lundi 7 juin 2021

La Chine populaire au bout de l'épure idéologique

Les futurologues s'accordent pour donner avant trente ans la première place en tout à la Chine populaire ou à ce qui lui succèdera, tant sur le plan économique et scientifique que pour la puissance militaire. Le Parti aura fêté le centenaire de la République populaire de Chine, fondée à Pékin le 1er octobre 1949 à la sortie de la guerre civile qui suivit la guerre sino-japonaise, et le pari de revenir au premier rang, celui de l'Empire du Milieu, sera gagné !

Rien n'est moins sûr !

Même si cela doit désespérer M. Raffarin et tous les idiots européens du kowtow ! Le Parti communiste chinois est sur la même trajectoire que les Junkers du Second Reich. Comme le démontrait le stratège Edward Luttwak dans un livre que j'ai perdu, tout leur était promis s'ils dominaient déjà les sciences, l'industrie, l'éducation et la sécurité sociale, sans parler même de l'armée restaurée sur le modèle prussien. Le premier central téléphonique à Londres était construit par Siemens. Rudolf Diesel allait révolutionner la propulsion des navires. Gottlieb Daimler concevait le premier moteur d'automobile à gaz industrialisable (sur une base Beau de Rochas). En 1900, les grands konzern du Reich produisaient plus d'acier que le Royaume-Uni. Cette prééminence industrielle se devinait lors de l'exposition universelle de 1900 à Paris, dans la machine-outil, la mécanique lourde, l'imprimerie de labeur avant de faire l'écart dans la chimie, l'électrotechnique, l'optique. Deutsche Qualität, ça vient de loin, ça vient de là.
L'énorme production de biens industriels et de consommation (textile) était écoulée en Europe centrale et orientale jusqu'en Russie, mais aussi dans les pays réputés neufs comme l'Afrique du sud, l'Argentine, l'Urugay, le Chili, avant d'attaquer l'Asie solvable, chasse gardée des Britanniques. Les réseaux commerciaux agressifs, adaptables aux clients et y pratiquant la vente à crédit, deviendront tentaculaires. Les banques allemandes très impliquées dans le développement industriel (qui avait beaucoup tardé avant le Zollverein) tisseront des liens avec des places étrangères puissantes comme Amsterdam ou New-York, en évitant la City. Le majorat mondial n'était que question de temps, une génération !

Bismarck (†1898) était intelligent. Sachant compter et mesurer inconvénients et avantages, il avait refusé de se lancer dans l'aventure coloniale comme les autres pays européens. Dit en passant, il avait aussi mis en garde ses successeurs de ne jamais s'immiscer dans les disputes de l'empire austro-hongrois, patchwork de nationalités, rivales jusqu'à la mort ! Génie !
Guillaume II n'était pas intelligent, et handicapé. Il fut facile de le flatter pour que l'Empire disposât à son tour d'un merveilleux empire colonial, où le kaiser pourrait aller admirer des nègres dansant à poil, en sus de son influence directe sur la Sublime Porte dont il avait fait sa chose, laquelle allait lui concéder la ligne ferroviaire Istanbul-Bagdad. Pour y atteindre, il fallait une flotte commerciale océanique de tonnage suffisant (les grandes compagnies de navigation allemandes comme Norddeutscher Lloyd ou Hamburg-Amerika Linie vont se déployer à ce moment-là) et bien sûr, une marine de guerre capable de la protéger partout. Vous voyez le parallèle ?

Au début de l'année 1914, la marine de guerre impériale est la deuxième du monde, capable d'aligner une quarantaine de cuirassés et croiseurs lourds. Et pourtant ! L'Amirauté anglaise, forcée au réarmement naval, produira les fameux dreadnought et toute une flotte moderne qui empêchera le Reich de briser le blocus allié. Les opérations navales allemandes de la Première guerre mondiale se limitèrent à la guerre sous-marine en Atlantique et aux raids organisés par les navires de second rang stationnés dans l'outremer impérial. Le tonnage ne fait pas tout, le combat d'escadre ne s'improvise pas, et le sel dans le sang des équipages est un facteur décisif de résilience. Acculés à la guerre, les alliés européens paieront très cher leurs hésitations mais vaincront à la fin par la profondeur de champ que le Reich ne possédait pas.

parade navale chinoise

Est-il besoin de reprendre point par point cette brève description de la stratégie du IIè Reich pour l'appliquer à la stratégie impériale chinoise d'aujourd'hui ? Il semblerait qu'Américains et Anglais ont feuilleté Luttwak, mais les Chinois pas encore !


La Chine à l'apogée de sa nuisance



Chez les pays de l'OCDE (chez les autres aussi sans doute), la pandémie du coronavirus de Wuhan a mis au jour une très forte dépendance des productions chinoises dans les bases pharmaceutiques et les articles sanitaires (masques, tests). D'autres domaines ont été monopolisés par la Chine populaire comme celui des terres rares. Et nous ne parlerons pas de "l'usine du monde" d'où sortent textile, quincaillerie de bâtiment, électroménager, panneaux solaires et mille autres choses que nous avons laissé partir au motif d'une spécialisation mondiale, plus que d'ailleurs le libre échange honni. La Chine populaire s'est fait une place de choix sinon toujours la première, dans la production mondiale de biens de consommation. Etait-il besoin pour autant de piller tous les savoir-faire accessibles, brevets et technologies occidentaux ? Etait-il besoin de pratiquer le dumping sur les produits d'aciéries et le photovolaïque quand la majeure partie de leur production mondiale était déjà captive ? La concurrence déloyale augmentée d'une propension générale à l'espionnage par tous canaux même culturels, a réveillé le régulateur du premier marché de consommation du monde, les Etats-Unis d'Amérique. Chapeau les cons !

Il en va pareillement de la recherche d'une hégémonie maritime sur toutes les mers bordant le pays jusqu'à la capture d'îlots inhabités au plus loin des bases chinoises dans le but insensé de faire de la Mer de Chine méridionale un lac intérieur. La Chine populaire y a gagné la constitution d'une alliance navale entre le Japon, l'Inde, Les Etats-Unis et l'Australie, le QUAD, flottes qui manœuvrent ensemble dans l'Océan indien et sur les atterrages des nations menacées (Indonésie, Malaisie principalement, Bornéo et Palawan). Pour enfoncer le clou, Le QUAD a demandé le renfort des alliés européens. L'Amirauté envoie un groupe aéro-naval vers le Japon, la France dirige une frégate pour s'y joindre et jusqu'à l'Allemagne, pays le plus coulant avec Pékin, qui enverra cet été une de ses frégates en Mer de Chine. Ce n'est pas la bataille navale, c'est pour montrer au pouvoir chinois que nul n'est dupe de leurs singeries et ne détournera le regard si d'aventure il veut mettre le feu dans sa zone d'intérêt. Le réarmement chinois est spectaculaire et particulièrement dans l'armée de mer où s'engloutissent des milliards. Tandis que les défis intérieurs s'accumulent, menaçant de déstabiliser les bases sociales du régime qui peine à satisfaire l'immense population dans ses besoins primaires. Rappel : on parle d'un milliard quatre cent millions de gens de toutes conditions, riches, pauvres en majorité, très pauvres souvent.

Le battage idéologique du Parti est assourdissant, au niveau de son correspondant aux craintes de désaveu populaire. En 2019, on a compté que trois cent quarante millions de Chinois ont quitté le Parti communiste et ses organisations de jeunesse (source). Le constat général que le peuple est de la pâte à modeler, sans valeur intrinsèque, une matière première transformable en richesse pour la classe dirigeante, détourne les gens, qui par ailleurs sont informés par la bande d'une répression cruelle des Tibétains, Ouighours, Hongkongais, Falungong, de l'église catholique cachée revendue au pouvoir par la Curie romaine¹, et maintenant des Mongols de l'intérieur qui ne veulent plus s'en laisser compter. S'ajoutent au doute sur les intentions cachées du Parti, les menaces récurrentes d'une guerre de destruction de l'île rebelle de Taïwan qui ne provoque la Chine populaire autrement que par son existence et son bonheur de vivre ! Les motifs du pouvoir central sont-ils finalement de créer le désordre pour à la fin l'écraser et montrer sa force ? Les peuples chinois sont intelligents, travailleurs, éduqués, peu portés à la revendication, soucieux d'accroître d'abord le bien-être de leur famille, mais trop n'en faut.
Les émeutes rurales contre les captations foncières des cadres du Parti communiste, les soulèvements ouvriers du Dongbei, les manifestations des Hui musulmans de Shanghaï sont autant de signaux d'alerte pour les dirigeants qui font l'erreur de vouloir tout corriger par le haut alors que l'histoire des trente dernières années leur a montré que la liberté de faire et de dire était le plus sûr moteur de développement pacifique, quand il se base sur un peuple industrieux comme le sont les Chinois. Mais plus insidieusement, c'est la caporalisation des jeunes ingénieurs dont le souci premier est de plaire à la hiérarchie politisée, qui mine en profondeur les espoirs d'hégémonie. S'y agrège la démotivation d'une partie de la jeunesse diplômée qui en vient à s'assurer le minimum vital par un emploi sûr et le moins fatigant possible (clic). On n'obtient rien de godillots, l'Union soviétique et ses imitations l'ont démontré. Le pouvoir chinois va connaître chez son peuple une apathie qui peut lui être fatale par son silence trompeur.

C'est par le soft power que la Chine pouvait obtenir une prééminence mondiale. Au motif de célébrer une victoire centennale sur tous ses rivaux, la clique Xi Jinping a choisi la confrontation, comme le IIè Reich y succomba à la Belle Epoque. Même causes, mêmes effets !
A moins d'une révolution de palais, comme l'empire en avait le secret, la Chine populaire avance vers une seconde humiliation. Le communisme est un cancer.

Confucius


Note (1): Il faut être abandonné par l'Esprit saint pour imaginer fléchir le régime le plus matérialiste du monde en se soumettant à ses vues.


Postscriptum : S'il s'avère que la pandémie du Covid_19 est née d'une manipulation ratée au laboratoire P4 de Wuhan, le programme OBOR (Routes de la soie) va stopper pour un long moment et le Parti perdra la face, ce qui peut tuer en Asie plus souvent que le ridicule chez nous.

2 commentaires:

  1. Votre première partie ne m'a posé aucun problème, dans le seconde je découvre les félures de la Chine, très certainement parce que je ne lis pas assez.
    Le communisme ayant permis la prise du pouvoir par une petite minorité cooptée, cela va faire plus de quarante ans que je me demande comme d'autres combien de temps le système va résister et il a résisté. Je ne n'imagine plus voir ce mode autoritaire de gouvernement changer, même mis à mal par l'action des occidentaux en Mer de Chine.
    Les têtes changeront seulement comme autrefois on changeait de dynastie, plus probablement.
    Supposition de ma part, bien sûr.

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  2. Depuis toujours la Chine se reconstruit sur son propre chaos dans son périmètre impérial. Le lourd balancier de son histoire. Quand arrivera l'apogée de sa gloire avant de redescendre, c'est toute la question !

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