vendredi 25 juin 2010

Louis XX à New York

les ducs d'Anjou au baptèmeEn quelques lignes, j'ai compris Louis de Bourbon et m'en voilà rasséréné. Comme beaucoup de royalistes de France, je cachais mes doutes pour ne point affaiblir une cause pas si vaillante déjà. Si je n'en avais aucun quant à son intérêt pour les affaires françaises - même si j'avais conçu que ses activités prenantes puissent l'en distraire souvent - je me demandais si le "beau gosse", fan de polo et de régates, ne serait pas phagocyté par la jetset depuis qu'il avait épousé la fortune. Il n'aime pas le "jet", c'est un bon début.
Et puis il y avait cette lutte intime du timide ouvrant son coeur, serré dans la tunique rouge de bailli grand croix. Fini tout ça ! Fini les rédactions préventives. Les hésitations participaient d'un chantier personnel en cours de construction. Il semble achevé dans la maturité des convictions d'un prince à l'heure de son époque et bien dans sa peau, à l'insu des dresseurs de l'ancien temps.

les ducs d'Anjou complices à SotograndeAucun journal royaliste n'est allé chercher Louis de Bourbon, ce mois-ci. Peut-être s'en serait-il méfié à voir les carafes de fiel qui ont été versées sur sa position dynastique dès son mariage, mariage célébré sans le nihil obstat des penseurs officiels de la Cause. On l'oublie souvent, mais seul le président de Présence du Souvenir Bourbonien fit le voyage de La Romana et sauva l'honneur des légitimistes gaulois.
Il s'en souvient ! Et de la Querelle qui coule d'édition en édition, d'un bord ou l'autre, il entend parler aussi.
C'est donc Paris-Match qui a fait le voyage de New York.
L'entretien a été mis en ligne par le magazine qui l'a publié dans son numéro daté du 18 juin 2010. On peut le lire en cliquant ici.

Louis XX en quelques lignes

pleines armes de franceHomme de terrain, abonné au possible loin des fumées bitumineuses d'un pouvoir absolu hors du temps, il nous apporte une monarchie du Nord et la fonde d'instinct sur trois services à rendre au pays : autorité morale au-dessus des luttes partisanes inhérentes à un régime constitutionnel démocratique, ambassadeur de son pays à l’étranger, garant de l’unité du pays et preuve vivante de sa continuité historique. Dans un élan rassembleur, il ne récuse pas les républicains. Cherchera-t-il à les convaincre ? Apparemment il croit que c'est possible, comme son cousin y est parvenu en Espagne.

Ceux qui n'ont pas loué leur miséricorde dans les chapelles de la monarchie intégrale échouée rient aux exigences des docteurs de la loi. Loi que le prince connaît fort bien dans sa déclinaison plurielle des lois fondamentales du royaume de France, et qu'il rangerait sur l'étagère des utopies éventées si elles débordaient de la pointe de pyramide qu'elles règlent. Deux cents ans de désert, on passe le râteau sur la caisse à sable et je te redessine tout ça ! Il a son axe devant lui et comme un athlète, il le voit clairement. Dites-moi que quelqu'un dans le royalisme voit les choses clairement, ça finissait par manquer !
Moi, la praticabilité du projet me plaît beaucoup, même si j'eusse aimé qu'il prenne déjà ses pouvoirs régaliens, mais peut-être le fera-t-il au moment de classer les tenants et aboutissants d'une sortie de crise.

Luis-Alfonso

louis carnassierIl sait aussi expliquer très simplement d'où il vient. Il n'a pas de slogan pavlovien comme les cabris qui crient "Utrecht, Utrecht", il n'a pas non plus de tabous. Franco ? Oui, il a fait beaucoup pour l'Espagne et c'est dommage de défranquiser le pays espagnol.
Sa francité ? Elle fut brisée par l'accident (ndlr - nous disons le meurtre) de son père en 1989 à Beaver Creek. Orphelin et privé de son frère aîné, il fut recueilli par sa grand-mère maternelle à Madrid. On savait déjà qu'il en fut reconnaissant à l'Espagne en choisissant d'y faire son service militaire dans l'armée de l'air.
Quand la lampe royale s'est-elle allumée dans sa tête ? En suivant son père au Millénaire capétien de France, naturellement. Tout est dit simplement, mais le plus charmant est son évocation répétée de Marguerite, son épouse. Après le coup de foudre, il ont construit un pôle de soutien mutuel dans un pays compliqué et difficile à vivre par les positions de sa belle-famille. Son regard carnassier quand il lève un paparazzi sur le chemin de sa petite famille en dit long sur son sens de la protection rapprochée. Il compte sur elle :« Les grandes responsabilités ne me font pas peur. Marguerite, ma femme m’aide. Quand elle s’est mariée avec moi, elle savait qui elle épousait. Elle m’accompagnera là où j’irai ».

Les relations avec ses cousins sont cordiales, nous le savions, il le confirme et ceux-ci mettent en porte-à-faux les sectateurs dynastiques. La Querelle a été réglée par la Cour de Cassation en 2003, les pleines armes lui revenant, il est celui qui est sans prétendre, point barre.

Sera-t-il le dernier debout à Paris avant d'être le seul à venir à Reims ? Puisqu'il adore l'action, souhaitons-lui d'en avoir. S'il se dépêche un peu, nous serons là malgré une atroce sciatique.

le prince Alphonse et ses 2 fils
Postscriptum : L'entretien de Paris-Match est couvert par une belle photo de la famille à cinq qui sera, j'en suis sûr, agrandie dans bien des foyers de France. Archivez tout avant que l'accès n'en devienne payant. Pour finir, je remarque qu'il n'a pas fallu deux cents pages pour tout savoir de lui, parce qu'il n'y a rien à expliquer tant c'est évident.
PPS : Remerciement à Royauté News pour avoir signalé à ses lecteurs l'article de Paris-Match.


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jeudi 17 juin 2010

Debout les masses !

Cet article, paru sur Alliance Géostratégique le 16 avril 2010, passe en archives du piéton du roi, augmenté d'une entame et d'une conclusion politique. C'est aussi le développement d'un billet précédent centré autour des travaux¹ de Kuehnelt-Leddihn qui pourfendaient la levée en masse révolutionnaire.


fusain Valmy
L'Alliance Géostratégique, association de blogueurs mordus de stratégie, est le seul espace francophone de ce type. On y annonce des travaux de bonne qualité rendus par ses membres. Elle s'est donc penchée au mois d'avril sur la propension des sociétés humaines à fabriquer des soldats-citoyens, même si la période actuelle renoue avec l'ancienne frontière aryenne entre les soldats et les laboureurs, et laisse le plus souvent la guerre aux profits et pertes des armées du métier. Il est de beaux exemples de peuples en armes qui exaltent la totalitarisation de l'individu, matricule à tout faire jusqu'au prix de sa vie, comme celle des Marie-louises de 1813, mais la chose commence vraiment à la Révolution.

Nous avons choisi la veille de l'Appel du 18 Juin pour publier cette contribution.


logo AGS
L'Orgie des levées en masse

Le billet d'ouverture² du thème d'avril de l'Alliance Géostratégique dispose que « Dans les formes néolithiques et antiques de la guerre et jusqu’à aujourd’hui, les armées régulières formées de vrais professionnels ou de mercenaires sont une exception ». Nous laisserons de côté la Préhistoire car nous ne pouvons plus rien y faire, et nous nous permettons de mettre en doute cette assertion au simple motif que nous n'avons pas trouvé d'exemple probant depuis la charnière de notre ère qui voit la soumission des Gaules puis les premières invasions barbares, et jusqu'à la Révolution qui réinventa la levée en masse de l'Antiquité. Ce billet n'est qu'une collection de pitons, autant de questions qui se résument simplement en une seule : « Où a-t-on vu de levée en masse pendant ces seize siècles ? »

Jules fait une guerre classique pas une pacification
Alésia
Les peuples résidant en Gaule celtique qui s'opposeront à l'Empire romain connaissent la profession de soldat. Les milliers d'archers ruthènes (Rodez) de la bataille d'Orange contre Quintus Fabius Maximus ne sont pas des paysans qui ont coupé les frênes du bocage rouergat pour se faire des arcs. L'armée averne de Bituitos est pour sa part une armée presque réglée, incorporant des renforts de spécialistes. Si ces armées gauloises ne sont pas « casernées » comme les légions romaines, elles sont sur rôle de bannières homogènes indissociables. Jules César n'entre pas en Gaules pour faire une guerre coloniale à des sauvages mais une vraie guerre et son récit est palpitant. Il gagnera parce que Rome a théorisé ses tactiques de combat, a inventé le bivouac terrassé, la discipline d'infanterie, la manoeuvre des corps de bataille, la technique du fort mobile, les apparaux de siège, et non parce qu'il affrontait des paysans conscrits malgré eux. D'ailleurs les Gaulois avaient déjà vaincu l'empire une fois (Brennus), plus Gergovie bien sûr.

On ne peut disputer que les hordes barbares étaient d'abord des armées avant d'être des nations en marche. Tout homme libre était de naissance soldat. C'était pour le barbare une affaires de couilles. D'ailleurs on estime que seuls les Huns et les Goths avancèrent en nation derrière leurs bannières permanentes. Les autres, Vandales, Suèves, Alains, maraudaient en bandes de pillards sur de très longues distances, préfigurant les razzia maures. Rien à voir avec des peuples en armes. Quand leurs descendants revinrent en 720 chez nous, ils s'encombrèrent de smalas qui à la fin (Poitiers) les perdirent.

roi AlaricLa loi barbare
Si on observe les barbares (chez nous surtout les Goths et les Francs) dès qu'ils se sédentarisent, on s'aperçoit que les fonctions sociales se spécialisent à mesure de la complexité du gouvernement, et naît alors le régime féodal que l'on connaît dans la totalité de son enchevêtrement, avec son cadastre minutieux copié du ficus romain, ses codes précis foi et hommages, sa fiscalité sophistiquée et ses étages de bans.
(voir la Charpente Féodale sur Royal-Artillerie).

Ce régime féodal qui règle la vie sociale européenne jusqu'à l'époque moderne, différencie et hiérarchise les fonctions de producteurs, soldats et prêtres, et créera très tôt les facilitateurs sociaux improductifs que sont les marchands, les banquiers et les clercs ; et si les trois « ordres » concourent aux bénéfices de la société ou à sa défense, on ne les mélangera jamais, pour la préservation d'un équilibre social toujours difficile à atteindre avec les moeurs de l'époque. Bien sûr, des civils seront ci et là contraints à des tâches ancillaires en soutien des compagnies de combat et finiront par vivre sur les armées comme le gui sur l'arbre, autant d'ailleurs que ces armées en exigent d'eux, mais ils ne monteront pas à l'assaut ! Ils écumeront le champ de bataille en charognards en rémunération de leur concours.
Lire la Vie des Grands Capitaines de Brantôme ou les mémoires de Blaise de Montluc est édifiant. Il n' y a nulle part d'histoires de bidasses, que des troupes de métier et de la bonne humeur dans la tuerie. Essuyez votre lame, messire.

Plus tard, les « milices de Louvois », levées par toutes les municipalités, à raison de quelques hommes équipés pour chacune, n'allèrent jamais plus loin que les « braves territoriaux » du paquet de chicorée de mon enfance. On ne s'en servit pas sur le champ de bataille, mais elles tinrent des places fortes évacuées par les troupes d'assaut appelées ailleurs, et plus généralement faisaient la sentinelle ou "la garde au point d'eau".

Reste un cas douteux de stratégie scabreuse : les Croisades
chevalier croiséLittéralement, c'est une levée en masse. Formidable. Il n'est pas d'exemple dans l'histoire de pareil tourisme armé enrôlant tant de volontaires, hommes de grande foi ou parfois désignés par le goût de l'aventure, leurs moeurs, leur folie ou les rivalités personnelles. Tout le monde y partit, même des enfants, pour le plus grand bénéfice de Rome, et des logisticiens de Gênes et Venise. Néanmoins les engagements décisifs furent à la gloire du métier, les pèlerins ne pesant pas lourd devant le mahométan, même à lances groupées derrière la croix de l'évêque.
La chevalerie franque, chargeant étrier contre étrier sur des monstres caparaçonnés de plus d'une tonne, anticipait les blindés de Gudérian, et surtout effraya l'infanterie seldjoukide. Il en restera une forte empreinte dans l'imaginaire arabe déjà passablement impressionné par le Mur franc de Poitiers (732) que les Maures découvrirent pour s'y écraser. « Les hommes d’Europe formaient une mer immobile. Ils se tenaient l’un près de l’autre, raides comme un mur, tels une masse de glace, solidement attachés les uns aux autres » (Isidore). Les veillées sous la tente sarrasine chuintèrent longtemps d'effroi.

Les auxiliaires pèlerins des croisades firent-ils la guerre ? Du pillage certainement, jusqu'au sac de certains villages chrétiens un peu naïfs, mais pas vraiment en compagnies de combat régulières. Alors que la ressource en Europe était inépuisable – la foi chrétienne allait y ériger les plus belles cathédrales du monde - , le Royaume de Jérusalem pâtit du moindre intérêt manifesté à son endroit par les grandes maisons ducales ou comtales d'Occident et donc de la raréfaction de troupes fraîches non perverties par l'Orient enjôleur, jusqu'à étrécir comme peau de chagrin. Les bénéfices considérables retirés de la mise en coupe réglée du Proche-Orient ne suffirent pas non plus à régler les troupes mercenaires de substitution, l'écran de veille restant quand même mystique et chevaleresque.

Les mercenaires
le lansquenet
Un dernier élément tendant à prouver le peu d'intérêt de la conscription au long de cette période de seize siècles (avant Valmy) est justement la prolifération des compagnies mercenaires. Si l'Italie et le Saint-Empire donnèrent l'exemple parce que leurs villes rechignaient à distraire leurs citoyens de leurs fructueuses occupations, la France s'y mit aussi. Des miquelets espagnols cantonnaient dans les Cévennes, l'armée royale avait plusieurs régiments étrangers dont les plus connus sont les régiments suisses, mais également des régiments allemands et irlandais. L'organisation militaire à la fin de l'Ancien régime recense³ dix régiments d'infanterie suisses et grisons, huit allemands dont le Royal-Suédois de Fersen, favori de Marie-Antoinette, le régiment spécial Royal-Hesse du Landgrave de Darmstadt, et trois irlandais. La cavalerie dispose du Royal-Allemand, du Royal-Pologne et des hussards (Esterhazy) de Saxe, même si la presque totalité de l'encadrement est français.

Frédéric de Prusse (1688-1740), le roi-sergent qui comptait en dormant, justifiait ainsi l'enrôlement massif d'étrangers dans son armée : le mercenaire laissait un paysan prussien aux travaux des champs, il diminuait la ressource militaire de son pays d'origine et sa perte n'aggravait pas le chagrin national. Il avait le sens des formules, son fils plus encore (4).

Le "vice" de pérégrinité
Où l'on voit que la guerre est affaire de professionnels, c'est dans les engagements d'officiers sur tout le territoire européen quelle que soit leur nationalité à une époque où justement la "nationalité" commence à prendre un sens. Des exemples pris avant et pendant la Guerre de Sept Ans, dernière grande guerre classique avant les guerres massives de l'Empire, montrent bien que la chose militaire reste entre gens de guerre, entre techniciens :

feldmarshall von MünnichMünnich (1683-1767) est oldenbourgeois et commence une carrière de jeune officier au service de la France au Royal Hesse-Darmstadt puis s'enrôle chez les Saxons, pour rejoindre ensuite le csar Pierre II et terminer pour lui le canal Ladoga commencé depuis dix ans ! A la tête du conseil de guerre russe il réorganise les armées du csar et fait tout le reste de sa carrière contre l'Empire ottoman. La révolution de 1741 le conduira presque à l'échafaud, puis le vieux feld-maréchal reprendra du service à l'appel de Catherine II.
Le feld-maréchal Keith (1696-1758), cadet du 9°comte Marishal d'Ecosse, ancien soldat jacobite, ex-colonel espagnol au siège de Gibraltar (1726), prend le commandement d'un régiment de la garde russe de Pierre II, fait office de proconsul de Finlande pendant la guerre russo-suédoise en 1742, et rejoint le roi de Prusse comme gouverneur de Berlin en 1746. A la déclaration de guerre (1756) il commande une armée de Frédéric II avec laquelle il se couvre de gloire pour mourir à la bataille de Hochkirch. Il sera enterré par Franz Lacy (1725-1801), le général autrichien d'origine irlandaise et jacobite comme lui.
Celui-ci justement a le même vice de pérégrination. Né à Saint-Peterbourg d'un père feld-maréchal du csar, il fait ses classes en Allemagne et intègre l'armée autrichienne. Il fait toute la guerre de Succession d'Autriche et finit colonel plein. Il mettra ses talents d'organisateur au service de Marie-Thérèse d'Autriche, Joseph II et Léopold II jusqu'à épuisement.

Ils sont comme eux des centaines de jeunes nobles à faire de grandes carrières où le destin les appelle, des milliers de "cadets" dans des emplois d'officiers subalternes par toutes les armées d'Europe sans "brevet de nationalité", des dizaines de milliers d'autres de partout, dans la maistrance ou le corps des bas-officiers qui constitue le coeur de métier.

Alors quand à ces cadres professionnels, la levée en masse offrira un "budget" de pertes - c'est Napoléon qui le premier appliquera ce terme à la consommation naturelle des effectifs - c'est la fête … des morts ! C'est Eylau ! Essling ! Waterloo ! Un million de soldats européens mourront en quinze ans pour rien.
soldats de plomb
Le prix de l'armée
Si la possibilité de conscription avait été d'acception commune dans l'histoire moderne avant la Révolution, la pression fiscale née de l'emploi de troupes réglées dans les guerres aurait été allégée par sa mise en oeuvre, et l'on sait que cette pression fut (et demeure) une des récriminations populaires de base, avec justement la conscription par contrainte. On peut en déduire qu'elle n'était pas acceptée, pour ne pas dire inexistante, alors que la fiscalité était, elle, inévitable. Une armée de métier pesait certes sur le budget mais achetait indirectement la paix sociale en laissant les civils vaquer. Les révoltes contre le tirage au sort de la Convention et les taux important de déserteurs sous l'Empire montrent que la conscription ne fut jamais populaire. Ce qui explique au bout du bout la facilité avec laquelle la loi Chirac de professionnalisation a pu passer en 1996. La moitié de la classe d'âge y échappait déjà par toutes sortes d'artifices. L'enthousiasme de Valmy avait beaucoup décru.

Ne pouvons-nous donc trouver de « peuple en armes » tout au long de cette période de seize siècles, hormis le cas particulier de citadins assiégés dans leur ville ? Ma langue au chat, mais peut-être qu'en cherchant bien… A vos bibliothèques !


Conclusion provisoire
Cette collection de faits n'annule pas la possibilité de conscriptions de masse limitées à un périmètre précis, dans des circonstances graves. Mais une chose est sure : la guerre de masse découle de ce que la Révolution française, menacée à ses frontières physiques et idéologiques, a inventé la Levée en Masse. Elle étendait à l'ensemble de la Nation la solidarité de la tribu et pour ce faire, devait égaliser les consciences, former universellement à la technique quelles que soient les aptitudes individuelles, endoctriner à la haine. On passait de l'armée de métier, formée de gentilshommes, vaillants manants, joueurs ruinés et parfois bandits en fuite, tous d'accord pour en découdre pour la solde et quelques-uns pour la gloire, aux armées de conscription formées de matricules combattant selon le règlement.

Les monarchies voisines de la Révolution furent submergées par les masses automatiques françaises brillamment déployées par Bonaparte, et durent se résoudre pour survivre à accroître la ressource dans des modèles similaires qui finirent par nous vaincre. En réagissant ainsi – mais pouvait-on faire autrement - on lançait par toute l'Europe un militarisme de type bourgeois (le peuple au front) qui prédisposait aux massacres de masse. Les monarques eux-mêmes prirent la pose dans un uniforme militaire !

Catoneo
Paris, le 14 avril 2010

pucelle du 1°RA
In cauda
Le plus grave pour les nations européennes fut sans doute l'endoctrinement généralisé du soldat à la haine, ciment à prise rapide des unités de combat. La guerre de territoires devint rapidement un affrontement idéologique. Viendra le siècle des nationalités avec les deux unions italienne et allemande, nationalités puis nationalismes, irrédentismes, qui se construiront les unes contre les autres.
A l'assaut sous les masquesChez nous, le fritz, le boche, le macaroni, deviennent le bouc émissaire de nos insuffisances et ne méritent que la mort. Les deux guerres mondiales sont vendues aux peuples de l'Ouest comme la lutte finale du Bien contre le Mal, le Bien étant indiscutablement la Démocratie maçonnique. Victorieuse, elle écrira l'Histoire et lui donnera un Sens. Un sens total, indiscutable, "réglementaire", exportable même de force chez ceux qui n'en connaissent pas les bienfaits. Chine, Indochine, Russie, Inde, Iran, Mésopotamie, pour n'en citer que six, seront déconstruits et reconstruits en régimes parlementaires inadaptés à leurs moeurs mais dans la norme acceptée par la "conscience universelle", quels que soient les ravages de ce nouveau bonheur. Les plus grandes armées de masse y seront levées et consommées dans les règles du genre. Normal !
«Tout Français est soldat et se doit à la défense de la patrie» disait la loi Jourdan qui oubliait de fournir le bois des croix blanches et les règles de leur espacement.

En quoi ce thème AGS est-il d'actualité ?
La conscription a-t-elle un avenir ?
La dernière levée en masse fut celle des Iraniens dans la guerre Iran-Irak. Elle fut sanglante comme tous les modèles antérieurs. Depuis lors, aucun gouvernement n'y a eu recours, même Saddam Hussein s'en dispensa en 2003, qui comptait sur le seul rempart de la Garde républicaine, son "Mur franc" dont la glace fondit !

Si la conscription reste encore une façon de constituer des forces armées, on s'aperçoit qu'il n'existe aujourd'hui que trois grandes armées se réclamant de ce type et accédant à un niveau qualitatif professionnel. Toutes les autres sont de métier, et celles, hormis les précitées, qui se réclament encore de la conscription ne sont pas au niveau requis pour une guerre conventionnelle de haute intensité.
Les trois premières sont celles de la Chine populaire, de Taïwan, de la Corée du nord. Avec un peu d'indulgence, on pourrait y rajouter avec la Russie qui rattrape son retard et rejoindra avant dix ans, dans un ordre décroissant, la Corée du sud, le Vietnam, l'Allemagne, la Turquie, l'Iran et la Thaïlande.
Sur ce total de dix pays, quatre sont des régimes totalitaires, quatre sont des régimes démocratiques, la Turquie et la Thaïlande hésitent à se classer.

Chine populaire
La conscription est constitutionnelle mais ne s'applique en réalité qu'aux étudiants, puisque le nombre de candidats à un engagement volontaire au sein des forces armées dépasse le nombre de postes budgétés. C'est une conscription inversée. La "modernisation" des forces a profondément changé la place des militaires dans l'idéologie communiste, le pouvoir ayant privilégié leur efficacité à tous autres buts.
La sophistication des armes n'est pas le premier motif d'une professionnalisation. C'est plutôt l'hyper-complexité des nouvelles chaînes de commandement et d'acquisition de données à grande vitesse qui exige des formations coûteuses, mais surtout, la permanence des équipes. Les états-majors tactiques doivent avoir la cohésion d'un équipage de sous-marin dès le premier quart d'heure. La conscription légale même altérée par la pratique qui la nie, est dépassée. Le modèle à venir sera copié sur celui des Etats-Unis. La délégation de responsabilités en cours va vers une garde nationale américaine.

Taïwan
L'île considère le service militaire comme ciment national à l'instar d'un impôt de solidarité. Son armée est de très bonne qualité et tient toujours les îles blindées de Quemoy (Jinmen) et Matsu (Mazu) à vue des côtes chinoises. C'est une armée de tradition qui se sent investie d'une mission idéologique, un peu comme l'armée kémaliste de Turquie. L'encadrement est très professionnel.
Son avenir est néanmoins incertain et bien malin qui pourrait le prédire, les Taïwanais refusant l'anschluss à une très forte majorité. Mais il est douteux que l'île puisse suivre dans la course à la qualité lancée par le Continent. Elle ne pourra pas distraire les moyens budgétaires suffisants, question d'échelle.

Corée du Nord
Le royaume érémétique est devenue la triste caricature d'un pays en guerre en pleine paix. L'armée levée par conscription dévore les productions nationales et perpétue cette mobilisation car elle est la seule légitimité du pouvoir dictatorial.
Il n'empêche que la convergence des ressources à son usage crée une armée redoutable dans un conflit conventionnel, qui ne serait amenée à résipiscence que par le feu nucléaire, ce que savent bien ses chefs, qui ont développé une bombe atomique de dissuasion.
Cette armée étant au front (?!), elle délègue la sécurité intérieure à une milice paysanne de trois millions de volontaires désignés, armés convenablement.
Le tout est cimenté par le parti. Son implosion éventuelle en répliquant la méthode utilisée contre les généraux de Saddam Hussein, signera la liquéfaction d'un dispositif retranché à la limite du grotesque.

On peut en conclure que si la conscription reste marquée idéologiquement comme révolutionnaire ou nationaliste, elle est dépassée par le niveau des enjeux. Le choix « métier ou conscription » relève aujourd'hui de considérations géo-économiques que les Etats affichent comme motifs géostratégiques, et au fond du puits, l'on s'aperçoit que le thème AGS du mois d'avril verse dans l'évocation historique pour remettre en lumière l'idéologie révolutionnaire et mortifère sans raison valable au moment.
Les guerres de demain seront hyper-techniques, même si l'on peut deviner qu'à la fin de l'holocauste nucléaire, ça pourra se finir à coups de bâton entre survivants les plus nombreux.

infanterie soviétique
Resterait à faire réellement l'étude.



Note (1): Monarchy at War
Note (2): Peuples en armes
Note (3): TED 1789
Note (4): "Si j'étais roi en France, il ne se tirerait pas un coup de canon en Europe sans ma permission"

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jeudi 10 juin 2010

De l'autorité du réel

trapèze volantA observer les chefs de chapelle depuis un demi-siècle (déjà!), je me suis posé la question souvent de la captation de l'héritage par des légataires auto-désignés. Ceci ne concerne pas la Querelle dynastique bien qu'elle reste un puissant moteur militant, mais cette propension de certains royalistes publics à s'attribuer la défense et illustration du royaume à venir et qui littéralement "font le roi". Pour sa part, le piéton du roi est bien placé pour parler des "royalistes privés" qui sont un cas à part et construisent dans leur coin leur régime individuel et portatif !
De qui détenons-nous la charge de veiller aux intérêts du royaume ?
Les premiers répondent avoir été convoqués par la morale, le devoir ou l'honneur, ou tout cela, les uns et l'autre, vertus muettes qui ne se contredisent jamais. D'autres comme moi, grands coupables aux yeux de l'Inquisition, se laissent emportés par la jouissance dialectique d'un champ ouvert aux quatre vents de la pensée. Aucun n'a la libre-pratique de cet exercice. Je vous explique pourquoi.

Les princes en sont-ils conscients ?
Bien sûr ! Laissent-ils faire par gentillesse, vanité, désintérêt ou faiblesse ? Qu'importe ! Le flou de leur "doctrine" contribue à la prolifération désordonnée des idées royalistes et l'outrecuidance du manant naît de leur silence. Ce qui ne veut pas dire qu'ils n'aient pas potassé la question, mais dans un monde d'images et d'opinions où les citoyens veulent comprendre concrètement quels sont les effets des meilleurs principes, ils en restent à la métaphore, à la périphrase. Aussi faut-il "broder" l'étendard à leur place. Ce travail de conception, jugé par d'aucuns présomptueux, est très utile à propager l'idée du roi. Mais qui ne s'est jamais trouvé un moment suspendu dans le vide ?
Au trapèze donc ! Au dessus du vrai monde.

les princes à la Ferronnerie
Les commémorations en ce quadricentenaire de la mort du roi Henri IV sont l'occasion d'exalter le régime disparu dans une convergence de louanges qui reconstruisent le concept à la limite du mythe, s'appuyant sur la lecture d'ouvrages dithyrambiques qui ne font pas la part du gueux, afin de tendre un fil impeccable du baptême de Clovis au martyre de Louis XVI. Il y eut de magnifiques pages sous l'Ancien Régime, et aussi de grands et longs malheurs. La belle histoire doit partager ses pages avec la condition rude et parfois injuste des sujets ordinaires qui finirent un jour par jeter le bain, la bonde et tout ce qui y nageait ! Une approche critique de la période bourbonienne est nécessaire. Des chercheurs s'y emploient mais dans le milieu royaliste sont peu lus, qui préfère l'hagiographie endogamique et les proclamations fondatrices définitives.

Rebâtir à l'équilibre un système effondré, par la seule force de la logique - ce fut la démarche d'un Charles Maurras - commence par les fondations. Non point les fondations historiques ou dogmatiques qui sont bien connues pour n'y point revenir ici, mais le terrain dans lequel on veut les dresser maintenant. Ce terrain n'est pas un cadeau. Il est meuble et raviné par endroit, il mélange les marnes maçonniques, les grès bonapartistes, l'argile conciliaire, le granit capétien et le sable socialiste, beaucoup de sable. C'est bien le dernier endroit où bâtir un royaume, mais ce terrain incommode nous est imposé puisque l'histoire nous en a fait propriétaires.
Les règles de l'art de bâtir obligent à sonder avant le terrassement, c'est la recherche du pays réel. Pas le pays réel rêvé, mais le pays réel réel ! La sociologie de la France actuelle nous donnent trois évidences parmi cent. Nous allons essayer de nous en servir.

I.- Nos concitoyens vivent dans une démocratie parlementaire.
Pervertis par l'escroquerie du suffrage universel qui les convoque à donner leur opinion sur des questions comprises peu ou prou, ils subissent le filtrage de leur choix par les corps constitués. Cette frustration exacerbe leur "besoin" d'expression et crée les conditions d'une démocratie de voirie où l'on marche contre tout, jusqu'aux paysans qui défilent pour la pluie.

parlement de Berne
Les ravages du parlementarisme sont si notoires - les assemblées n'ont besoin de personne pour se déconsidérer elles-mêmes - qu'il n'y aurait aucune difficulté à réformer le parlement si le populaire avait la main, par référendum ou mandat impératif à ses représentants. Le parlement de Budapest vient de s'amputer de 48% de ses sièges pour respecter la promesse du premier ministre élu.
S'il est possible de revenir à un parlement monocaméral par économie de temps et de moyens, il ne peut être question d'annuler la chambre basse. La spécialiser ou la dé-spécialiser selon l'effet attendu, dans le souci premier de la contenir est une vieille recette. [Le chancelier Maupéou vient de roter d'aise dans le sarcophage].
La dévolution de certains choix à des instances bureaucratiques transnationales est un bon moyen d'extraire de l'hémicycle l'essentiel des joutes puériles engagées au sein du syndicat professionnel des députés de métier ! Tous les exécutifs en conviennent in petto qui envoient à Bruxelles leur projet à retravailler pour le reprendre ensuite comme loi communautaire en toute hypocrisie.
Ainsi le régime à venir devra-t-il composer avec une démocratie orale dans un parlement décoratif, et canaliser l'impatience des citoyens à se mêler des affaires de la cité dans des choix sociaux qui s'exprimeront sur l'espace de conscience politique de chacun. Les "républiques" de Charles Maurras sont des soupapes. Il ne faut pas les oublier.

II.- Les Droits ont été proclamés.
Les hommes naissent égaux en droit. Ce n'est pas le texte exact de la Déclaration de 1789 qui applique abusivement le pluriel "droits", mais c'est une loi qui promet à chacun le droit de jouer sa vie ou son destin dans tous les compartiments sociaux sans exclusive. Le temps qui coule se charge de spécialiser chaque citoyen selon l'éducation reçue, le patrimoine accessible, le capital relationnel, la chance, la malchance et surtout sa volonté et sa force de caractère.
Margaret Thatcher casquéeDans cette "égalité en droit" il y a celle des sexes. La société lutte chaque jour pour l'égalité de traitement à mérites égaux de la moitié de l'espèce humaine. Si la différenciation des genres favorise la réalisation de destins spécifiques voire de privilèges naturels - l'esprit de finesse et celui de géométrie sont distribués différemment (sauf chez Mme Thatcher) - les droits fondamentaux individuels ne peuvent être sexés (j'aplanis mon chemin vers la Coupole) surtout dans l'accès à la conduite des affaires politiques et économiques ; l'expérience ayant montré la vanité du machisme institutionnel. Et dans un raccourci saisissant on en arrive à la loi salique.
Expliquée assez finement dans un billet de Vivatrex sur les lois fondamentales (clic), la loi salique est une loi de circonstance comme toutes ses soeurs, qui ne se justifie qu'à l'aune du Bien et du Juste. Or l'argument historique de ne point céder par mariage le royaume à un prince étranger qui pourrait le revendre à un tiers malveillant, etc... est obsolète. On ne vend plus les pays et de vous à moi, mais ne le répétez pas, le Plantagenêt avait autant de droits et de coeur français que le capétien. Richard Ier d'Angleterre fut enterré en l’abbaye de Fontevraud près de son père Henri II, ses entrailles furent mises à Châlus où il fut blessé et son cœur repose à Rouen.
De nos jours, la Reine redevient "capable" car elle participe de "l'égalité en droit" qui est passée sur le siècle. La loi salique serait à remiser au musée mérovingien de Rennes-le-Château et nous pourrions lui substituer, comme en Espagne, une simple loi de préférence énoncée comme suit:
« Faute de fils, règne la fille du roi »


III.- La France est déchristianisée.
La déchristianisation du pays, aussi regrettable soit-elle, vient de loin. On sait qu'elle était bien avancée à l'ouverture des hostilités révolutionnaires et de fortes présomptions laissent accroire qu'elles étaient tournées vers l'institution plutôt que vers Dieu. D'ailleurs la première mouture du régime nouveau était religieuse. La corruption d'une institution puissamment fortifiée dans une société qui devait lui donner toujours raison, disposant librement de ses codes propres, de ses tribunaux, de ses privilèges fiscaux et de juteuses prébendes, pesa plus lourd dans l'esprit rebelle du commun que le service des âmes ici bas et leur salut dans l'au-delà qu'elle organisait dans des rites universellement acceptés. Le "besoin" de sacrements est indélébile.

ancienne abbayeDe nos jours, les églises de premier rang sont ignorées par la majorité des gens, quelquefois discréditées gratuitement comme dans cette campagne lamentable de pédophilie, alors que le foisonnement des sectes et des églises de second rang, temple du rabâchage des Témoins, du gospel hip-hop évangélique ou de l'inquisition mormone, indique que le spirituel n'est pas mort. L'islam échappe pour le moment à ce reflux bien qu'il soit amorcé dans les pays d'origine, et le bouddhisme progresse par le prestige du dalaï-lama et l'aura de ses complications essentielles - à vous y mettre, préférez le Grand Véhicule.
Qui verrait gagnant l'attelage du trône et de l'autel sur un terreau déchristianisé ? Comme le dit Jean Raspail, le roi ne pourra rentrer d'exil que dans un pays rechristianisé. A défaut de quoi il restera un roi de vitrail. Oui mais !
Ce préalable dans le droit fil de la doctrine légitimiste intégrale nous convoque à l'impossible, et à cela nul n'est tenu sur terre. L'Eglise est en phase de reflux depuis des siècles et l'inversion des courants peut ne pas intervenir avant cent ou deux cents ans. Or nous avons dramatiquement besoin d'une monarchie pour réparer la Nation attaquée de toute part dans le pays qu'elle habite, parce que nous savons que cette architecture, même déliée de la transcendance, favorisera les lois naturelles du Bien et du Juste en première instance, et toutes les libertés dont l'homme a besoin pour s'épanouir dans un projet personnel, dans une entreprise, dans la création, l'innovation, seules choses à nous confiées par la Globalisation.

Certes on pourrait y parvenir avec une monarchie provisoire sans roi - c'est la tendance lourde de l'Opinion désorientée, quand elle réclame l'homme providentiel - son Boulanger, son Général, son Sarkozy (si,si)- mais l'histoire autant que l'actualité nous dit que ce jaillissement d'une solution autoritaire ne dispose que d'un soutien éphémère, les Français étant rétifs à l'autoritarisme. Seul un roi de consensus passera si ses pouvoirs sont finement réglés et si l'on veut bien ne pas oublier la démocratie de proximité. La Nation peut tout à fait disparaître en moins de deux générations par banqueroute ou simple négligence économique et le pays être démembré au profit des intérêts du temps, régionalisation transfrontière, nations sans état, sanctuaires productivistes, principautés d'orgueil, émirats(?!) ; tout est possible dans un pays ruiné.
L'urgence prime une hypothétique christianisation des sols qu'il n'est pas non plus inutile de mettre en mouvement dès à présent.

En conclusion. Sans en faire un système.
La situation actuelle de notre société décrite dans ces trois domaines de la démocratie, des droits de l'homme et de la religion, nous prévient de ne point chevaucher la chimère de l'Ancien régime. Ne souriez pas, des cercles phosphorent sur cet axe sans bien sûr le concrétiser puisque l'impasse politique dans laquelle ils avancent se termine avec la loi de Providence : « Soulève la montagne pour moi, Seigneur ». En attendant d'être obéis, ils défendent la mémoire d'un âge d'or et substituent à l'action immédiate la veille au rempart du futur retour. Glissons.

La démocratisation irréversible nous limite à une monarchie constitutionnelle dans laquelle nous chercherons à réduire la dérive parlementariste inhérente à l'ambition humaine d'arriver en sécurité. Les mesures à prendre sont connues, sachant que l'économique commande à tout aujourd'hui.
La nécessité de libertés et d'innovation oblige à dégager des ressources en nombre et donc à contenir a minima l'Etat dans ses fonctions régaliennes strictes, ce qui convient très bien à un gouvernement resserré du modèle monarchique.
Quant à la profonde déchristianisation du pays, elle nous signale qu'il est vain d'attendre la révolution catholique pour vulgariser une offre politique royaliste. Faut-il encore qu'elle soit lisible, comprise par les gens de ce temps. D'où un gros travail d'aggiornamento, à commencer par tourner le dos quelquefois au passé lourdement chargé par les historiens idéologues, pour nous inventer des lendemains qui chantent.


le sceptre d'Ottokar
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jeudi 3 juin 2010

Un bouclier trop lourd

Ce billet est la version bloguée de l'article paru dans l'AF2000 du 20 mai sous le titre "Un bouclier trop lourd à porter". L'article entre en archives RA.

fusée Aster européenneIl est un gros souci parmi les dirigeants de notre planète-village, celui de la vulgarisation de la bombe atomique. A la seule exception d'Israël, seuls les pays stables, membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU, s'étaient jadis investis dans la recherche atomique militaire pour accéder à la parité technologique : l'effet Club.
L'antagonisme "héréditaire" des héritiers de l'Empire britannique¹ fit naître des bombes régionales qui brisèrent le consensus de non-prolifération et le traité éponyme TNP. La course à la bombe était désormais lancée par toute la planète, à tel point que l'on prête même à l'Algérie l'intention de s'en faire une, c'est dire !

Si dès les années 50, les Etats-Unis et l'Union soviétique sentirent le besoin d'une cloche à fromage anti-missiles balistiques au dessus de leurs intérêts vitaux, ils y renoncèrent vite quand les missiles à têtes multiples compliquèrent terriblement les contre-mesures et les interceptions. Chacun s'avouait qu'aucun bouclier ne le protègerait d'un bombardement de saturation. Nixon et Brejnev signèrent donc un traité de limitation des contre-missiles stratégiques en 1972 (ABM Treaty) pour sortir du piège "canon-cuirasse" et économiser l'argent de la Terreur.

Le gouvernement américain de réarmement moral présidé par un acteur de cinéma, Ronald Reagan, lança dix ans plus tard le projet d'une guerre extra-atmosphérique à base de satellites d'alerte et de plateformes orbitales capables d'attaquer au rayon laser des ogives balistiques en transit. Les studios californiens Lucasfilm² auraient pu réussir, le Pentagone échoua. On en revint vite à intercepter les fusées depuis le plancher des vaches, et encore ne prit-on en compte que les périls nés de la prolifération.
Les systèmes anti-missile dont nous parlons aujourd'hui sont donc construits pour parer les attaques d'Etats-voyous en instabilité mentale mais incapables de saturer leur ennemi. Aucun bouclier n'est prévu contre une attaque en règle entre gens du Club.

Il faut distinguer dès à présent deux catégories de systèmes, le système anti-missile stratégique et le système anti-missile tactique. Le premier est capable de tuer un satellite, donc une tête en croisière extra-atmosphérique à très haute altitude, le second, une ogive rentrant ou un missile de croisière endo-atmosphérique. Quatre pays ont fait la démonstration stratégique et possèdent aussi leurs dérivés tactiques : les Etats-Unis (systèmes MD et Aegis marine), la Russie (système Gorgon), la Chine (système KT), l'Inde (système Prithvi). Cinq pays ont des démonstrateurs tactiques éprouvés: Israël (Arrow), Taïwan (Système Sky Bow), France-Italie-Grande Bretagne (Aster). Le Japon et l'Autralie sont équipés d'Aegis, l'Allemagne de Patriots américains. Un dessin vaut mieux qu'un exposé fastidieux.

schéma du bouclier stratégique
Le système stratégique ci-contre accouple trois fonctions dans une poignée de minutes. Une grappe de satellites géostationnaires détecte le tir et la direction ; un ligne de radars avancés au sol donne le couloir balistique du projectile en discriminant les leurres ; des radars d'acquisition et poursuite affinent la contre-mesure et le contre-missile est tiré-guidé. Sa tête porte une charge kilotonnique ou une simple masse cinétique d'impact.

Si un tel système stratégique devient indispensable contre les pays qui menacent l'Occident, la France peut-elle s'en dispenser ? Notre industrie aérospatiale est capable de concevoir et construire ce sytème de protection de classe stratégique qui allie les trois fonctions précitées. Nous sommes en revanche incapables de le payer. Au bord de la faillite selon M. Fillon, l'Etat est plus directement menacé par la crise des dettes souveraines dont on parle chaque matin en se moquant de la Grèce que par les insomnies d'un ayatollah. Dans cet environnement de déficits, notre budget militaire ne pourra résister longtemps à des ajustements drastiques, la guerre étant encore bien au-delà de l'horizon, comme diront les gnomes de Bercy.

Mais si nous ne pouvons pas nous payer le bouclier stratégique sauf à enfoncer encore plus notre crédibilité conventionnelle, la "cloche" est utile dans le domaine de la guerre classique, la plus probable : il s'agit de protéger un théâtre d'opérations. Les deux guerres d'Irak ont montré les dangers d'un bombardement par les SCUD irakiens et la fiabilité des contre-missiles américains. On voit aujourd'hui les pays agressifs développer des capacités balistiques importantes pour ne pas être stoppés dans l'achèvement de leur dissuasion par un défaut de vecteurs puissants. Mais ces missiles peuvent s'armer aussi de têtes conventionnelles très brisantes ou sales, et créer bien des désagréments sur une base aérienne, un fort, une ville ferroviaire, un dispositif de concentration, etc... Dans la mesure où un théâtre d'opérations est à portée de tels missiles, il est tout à fait pertinent de le mettre sous cloche. La France sait-elle le faire ?

Oui. Son contre-missile existe. C'est l'ASTER, une arme franco-européenne du champ de bataille développée par Aérospatiale-Matra, BAe (British Aerospace), Thalès et Finmeccanica. Ses performances actuelles sont comparables au Patriot américain en version évoluée (PAC-3) et ce système d'arme est capable d'évolution.

Le débat "canon-cuirasse" est tranché préventivement par le ministre Morin qui a exclu le bouclier stratégique lors d'une lecture³ à la commission de la Défense de l'Assemblée nationale le 27 avril dernier, en dénonçant la futilité d'une nouvelle "ligne Maginot", ce faisant le contresens habituel (la Ligne Maginot a tenu en 40 bien plus longtemps que le mental de l'Etat-major). Ce serait quand même lui faire un mauvais procès que de lui répondre que le bouclier est étanche. Il suffirait que sur un tir groupé de plusieurs missiles atomiques, un seul traverse le filet pour que les dommages subis le condamnent. Mais il est un motif plus subtil d'y renoncer qui court les couloirs budgétaires : cette protection par sa trompeuse sécurité ébranlerait notre détermination à répliquer automatiquement à une attaque nucléaire par nos propres bombes, comme on l'argumentait jadis du refus de construire des abris anti-atomiques en France. Ce bouclier mettrait en péril toute la logique de la dissuasion nucléaire fondée sur une partie d'échecs préjouée.

La dispute russo-américaine sur le bouclier d'Europe orientale tient toute dans ce jeu de rôles : Moscou affirme que l'invulnérabilité américaine obtenue inciterait Washington à frapper préemptivement et que le système anti-missile polonais servirait à contrer une partie des tirs de représailles russes. En conclusion de quoi, le bouclier serait un facteur de guerre. Les Chinois approuvent, et construisent le leur ! Obama déplace le sien.

Débinant la cuirasse trouée, on peut donc s'inquiéter du canon. Disons-le tout net, notre force de frappe résiduelle est menacée d'abord par notre impécuniosité. Mais de bons esprits du camp de M. Morin soutiennent aussi que la dissuasion est un leurre diplomatique asservi au rayonnement du pays, mais pas une arme d'emploi. Il faut remonter à Sun Tse pour comprendre les armes de non-emploi, et nous y reviendrons une autre fois. C'est une arme de tapis vert. Or la seule valeur qu'aurait pu reconnaître l'adversaire est celle d'arme d'emploi. La "menace du faible au fort" n'a jamais inquiété le fort. Si vous mettez la théorie dissuasive en situation de confrontation des blocs telle qu'elle existait avant la chute du Mur, l'inutilité polémologique de la dissuasion française saute aux yeux, même si on entend dire que grâce à elle, nous sommes encore là pour en discuter, comme le chaman applaudit à la pluie si le matin il a dansé. La menace du faible au fort ne percutait pas, parce qu'elle aurait été éteinte préventivement ; mais ce serait débattre des vaches sacrées que d'expliquer la levée préalable du doute par l'un ou l'autre des adversaires dominants de jadis, ou même par les deux, avec le pressentiment que la France aurait pu être le seul pays d'Europe occidentale vitrifié préventivement.

Aujourd'hui, la force de dissuasion française est en veilleuse, maintenue au taquet(4), sans ennemi déclaré, en attendant que croissent les périls et sans exclure celui d'une prise de pouvoir par des fous n'importe où. C'est un outil utile pour repousser une future guerre directe contre un ennemi plus faible ou de niveau, dès lors que nous l'avons déjà payé et qu'il serait sot de le remiser. Il sierait seulement de lever le tabou de non-agression nucléaire de pays dénucléarisés au cas où notre dissuasion conventionnelle de plus en plus maigre échouerait, et de reconsidérer la doctrine d'emploi des bombes tactiques avec lesquelles nos deux escadrons de chasse doivent signer notre premier avertissement. Mais cette évolution doctrinale (à la Rumsfeld) va se heurter à un nouveau défi : le projet de désarmement nucléaire de Barrack Obama, projet bien accueilli à Moscou, Londres et chez tous les pays non-nucléarisés.

Mirage 2000 nucléaire
En revanche, la décision de ne pas construire le bouclier anti-missile ne doit pas peser sur la recherche et le développement de cette arme, sauf à vouloir laisser l'avenir sous le doigt des puissances ré-émergentes (Russie, Chine, Inde), émergente (Brésil) et américaine. Mais il serait aussi coupable de confier toute notre sécurité à l'art diplomatique de l'ours confronté à la mouche du jardinier car depuis cinquante ans nous sommes engagés en contre-guerilla et pas dans une bataille de théâtre, et que dans les limites d'un budget de défense à deux pour cent du PIB, nous peinons à projeter nos forces quand ce n'est pas à les équiper. Le défi est d'abord là, pieds au sol !



Notes
(1): Bombes indienne et pakistanaise. Il faudra un jour faire le recollement entre les points chauds du globe et les bidouillages du Foreign Office impérial pour s'apercevoir qu'ils n'ont oublié de sévir qu'en Amérique latine.
(2): George Lucas est le créateur de la saga Starwars - la Guerre des Etoiles
(3): le texte du ministre de la Défense est disponible dans les archives de l'Assemblée nationale (XIII° législature - compte-rendu n°28 Commission de la Défense et des Forces Armées du 27.04.2010)
(4): La plateforme stratégique sol-sol du plateau d'Albion a été démantelée et les bombardiers stratégiques de veille Mirage IV muséifiés. La composante sous-marine a été réduite d'un tiers. La composante tactique mobile (Pluton, Hadès) a été démantelée. La production de matières démontée.
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