lundi 15 février 2021

Du poids des princes

Contrairement aux autocraties démocratiques qui gouvernent par strates horizontales empilées afin de rémunérer au plus large leurs clients, les monarchies exécutives sont génétiquement pyramidales et réduisent la taille de la bureaucratie administrative à mesure que l'on s'élève dans la hiérarchie. Le responsable suprême ne peut donner ses ordres à des centaines de pions, mais se fie à l'excellence des ministres peu nombreux du Conseil qu'il a choisis hors des partis et qui partagent avec lui l'efficacité du commandement des hommes à la voix. Peu de papiers, des idées claires, une autorité naturelle sans arrogance et une tonne de bon sens. Les monarchistes rationnels dont je m'honore de faire partie, ne peuvent devenir royalistes que si les princes de l'Almanach les convainquent d'être faits pour l'emploi. Et pour ce qui concerne le royaume souterrain de France, l'écart est un ravin où périssent les meilleurs élans (et les lemmings). Les démonstrations de la pertinence du roi traditionnel achoppent parfois sur l'éventail du choix de l'impétrant. "Le prince" n'est pas gent ordinaire. Il est fait d'une glaise spéciale qui remonte loin dans le temps, pour les vrais du moins ! Les qualités requises sont celles des Atlantes qui portent les chaires des églises. Ecrasantes. Douloureuses. On ne devient pas prince, on l'est, on ne fait pas le prince sauf à vouloir divertir. Mais il peut arriver qu'un alignement rare de planètes crée un prince. Atout, poids, contrepoids, lest de quille, notre monarchie fédérative, sociale et décentralisée, comme la promeut adroitement le Groupement d'Action royaliste, ne pourra s'incarner dans un prince que si le nouveau titulaire de la charge est en capacité d'accomplir la mission confiée au modèle. On ne restaurera pas la monarchie pour cent jours. Ça ne se fait plus !

pentagramme
Royal-Artillerie a creusé plusieurs fois la question. Nous proposons quatre articles de 2015 (entre 24 libellés "prince" sur ce blogue):

- De l'âme des princes 
dont nous extrayons le premier paragraphe : « Nos âmes à l'image des dieux qu'elles ont contemplés dans leur vie antérieure* sont diverses et variées. Enfermés dans des corps qu'elles n'ont peut-être pas choisis, elle subissent la servitude de l'incarnation et s'abîment des passions qui les assiègent, sauf chez les princes. Des trois parties de l'âme platonicienne, c'est le νο̃υς qui domine chez eux et qu'on appelle raison, du même sang que celui des dieux. Les deux autres, l'appétit de la vie (ou les élans) et la colère (ou l'orgueil) y sont contenues par la première plus fortement que chez nous. Ceux d'entre eux qui ne le peuvent n'en sont pas. Nous avons coutume de révérer des personnes descendant de personnages illustres au seul motif de leur hérédité. C'est pure courtoisie.»

- Le Pentagone du prince 
dont nous extrayons l'entame : « Il y a quatre choses pour soutenir un monde : la connaissance du Sage, la justice du Grand, les prières du Pieux, le courage du Brave. Mais tout cela n'est rien sans celui qui gouverne et connaît l'art de gouverner (Frank Herbert, in Dune). C'est le pentagone du pouvoir. Cet art de gouverner s'apprend jeune. Il doit pénétrer le prince au fur et à mesure de sa croissance. C'est son sang, son âme, sa "spécialité".»

- Spécialités du pentagone du prince 
dont nous extrayons la conclusion : « Il faudra au prince pénétrer les arcanes du droit des Etats pour n'être jamais subjugué par les diktats que lui présentera la Faculté et garder le recul nécessaire qu'apporte la connaissance des "dessous" avant l'expérience à venir, sans oublier, comme le dit Herbert dans les archives du Bene Gesserit (T.v-XOX232), que la loi choisit toujours son camp en fonction des modalités exécutives ; la moralité et les finasseries juridiques ont peu de chose à voir avec elle dès lors que la véritable question qui se pose est : "Qui tient le manche du fouet ?". Bismarck avait compris qu'un prince dit le droit avant de le lire ! C'est une formation spéciale de l'esprit.»

- Le Jeu du prince 
dont on extrait l'entame : « Celui-ci a de particulier qu'il se joue en solitaire et que son adversaire est l'avenir. Il se présente comme un échiquier sur lequel, au milieu de tous les autres, un pion est impossible à déplacer, le roi justement et il n'y a qu'une pièce du roi. Le reste est fait de tours, de chevaux, de soldats et de fous diagonaux. Chacun se reconnaîtra. Jouer contre l'avenir revient à jouer contre qui le gouverne, et quoi plus sûrement ne le fait que les lois. Les lois règnent sur l'avenir ; les rites et les règles sur le passé. Enfermé dans les Lois fondamentales du royaume, le roi du jeu n'a aucune liberté de mouvement au plan des principes qui commandent le choix qu'en firent les sages. Il ne saurait fuir, on ne peut l'inter-changer, l'escamoter au profit d'un choix plus commode, adapté aux temps, une figure plus aimable, plus capable, plus consensuelle, non ! C'est un roi dicté.»

spirales

Le Temps comme souci


Comme à la fin de l'année 2018 où explosa l'insurrection d'une classe de mécontents soutenue par 84% des Français selon les instituts (i.e les gilets jaunes des ronds-points, non pas les hordes gauchistes qui suivirent par après), nous arrivons aujourd'hui au seuil d'une phase critique pour le pouvoir, qui va combiner le relèvement de notre économie au sens le plus large, le management d'une épidémie saisonnière étrange, fatale aux anciens, la défiance générale vis à vis des administrations qui ont été exposées au feu de l'actualité par un pouvoir politique inquiet, et trois élections, cantonales, régionales et présidentielle. Il ne manquera qu'un ouragan force 12 Beaufort le soir de Noël ! De cette phase, sauf l'ouragan, il ne ressort rien de très encourageant à poursuivre, sinon des opportunités à changer de paradigme une bonne fois, au gré des circonstances. Sommes-nous prêts ? Non ! Sont-ils prêts ? Non ! Le monarchisme français continuera d'avoir raison dans le cercle fermé des penseurs excentriques. Le royalisme français incantera sur le défaut d'appel du peuple à voir régner son prétendant et remettra le couvert pour la prochaine fois. En est-il partout pareil ? NON !

Trois pays nous font la leçon, à nous-autres royalistes : la Serbie, la Roumanie et la Bulgarie. Il ne se passe pas une semaine sans que les sites spécialisés dans les maisons royales ne citent une démarche publique ayant du sens de la part d'Alexandre et Katherine de Yougoslavie, de Margareta de Roumanie et Radu Duda, sans parler de l'ombre portée du Czar des Bulgares Siméon II sur le pays le plus difficle des Balkans après la Bosnie, prince qui a fait la démonstration de ses capacités à gouverner au quotidien. D'autres anciennes maisons royales s'impliquent en Europe dans les affaires publiques de leur pays. En France, les rares sorties sont cantonnées aux commémorations s'il y a une messe ! Certes l'Etat français mesure chichement leur participation à son programme mais il est d'autres manières subtiles d'ensemencer l'opinion à l'idée du roi, comme l'avait montré François Mitterrand lorsqu'il avait lancé le Millénaire capétien en 1987 avec le succès que l'on sait pour le duc de Cadix Alphonse de Bourbon. Où en sommes-nous aujourd'hui ?

Cinq maisons sont convocables en France :

La maison de Bourbon dont l'aîné est espagnol et français, qui est écartelé entre le combat franquiste vital pour la position sociale de sa famille et le soutien moral aux légitimistes français. On sait ce qu'il veut puisque ces derniers vœux ont déroulé ses convictions que partagent beaucoup de royalistes français, mais il n'a pas l'artillerie.

La maison d'Orléans, dite de France, qui émerge dans l'actualité plus souvent pour des affaires d'argent ou d'héritage que pour son projet de restauration et dont l'héritier ne parvient pas à s'établir dans le monde d'aujourd'hui, vivant de rentes, subsides et soutiens amicaux. Il dispose de la légion d'Action française et de sympathies militaires qui en resteront au niveau de l'affection.

La maison impériale, dernière venue, souffre du défaut de pérennité - aucun des deux empires n'eut de succession, ce qui est la base d'une monarchie classique - mais en revanche elle peut arguer qu'elle fut battue chaque fois par la guerre étrangère, et non par la guerre civile qui emporta les Bourbons au moins trois fois en un siècle. Le prince Napoléon dispose de tous les atouts d'un prince appelé à régner tant par sa situation personnelle (HEC, Harvard) que par sa position sociale (Blackstone Londres). Mais il n'est pas intéressé à cajoler une cour de groupies ni à monter un second 18-Brumaire.

La maison de Bourbon-Parme et ses nombreux rameaux peu impliqués en France, à l'exception de Mgr Sixte-Henri, duc d'Aranjuez et régent de la Communion carliste traditionaliste, et de Mgr Charles-Emmanuel, engagé dans le mouvement légitimiste français et dans l'Ordre sacré militaire et constantinien de saint Georges. Celui-ci a l'oreille des pouvoirs publics.

La maison de Bourbon Busset sera toujours l'aînée des capétiennes au droit du sang et, à voir se chamailler les "dynastes", dissimulera un sourire énigmatique derrière l'écarlate de son bâton de bâtardise. C'est une maison impeccable qui s'attire le respect de l'Etat français.

chrysantheme stylise


Au résultat, la ressource est faible et appelle une seule question : est-il raisonnable au XXIè siècle de vouloir confier le destin d'un pays menacé de partout et de l'intérieur surtout, à celui que désigneront les lois de dévolution automatique de la couronne perdue ? Poser la question c'est y répondre, et je suis bien conscient que le vide créé donne le vertige. Mais le "restaurateur" ne pourra être ni moyen, ni passif. Avec l'aide de Dieu, il faudra propulser un champion. A défaut, le former déjà !

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