vendredi 18 mars 2011

Si vis pacem... ⑥

Avant-propos
Royal-Artillerie donne une série de six billets sur la stratégie chinoise des années à venir. Voici le sixième et dernier. Ce travail s'appuie sur un dossier publié le 10 décembre 2010 par le Qiu Shi Journal, organe doctrinal officiel du Comité Central du Parti communiste chinois. L'original est accessible en cliquant ici.
Chaque billet traite un des six points stratégiques recencés, sous une forme identique : évaluation chinoise de la menace américaine (en rouge), contre-mesures chinoises, analyse du piéton du roi (en bleu). Dans l'ordre, il s'agit de :
① la guerre économique
② la guerre financière
③ la guerre médiatique
④ la propagande anti-chinoise
⑤ les bruits de sabres
⑥ l'encerclement

L'ALLIANCE ANTI-CHINE


Le quotidien russe Независимая газета (La Gazette indépendante) publia un article le 27 octobre 2010 intitulé "Les Etats-Unis tissent une alliance anti-Chine". L'article déclarait que le Pentagone dépense largement pour étendre sa base de contention de la Chine. Washington essaie aussi de persuader le Vietnam et d'autres pays d'Asie du sud-est de rejoindre son alliance anti-Chine.
Actuellement, dans sa confrontation avec la Chine, l'Administration Obama est devenue de plus en plus rude. Ils sont en train d'essayer à la fois de former une alliance anti-chinoise comprenant les voisins et partenaires commerciaux de la Chine, et de former un front anti-Chine basé sur des questions conflictuelles telles que la Mer de Chine Méridionale et le taux de change du RMB (Yuan renminbi). Récemment, le Secrétaire d'Etat américain Hillary Clinton a rendu visite au Vietnam et à d'autres pays en rentrant du Sommet Asie de l'Est. Elle y a fait une déclaration d'envergure annonçant que les États-Unis avaient la volonté de maintenir leur leadership en Asie. En Novembre 2010, quand Obama se rendra(ndlr: le texte du Qiu Shi publié le 10 décembre 2010 a été préparé début fin octobre) au Japon, en Indonésie, en Inde et en Corée du Sud, "La Chine " sera certainement un sujet de discussion important.

Répliques chinoises

A.- Attaquer à proximité. Les Etats-Unis semblent hautement intéressés à former une alliance anti-Chine très solide. Non seulement ont-ils fait une déclaration d'envergure sur leur retour en Asie de l'Est, mais ont aussi réclamé le leadership de l'Asie.
Ce qui est proprement insupportable est de quelle manière flagrante les Etats-Unis encouragent les pays voisins de la Chine à venir contre elle. Nous ne pouvons pas complètement les blâmer car les mouches ne vont pas sur les oeufs non fêlés. Des pays comme le Japon, l'Inde, le Vietnam, l'Australie, les Philippines, l'Indonésie et la Corée essaient de rejoindre le groupe anti-Chine parce qu'ils ont eu soit une guerre soit un autre conflit d'intérêts avec la Chine. Ils tentent d'engranger des bénéfices en utilisant les Etats-Unis, et tous ceux-là sont nos voisins autour de nous. Tout au long de l'histoire de la Chine nouvelle (1949), la paix en Chine n'a jamais été gagné en cédant, mais par la guerre.
En conséquence, la Chine doit respecter un principe stratégique de base : Nous n'attaquerons pas à moins d'être nous-mêmes attaqués ; si nous sommes attaqués, nous contre-attaquerons avec certitude. Nous devons envoyer un signal clair aux pays nos voisins que nous ne craignons pas la guerre, et que nous sommes prêts à tout moment d'entrer en guerre pour sauvegarder nos intérêts nationaux.
Les pays voisins de la Chine ont besoin du commerce international chinois plus que la Chine a besoin d'eux, vu les déficits commerciaux que nous subissons le plus souvent de ces mêmes pays. C'est pourquoi c'est eux et pas la Chine qui subiront les plus grands dommages s'ils la contrarient. La Chine devrait faire un bon usage de ses avantages économiques et de sa puissance stratégique. C'est aussi le moyen le plus efficace d'éviter la guerre.

B.- Attaquer dans l'espace. Toutes les forces stratégiques américaines dépendent de leurs puissant réseau spatial, qui est à la fois un avantage et une vulnérabilité des Etats-Unis. Aussi longtemps que la Chine pourra faire toute la démonstration de sa capacité à détruire n'importe quelle plateforme spatiale, et en particulier à attaquer, avec précision et pour un prix modique, les plateformes satellitaires américaines, la Chine posera une menace et une pression suffisantes sur les Etats-Unis. Comparés aux porte-avions américains, les satellites militaires américains sont plus vulnérables à une attaque. Les missiles chinois peuvent attaquer directement les satellites militaires qui d'habitude orbitent à une altitude inférieure à dix mille kilomètres. En 2007, quand la Chine testa un tir de missiles pour détruite un satellite abandonné, tous les Etats-Unis en furent choqués. La Chine devrait faire l'effort de développer des armes spatiales dès que possible, car c'est le moyen militaire le plus efficace d'attaquer les Etats-Unis. Si nous pouvons en fin de compte tirer des missiles depuis depuis un satellite, les Etats-Unis découvriront qu'ils n'ont plus d'endroit où se cacher ; ils se trouveront complètement exposés dans le rayon d'attaque de l'armement chinois. En même temps, la technologie chinoise des satellites est ce dont nous sommes le plus fier, à quoi nous sommes les meilleurs, et pour laquelle nous dépendons le moins (des forces étrangères). Elle est juste en retard d'une courte étape sur celle des Etats-Unis et de la Russie. Renforcer vigoureusement la construction de nos forces spatiales militaires devrait être non seulement le coeur de notre défense nationale mais aussi l'arme la plus puissante pour dissuader les Etats-Unis dans leur chantage militaire.

Nous devons apprendre comment explorer l'autonomie en faisant les choix les plus stratégiques et en développant des armes d'importance stratégique, au lieu de suivre la direction prise par l'armée américaine. Naturellement, le gouvernement chinois ne devrait pas avoir peur du battage médiatique occidental contre la menace chinoise. Défendre nos propres intérêts est plus important que n'importe quel truc publicitaire de relations publiques.
Quand le gouvernement des Etats-Unis a envoyé des troupes occuper l'Irak et l'Afghanistan, il n'a tenu aucun compte des critiques émises par les autres pays. Suivre notre propre voie est le reflet de notre confiance en nous-mêmes et c'est auss une stratégie.

Copyright : le texte français est traduit d'un original anglais produit par Chinascope.org avec leur permission explicite à Royal-Artillerie en date du 11 février 2011. L'original chinois sur Qiu Shi a été lu pour chaque billet de la série afin de dénicher tout contresens.

Analyse du piéton du roi

Disons déjà que le discours est ferme et mesuré sans incantations. On ne parle nulle part de grandeur de la Chine, de mission planétaire, et autres billevesées de préaux dont nous raffolons ici. Ceci étant dit, on aimerait plutôt que le discours publié par l'organe du Comité Central soit pure paranoïa. Or ce n'est à l'évidence pas le cas. Reprenons le paragraphe B d'abord.
Le groupe de rédaction sous-estime et la vitesse et la préparation à réagir du Pentagone si quelqu'un, et la Chine d'abord, commence à lui éteindre ses satellites. D'ici à ce qu'il en précipite un sur Pékin, juste pour voir, en donnant toutes les preuves qu'il s'agissait des retombées d'un tir chinois, il n'y a pas loin ! Secondement, les tirs de rétorsion sur le réseau satellitaire chinois (clic) combinés à la destruction des bases spatiales chinoises au sol, risquent de revenir cher à l'Empire imprudent. C'est pourquoi nous pensons que ce dernier paragraphe (rajouté peut-être à la fin car il y a deux numéros 5 de § dans le texte original pour 6 questions) est une figure imposée par l'état-major à la gloire de la modernisation des armées.
L'autre paramètre absent de l'analyse est la capacité de subversion des agences américaines. Ils ont failli réussir avec le Falun Gong et la réaction du gouvernement central a été tardive - beaucoup de hauts fonctionnaires "infectés"- et en conséquence brutale. L'inverse n'est pas possible car la ressource en américains anti-capitalistes est bien moindre que celle de Chinois anti-communistes. Il serait étonnant que la question n'ait pas été mise au point à Langley.
Mais revenons au paragraphe A.

Oui, les voisins de la Chine ont peur d'elle. Et dans le même temps ils en attendent leur propre développement et la richesse. Un marché d'un milliard quatre cent millions de gens au même endroit un jour solvable fait rêver tout producteur d'Asie du sud-est et d'Extrême-orient. S'ajoute à cela que la Chine historique est un véritable mythe en Asie. Tous se flattent d'en descendre d'une façon ou d'une autre, même si l'enfantement fut douloureux parfois. Il aura fallu que la Barbarie des confins du monde en vienne à bout au XIX° siècle et la précipite pour plus de cent ans en enfer, pour que le charme soit rompu. Mais elle renaît.
Il n'est pas sûr que la promiscuité militaire dénoncée par la Chine précipite en une alliance de type OTAN si la Chine avance prudemment dans son nouveau dessein d'être à l'abri chez elle des convoitises occidentales et japonaises qui l'ont jadis dépecée. Le meilleur moyen de convaincre ses voisins est de régler la question des eaux territoriales sur la base indiscutées des lignes d'équidistance aux continents en excluant des calculs tous les archipels coraliens. Deux cent cinquante îles et cailloux divers en Mer de Chine Méridionale, en prendre un c'est forcément prendre le suivant.
La seconde condition observable par tous est la manière dont sera conduite et gérée la réunification des deux Chines. Elle révèlera le poids des idéologues dans la nomenklatura aux manettes à Zhongnanhai. De l'idéologie communiste personne ne veut. Mais du chaos chinois, non plus.

Conclusion de la série

Par ce billet s'achève une série de six chapitres sur les stratégies chinoises à la lumière d'un dossier préparé par Mr Xu Yunhong (徐运红), fonctionnaire du CC non inscrit sur nos tablettes (un homonyme, membre suppléant du 15°CC, fut condamné pour corruption). La seule question que vous vous poserez est celle de savoir si la mentalité du CC est majoritairement ou minoritairement va-t-en-guerre. Si les fonctionnaires chinois en Hugo Boss, qui parlent trois langues et font leur mille yuans chaque matin en bourse, ont aussi les mains aux manettes, ou bien si les diplômés de la besogne issus des écoles du parti gardent leur pouvoir.
Quoiqu'il en soit, le Qiu Shi Journal a publié une mise au point pour se désolidariser de Mr XU Yunhong qui n'exprime que ses vues personnelles.
Qui a la vérité ?? Langue au chat !

Billets précédents

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