vendredi 30 décembre 2011

HADOPI la bataille

dinosaure SACEM
Nicolas Sarkozy au Forum de la culture d’Avignon : « Certains d'entre vous se sont inquiétés quand j'ai dit que j'étais prêt à un Hadopi-3. J'ai bien conscience que la technologie évolue. Ce qui compte, c'est de protéger les droits d'auteur. Si la technologie nous permet une nouvelle évolution, eh bien on adaptera la législation (18.11.11).» Quelle mouche a piqué le petit reître ? Les lobbies qui vivent du droit d'auteur (ô combien plus que les auteurs !) entrent eux-aussi en campagne contre la nouvelle économie d'abondance et vont assieger le lit des candidats à la présidentielle pour en sonder les reins et les coeurs. Le Centre national du cinéma (CNC), celui du livre (CNL), celui en gestation de la musique (CNM) et la SACEM vont verser leurs forces dans une structure de pression, l’ACCEN (Assemblée pour la création et la culture à l’ère numérique). Cette confédération des has-been va traiter d'égal à égal avec la fronde des fournisseurs d'accès, Orange, Free, Bouygues et Vivendi. L'affaire est porteuse de tapage, un candidat ne peut s'en extraire ; il doit faire du bruit sur les tréteaux électoraux. Revenons aux débuts.

Second anniversaire de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, créée par le décret n°2009-1773 du 31 décembre 2009. A souhaiter qu'il ne soit pas le deuxième, même si Flanby tremble d'un bord à l'autre chaque mois : il faut dire qu'il y a "droit" dans droit d'auteur, c'est pavlovien pour un socialiste un peu sincère, mais l'affaire est d'un autre niveau. Dans la guerre planétaire des Etats contre les nations, la bataille cybernétique est primordiale, à voir d'ailleurs les leviers déclencheurs de la révolution arabe et l'énormité des moyens mobilisés en Chine pour contrer l'information libre du Net. Les réseaux sociaux réinventent la démocratie directe, la pire menace pour les démocraties auto-proclamées que leur classe politique est parvenu partout à transformer en démocraties représentatives afin d'asseoir leur carrière et établir leurs familles. C'est contre cette dérive de la transformation que se sont levés les internautes et l'on peut dater cette insurrection de 2002, quand le Parlement européen dut débattre du "brevet logiciel". Les batailles se sont succédées au fur et à mesure des Directives de contrainte, groupées sous le nom de Paquet Télécom, puis à l'occasion des lois de protection d'une industrie phonographique obsolète mais rusée jusqu'à faire marcher devant elle ses propres artistes exploités, comme les femmes en youyous précèdent l'infanterie trouillarde de certains pays orientaux. Les morts-vivants du spectacle en conserve cachent (mal) la prise de contrôle des oligopoles sur les libertés publiques en plein accord avec la caste au pouvoir qui s'agace d'être doublée dans les divers compartiments de l'information. Le droit d'auteur a bon dos. La démocratie directe c'est l'enfer pour tous les gouvernements... dès fois que nous, les irresponsables non diplômés, décidions un beau matin, par exemple au hasard, d'araser les minarets ou de fermer les frontières !

Ainsi voit-on se liguer pour le filtrage généralisé de la Toile, riches crapules de l'entertainment, prébendiers du prêt-à-penser et idiots utiles de la lutte contre la pornographie comme certains UMPopulaires en chasse sur les terres du Front. En second lieu viendra vite l'éradication des sites rebelles à l'Ordre établi, la qualification du crime restant de l'appréciation d'une Administration courtisane et docile. La lutte des voraces contre les coriaces a dit le député Brard. Puissent les coriaces être nous. Les voraces quant à eux semblaient irrémédiablement perdus quand le ministère de tutelle de leurs appétits s'avisa de leur vitesse d'attrition dans un rapport commandé par M. Mitterrand et publié le 30 septembre dernier sous le titre « Création et diversité musicale à l'ère numérique ».
On y apprend que la profession est à la ramasse et les pleureuses de subventions de brandir la destruction de 4000 emplois en dix ans. Que le spectacle vivant ait augmenté sa billetterie de 60% en quatre ans ne compense pas le désastre puisque l'argent ne va pas dans les mêmes poches ! Et oui, le spectacle vivant rémunère d'abord la sueur, un concept anarchiste. Alors, "au secours l'Etat !" Pourquoi soutenir la filière cinématographique et pas la filière phonographique ? M. Mitterrand va donc lancer un grand "fromage" républicain, le Centre National de la Musique, pour y recevoir ses amis et 145 millions d'euros de nos impôts pour commencer, et maintenir sous perfusion les rats crevés des maisons de disques. Heureusement que la Crise réglera l'affaire par défaut de crédits de paiements. Que les artistes se produisent donc au rayon frais plutôt qu'en surgelés, ils y gagneront beaucoup en vérité et reconnaissance du public, à voir l'affluence en festivals et music-halls, et des sous aussi. Et tant pis si c'est peanuts pour la production d'art industriel !

Le 13 novembre 2009, quarante auteurs¹ de tous horizons avaient réuni leur défense de la liberté cybernétique dans le petit bouquin que je vous présente ci-dessous et qui mérite bien ses 9 euros. En voici la quatrième de couverture qui suffit toute à sa présentation :
« La bataille Hadopi » dessine les prémices d'une guerre qui ne fait que commencer. La Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet est devenue plus que l'acronyme d'une propagande, c’est désormais un symbole. Le symbole d'une entreprise de contrôle des techniques et des usages d'Internet.
Les technologies numériques sont en effet au cœur de nos vies : apprentissage, échange, travail, amour, participation démocratique..., nos sociétés sont transformées de fond en comble. Nous sommes aujourd'hui tous acteurs de ce bouleversement, dont le point nodal est la liberté d'expression et la liberté d'accès à Internet. Blogs, réseaux sociaux et autres sites participatifs sont désormais au centre du processus démocratique, et du plein exercice de la citoyenneté.
Face à l'autodiffusion et l'autopromotion sur Internet d'artistes talentueux dans tous les domaines de l'Art (musique, cinéma, littérature, art plastique…) on nous oppose l'image stéréotypée du « pirate », alors que nous sommes de plain-pied dans les nouvelles pratiques de contribution et de dissémination des œuvres en libre échange, basées sur le modèle du copyleft.
La guerre déclarée pour contrôler Internet se déroule en France, en Europe et dans le monde. Le syndrome Hadopi le montre parfaitement, les lobbies menés par les industries culturelles, prétextant la défense de la création, veulent transformer Internet en minitel² et imposer une société fondamentalement injuste où le partage serait criminalisé.
La loi Hadopi élude les questions de rémunération des auteurs, propose un arsenal de répression coûteux qui ne rapportera pas un centime supplémentaire aux créateurs et plongera l’internaute dans une insécurité juridique totale. Seuls les anti-Hadopi auront proposé des solutions concrètes visant à améliorer les revenus des artistes et garantissant le respect des droits fondamentaux des internautes avec la Licence Créative ou le Mécénat Global.
Hadopi est un sujet vaste et complexe, recouvrant de nombreux domaines. C'est pourquoi 40 auteurs, opposés à cette loi, ont décidé de participer à la rédaction de ce livre (politiques, sociologues, enseignants, militants associatifs, journalistes, artistes, auteurs, juristes, poètes, etc.).
Cet ouvrage, document sociologique et politique rare, vous propose leurs réponses, points de vue complémentaires et analyses. Une autre vision de demain, loin de l'erreur Hadopi »
.

Un extrait pris les yeux fermés et qui résume bien la situation : c'est d'Olivier Auber, artiste-ingénieur-inventeur-muséographe qui n'a pu entrer dans aucune case (clic) : « Trois corps tentent de surnager dans la tourmente : les « auteurs », les « consommateurs » et le corps des « intermédiaires ». L’Internet rend multipliable à l’infini les productions des premiers. Il facilite leur appropriation par les seconds, au prix d’une insécurité de leurs droits, de leurs données et de leurs identités. Il menace, voire réduit à néant le rôle des troisièmes. Un quatrième corps, celui des politiques, tente de planer au dessus de l’étendue liquide, mais il est ballotté au gré des courants et menacé lui-aussi d’engloutissement. La tempête est rude, car c’est la notion même de « valeur » que l’Internet dissout, c’est-à-dire ce qui permettait il y a peu de distinguer les corps entre eux et les individus qui les composent. Au final, c’est l’argent, tel qu’il a toujours été conçu, qui fuit.»

Le bouquin est édité sous licence Creative Commons par In Libro Veritas. Il fait 386 pages en petit format 105x150mm (version bronze, isbn 978-2-35922-015-5), facile de lecture dans les transports en commun saturés. A lire pour bien comprendre les enjeux et prévenir la victoire de l'éteignoir national, le Propriétaire !
Les rats pourront satisfaire leur curiosité à l'oeil en cliquant ici.

Note (1): HADOPI : liste des auteurs plus connus:
Alain Lipietz - Accès Internet droit fondamental
Benjamin Bayart - La neutralité du réseau
Bruno Mauguil - Les lobbies d'abord
Daniel Cohn-Bendit - Hadopi et le paquet Télécom
Francis Lalanne - Le gueux, le marchand et le prévôt du roy
♰ Francis Muguet - Le mécénat global
Jean-Pierre Brard - Le combat des voraces contre les coriaces
Jacques Attali - Quand la propriété devient le viol
Jérémie Zimmermann - La charpente vermoulue de l'Hadopi
Laurent Chemla - A ceux qui les ont conduits au désastre
Maxime Rouquet - Hadopi et le Parti Pirate
Michel Sitbon - La paix de Big Brother
Nicolas Dupont-Aignan - Hadopi, quand les lobbies s'attaquent aux citoyens
Patrick Bloche - Sanction pédagogique : la censure du Conseil constitutionnel
Note (2): Minitel est pris ici pour son architecture radiale (typique du modèle de contrôle social développé par le Commissariat au Plan) par opposition à Internet qui est une toile d'araignée avec d'innombrables fils transversaux, fournie par une multitude de serveurs de toutes tailles dispersés partout.

Poscriptum
En 2012, nous suivrons avec un intérêt spécial la mise en pression des sociétés de pouvoir par l'organisation anarchiste altermondialiste "We are Anonymous". Son développement en quelque sorte de cerveau global du piratage informatique, aussi noble qu'en soient les buts affichés, inquiète tous les systèmes de contrôle d'opinion et les équipes de sécurité des sociétés publiques et assimilées. Tournant le dos au culte de la personnalité d'un Julian Assange chez Wikileaks, les Anonymous fonctionnent réellement à ce qu'on en peut voir comme une société égalitaire de "neurones". L'expérience confirmera ou pas le modèle de résistance à la Connerie. Ils recrutent des hackers sans limite d'âge, dès la pré-adolescence.

Surveillez vos gamins !


Surveillez vos mamies !


Màj. du 3 janvier 2012
Le box office 2011 a fait 215 million d'entrées, un record depuis 40 ans.
Cherchez l'erreur.

Màj. du 30 janvier 2012

PETIT PRÉCIS DE LA RIPOSTE GRADUÉE HADOPI
Moins invasive que le Patriot Act américain auquel on l'a parfois comparée, la loi française « Création et Internet » limite le champ d'investigation aux ordinateurs des prévenus mais sans aucune décision de justice. Le fonctionnement de la machine à débusquer les « voleurs d'art » est bien réglée. Le moteur de toute l'affaire est entre les mains des majors habilités(1) par la CNIL, qui sous-traitent le moulinage des données circulant sur Internet à la société nantaise Trident Media Guard. Ils lui fournissent chaque semaine la liste des empreintes électroniques à créer pour dépister l'échange de produits sensibles, et les machines de TMG chargent ces marqueurs sur les flux d'échange de données pour identifier les contrevenants par leur IP(2). La liste de numéros est envoyée aux majors qui vont vérifier la légalité des droits, et le paquet passe chez la Haute Autorité. Celle-ci soumet la liste des IP aux fournisseurs d'accès pour qu'ils mettent un nom et une adresse sur chaque numéro. A partir de là, commencera la procédure dite de riposte graduée(3), vocable emprunté à la guerre atomique, que nous déroulons dans un version simplifiée ici : avertissement sans frais de l'abonné et rappel à la loi (sans lui indiquer le fichier téléchargé qui l'a fait tomber), second rappel à la loi par lettre recommandée aux récidivistes dans une période de six mois, coupure d'un mois de l'accès à Internet des récalcitrants à la troisième fois en un an, avec inscription au casier judiciaire, cette sanction est prononcée par un juge. Et pour ceux qui récusent leur responsabilité derrière l'écran, il est créé un nouveau délit, la négligence caractérisée par défaut de sécurisation de l'ordinateur (art. L335-7-1 du Code de la propriété intellectuelle). Les peines encourues sont la contravention de 1500 euros au troisième rappel au titre de la négligence caractérisée et 3750 euros en cas de réabonnement ailleurs pendant la coupure.

Notes:
(1) SCPP: Société civile des producteurs phonographiques, SDRM: Société civile pour l’administration du droit de reproductions mécaniques, SACEM: Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique.
(2) IP = Une adresse IP (Internet Protocol) est un numéro d'identification qui est attribué à chaque branchement d'appareil à un réseau informatique
(3)  l’article L331-24 du code de la propriété intellectuelle fixe un délai de saisie de l’HADOPI par les majors : des faits plus anciens que six mois seront prescrits concernant les sanctions administratives, riposte graduée et suspension de l’accès Internet.

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