux de la rampe.
      Lire l'entretien lumineux avec Beneditti repris par JSF:
      https://www.jesuisfrancais.blog/2024/02/27/le-monde-imaginaire-du-macronisme-na-aucune-prise-sur-celui-bien-reel-du-paysan/

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    2. On ne saurait en effet mieux décrire la situation présente que le fait Benedetti. C'est ce que je redoutais lorsque j'annonçais dès 2017 : "Si Macron est élu, c'est cinq ans de foutus" (dans une vision clinique du personnage). Hélas, nous en sommes bientôt à 7. Au long de la Cinquième République, il aura été le pire de tous. Les Français profiteront-ils de l'expérience pour regarder d'un oeil neuf la monarchie ?

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    3. Sauraient-ils de quoi on parle ?

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  6. Vous êtes-vous resservi un verre de Muscat de Frontignan après la dernière action d'éclat de l'un de vos drones navals ? JYP

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    1. Un petit verre, oui !
      Le Sergei Kotov est un patrouilleur lourd de 12000 chevaux qui malgré sa mitrailleuse lourde de sabord et son canon rapide de 76 n'a pu atteindre le drone qu'il a clairement identifié. On voit très bien les traçantes sur la vidéo qui passent au-dessus du Magura ; et le navire ne manoeuvre pas.
      Il y a un problème de compétences ou de commandement à bord.
      Garçon ? Remettez-nous ça.

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