"Nous sommes en guerre mondiale qui ne dit pas son nom. Ne perdons pas du temps avec des vieilleries comme l'autarcie ou le malthusianisme. Pas nous, Français ! Nous sommes une nation de bien autre chose qu'un ramas de trouillards. Sinon à quoi sert-il ... de vouloir remettre un roi demain ?"
Un fil de discussion avait démarré au mois d'août sur le forum Vive Le Roy autour de cette question centrale.
Sur le forum d'Action française, Diable-Boîteux va plus loin et met en question le lien lui-même entre souverainisme et souveraineté, celle-ci ne résidant pas où la cherchent les souverainistes. Avec son aimable autorisation, voici l'expression de sa perplexité. Ce texte est fondateur : ...
« Depuis quelque temps, je m’interroge à propos d’un concept dont l’Action française s’honore sans jamais l’avoir explicité de manière satisfaisante. Contrairement au nationalisme, que Charles Maurras et tous les maîtres de la ligue ont pris grand soin de définir pour l’arracher enfin aux griffes idéologiques de la gauche jacobine, le combat souverainiste est une forgerie récente, empruntée aux Québécois par Paul-Marie Couteaux & Cie. Pour quelle raison l’AF a-t-elle enfourché ce cheval de bataille républicain ? Quelle est sa propre conception du « souverainisme » ? Ce combat est-il vraiment pertinent ? Telles sont les questions que je me pose.
C’est dans le cadre étouffant de l’unification européenne que le souverainisme français a pu déployer ses ailes. L’AF n’a pas inventé le mot fétiche, qui s’inscrit lui-même dans une longue histoire : le souverainisme puise sa source aux doctrines anciennes de la souveraineté. Le nom de Jean Bodin vient alors à l’esprit de tout honnête homme, si j’ose dire. Selon ce penseur prolifique, auteur des Six livres de la République (1576), « La souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une République, que les Latins appellent majestatem, (...) » Dans le langage de l’époque, le mot République doit s’entendre au sens étymologique, la res publica ou, pour simplifier un peu notre propos, l’Etat. La souveraineté est donc la plénitude de la puissance publique, qui se doit d’être absolue (libre) et perpétuelle.
A priori, si l’on s’en tient à cette définition, la souveraineté est indépendante de la nature du régime politique ; elle peut ainsi revêtir différents masques, celui d’une monarchie absolue, d’une aristocratie marchande, d’un césarisme plébiscitaire ou d’une démocratie parlementaire. Ajoutons cependant qu’aux yeux de Bertrand de Jouvenel, l’un des maîtres oubliés de l’Action française, la souveraineté ne trouve que deux origines : l’onction divine ou la faveur populaire, car il est naturel de penser qu’une « Volonté suprême ordonne et régit la communauté humaine » (Du Pouvoir). Sans l’affirmer aussi brutalement, il est clair, pour Bertrand de Jouvenel, que la souveraineté populaire est mère de tous les monstres politiques contemporains, qu’il appelle le « Minotaure ».
Pour qu’une doctrine de la souveraineté ait une raison d’être, il faut bien sûr un souverain. Quel est ce souverain que l’Action française défend au nom du principe souverainiste ? La réponse semble aller de soi : le Roi. Ce n’est pourtant point si évident, car le souverainisme qu’elle arbore est le fruit d’un compromis circonstanciel face au Minotaure bruxellois. L’AF donne l’impression de faire allégeance à la souveraineté en l’absence même de monarque, de souverain légitime, ce qui est contradictoire. Comme ses « alliés de fortune » (gaullistes authentiques, villiéristes, chevènementistes, frontistes ligués contre le fédéralisme européen), elle parle sans cesse de maintenir la « France souveraine », or ceci n’a aucun sens, puisque la France ne peut être souveraine d’elle-même ; le pays requiert un souverain. Ce n’est pas à la France d’assumer la « puissance absolue et perpétuelle » dont parlait Bodin, mais au Roi.
Quand il est question de la Nation, l’Action française prétend garder l’héritage en attendant l’héritier. C’est une position raisonnable, puisque la Nation est une réalité vivante, charnelle, capable de vivre ou survivre quelque temps sans héritier (nous commençons néanmoins à voir les stigmates d’une lente érosion du tissu national). La formule s’applique-t-elle également à la doctrine de la souveraineté ? Non ! La souveraineté n’étant ni un héritage commun, à l’instar de la Nation, ni une réalité affranchie du souverain. Un responsable politique du mouvement l’a fort bien compris : la souveraineté n’est pas concevable sans le souverain.
L’Action française confond souveraineté et indépendance. Comme me le rappelait PVO sur le forum Vive Le Roy, être indépendant, cela signifie ne dépendre de rien ni de personne. Pour les Etats, comme pour les personnes d'ailleurs, c'est une chimère. Celui qui détient les attributs de la souveraineté peut librement décider de ses dépendances (économiques, diplomatiques, monétaires, stratégiques, etc.). Le choix de telle ou telle dépendance s’effectue selon une politique particulière, faite d’intérêts, de préférences et de traditions. Pour un Etat, être souverain c'est pouvoir gouverner ses dépendances du point de vue du Bien Commun. Il convient donc que la souveraineté soit l’apanage d’une instance vraiment souveraine, libre de ses dépendances. Le souverain ne peut ni ne doit être soumis à l'opinion (cf. le renversement des alliances de 1756), aux puissances de l'argent (l’arrestation de Fouquet en témoigne), à la sphère métapolitique, etc. Autrement dit, pour qu'un Etat soit pleinement souverain, il faut qu'il ait à sa tête un souverain digne de ce nom, un Roi.
Un refuge demeure pour les partisans du souverainisme : celui-ci serait un hommage à l’Etat. Le combat souverainiste aurait ainsi pour seule vocation de sauver l’indépendance de l’Etat, quelle que soit la nature de son régime politique, contre un péril mortel, l’euro-fédéralisme. Ce pari est aberrant, pour différentes raisons : d’abord, il amène l’Action française à renoncer (pour un temps) à l’idée cardinale selon laquelle la souveraineté doit s’incarner en un homme fait de chair et de sang, le Roi ; puis il la conduit, par des voies détournées, à se faire la sentinelle aveugle de la République contre l’Europe de Bruxelles ; subtil ricochet, il entretient la confusion dans l’esprit de royalistes sincères qui brandissent soudain le totem souverainiste en compagnie de républicains ardents dont les préoccupations sont à mille lieues des nôtres ; enfin, en suivant ce chemin parsemé d’écueils, l’AF oublie que la République, selon Maurras, est le règne de l’étranger.
Il est absurde de défendre le présent "souverain" (l’Etat républicain) contre l’emprise européenne, une tutelle dont la République est, comme le prouve la signature du Traité simplifié, l’éternelle servante. »
(Diable-Boîteux - 15.12.2007)
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La démonstration est belle, mais bête.
RépondreSupprimerL'AF a demandé en 14 de défendre la République sans quoi la France aurait été Allemande. Aujourd'hui il faudrait laisser se poursuivre le processus sous prétexte que si on l'arrête on sera toujours en République ?
Restons sérieux. Halte à la branlette intellectuelle on finit par devenir collabo !
Navré henrihubert, mais vous n'avez rien compris à mon propos. Que les progrès de l'Europe politique représentent une menace pour l'indépendance de la France, cela semble aller de soi. Ma critique envisage la question sous un angle différent : tant que l'Af légitime une forme de désincarnation du principe de souveraineté, elle admet de facto que la personne du roi n'est pas indispensable. Or, je persiste et signe, le Roi est le seul dépositaire de la souveraineté. Celle-ci ne peut demeurer sans lui. L'Af devrait d'ailleurs être de mon avis : n'a-t-elle pas pour habitude de chanter que la France se défait sans Roi ?
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