Nous avons perdu quarante-sept hommes en huit ans de guérilla en Afghanistan. Contrairement à ce que rabâchent les pacifistes rationnaires des ligues morales et des médias racoleurs, ils ne sont pas morts pour rien, mais pour nous. On va finir le travail, avec nos alliés américains, je vais vous dire pourquoi, ce "pourquoi" dont je suis plus sûr d'ailleurs que du "comment".
La première raison - il y en a deux - est que le jihad est un défi mortel. Ou bien vous le relevez et vos digues tiennent, ou bien vous composez avec lui comme le fait l'Espagne ou le Londonistan, et vos digues cèdent. Nous sommes entrés dans cet époque du clash des civilisations qu'annonçait Huntington, même si ça dérange les penseurs de l'establishment onusien qui cherchent encore un monde unique et fraternel, à la manière d'Obama dans son discours du Caire, ou plus explicitement à celle des bisounours de l'altermondialisme et tous missionnaires de l'amour universel.
Les pôles civilisationnels de notre planète sont connus et la plupart sont très anciens, qui re-émergent dans les limites d'empires millénaires qui jadis apprirent tout au monde. Sur une planète définitivement finie qui porte une race en perpétuel développement, ces empires se poussent les uns les autres. Les zones de moindre résistance seront enfoncées. L'Europe et sa création coloniale qu'est l'Amérique du Sud sont de celles-là. L'Afrique n'existe pas dans ce chapitre, c'est la femme à tous, et elle ne mérite pas ça.
Au départ, nous sommes partis en Afghanistan épauler les Américains dans leur traque pour faire payer les deux tours de Manhattan à l'état-major l'al-Qaïda qui en avait revendiqué la destruction. Pour vingt raisons de la responsabilité du Pentagone, la traque a échoué et la résurrection de la Base¹ dans les zones tribales a suscité une réorganisation des bandes rebelles qui ont adopté le logiciel le plus vendeur, celui de la résistance afghane à l'occupant. Vieille antienne. L'insurrection (nocturne) de provinces entières et le terrorisme urbain le plus rémunérateur en termes d'horreur, rendent le travail des troupes d'invasion très difficile. Mais comme le fait remarquer le général Petraeus, les moyens considérables mis en oeuvre finissent par rompre les certitudes ethniques traditionnelles, et la vision d'un développement comme chez tout le monde finit pas s'imposer dans les esprits. L'eau potable, l'électricité, l'éducation primaire des gosses, des services publics basiques, des activités vivrières sûres, la relance de l'artisanat, bientôt la sûreté des transports, finissent par allécher le plus farouche des Pachtounes, même s'il n'acceptera jamais qu'il ait été un jour maudit et son esprit stérilisé par la dictature du coran.
Un retrait de la coalition avant la fin de la pacification enverrait le signal par le monde entier d'une victoire musulmane sur l'Empire du Mal, et se lèveraient alors partout des escouades de terroristes encouragés à répéter l'exploit. D'aucuns objectent que les Américains se retirent bien d'Irak sans que cela ne crée de remous ailleurs. A quoi je répondrais qu'ils ont fini le travail et que l'insécurité sanglante dans certaines villes irakiennes est à mettre au débit des partis chiites, assoiffés de revanche et de prébendes, qui n'ont pas partagé le pouvoir avec les sunnites et les baassistes, et ont donc exclu ces catégories de la nation, lesquelles se vengent. Ce n'est plus du tout un problème international, mais purement local, et tous les non-chiites de l'Islam le savent. "The job is done" mais cinquante mille hommes restent quand même pour la garde des puits et surveiller un voisin agressif.
Si par contre, les Talibans sont vaincus ou assez humiliés pour monter se cacher dans des zones désertiques et ne plus interférer dans le développement des provinces, alors l'espoir qui soutient bien des musulmans contre nous sera trahi. Certes on continuera à faire la fête toute la nuit chaque onze septembre dans le Panier de Marseille, mais elle aura aussi un goût amer si Ben Laden et consort ont été passés au moulin à momies et si les rues afghanes sont désormais éclairées la nuit.
Pour ce qui est du "comment" dont nous avons quand même parlé dans des billets antérieurs² il n'est pas sûr que le mitage des zones insurgées par des postes de surveillance préconisé par le général McChrystal dans le style des guerres d'Indochine ou d'Algérie soit efficace si l'objectif est de partir un jour. Il apparaît plus adapté à la topographie et aux mentalités de monter des bouclages de bandes en détruisant systématiquement tout ce qui est pris dans le noeud coulant y compris l'information, quitte à déplacer momentanément les populations infectées. Il y a un gros travail psychologique à mener sur nos commandants d'unités et au-dessus. Mais compter sur le renfort de l'Armée nationale afghane en construction reste périlleux et seulement politique.
Quoiqu'il en soit - et c'est la seconde raison - nous devons rester jusqu'au bout... pour l'honneur de nos armes. On voit d'ailleurs se lever, à gauche surtout, ceux qui s'en soucient bien peu et furent contents d'avoir reclassé nos unités combattantes en sections humanitaires, moitié pompiers, moitié SAMU international quand ils étaient aux affaires. Chirac a aussi une grosse responsabilité dans la retenue d'une brutalité inhérente au métier et dans la dilution des responsabilités sur des chaînes de commandement remontant très haut. En opérations de gendarmerie coloniale, cela ne pouvait être grave. On a vu à Uzbin³ la réalité du terrain et le décalage avec la caisse à sable de la rue Saint-Dominique !
Hormis le patrimoine légué par nos rois, il ne nous reste plus grand chose pour nous faire respecter. Notre économie gérée par des gnomes est au ruisseau, tous nos groupes industriels misent leurs billes à l'étranger, nos gouvernements sont ceux d'une république bananière télévisée, nos finances sont en aussi mauvais état que celui résultant d'une guerre que nous aurions endurée.
Alors relisant les Commentaires de Blaise de Montluc, grand capitaine aux armées des rois de France, j'ai surpris une étincelle d'enthousiasme quand il assure à son lecteur que la "race" française (il était de souche gasconne) est prédisposée plus que toute autre au métier des armes et qu'elle y réussit fort. Du Bellay n'en disait pas plus. On peut donc rêver à ce que nous redevenions bientôt une référence technique en matière de guerre.
Nous avons encore de bonnes bases, et depuis la réotanisation des armées de terre et de l'air, nous avons effectué leur remise à niveau. On peut rêver aussi que nos productions militaires, étant dès lors tamponnées "Warmint", nous puissions les vendre aux autres, et relancer nos arsenaux avant que l'époque ne redevienne faste pour les marchands d'armes. Jusqu'ici nous n'avions que des références coloniales surévaluées.
Nous resterons en Afghanistan jusqu'à la fin, pour briser aussi le syndrôme de Munich et de cette reddition en rase campagne que fut l'Armistice.
Note (1): c'est la signification du nom "al-Qaïda".
Note (2): on peut taper "afghanistan" dans la barre de recherche, il y en a 8 pages, ou consulter les titres suivants :
- La chimère afghane
- Quitter Kaboul ?
- Ethique d'infanterie
Note (3): vallée de l'embuscade qui nous a coûté dix soldats
Note (2): on peut taper "afghanistan" dans la barre de recherche, il y en a 8 pages, ou consulter les titres suivants :
- La chimère afghane
- Quitter Kaboul ?
- Ethique d'infanterie
Note (3): vallée de l'embuscade qui nous a coûté dix soldats
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On ne se coalise jamais pour, toujours contre, et à regret, car nous redoutons nos alliés presque autant que nos ennemis.
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